Les Fastes de la Pologne et de la Russie
[1r] Leck I. On ne sait s’il eut des fils. L’histoire parle de Visimir qui lui succeda & fit bâtir Vismar & Danzik.
Cracus. duc de Pologne 700. fils : Leck assassiné par son frere.
Leck II – Vanda. Sa mort incertaine.
Leck II, fils de Cracus. 748. déposé par le peuple
Vanda, fille de Cracus. 750. Se precipite dans la Vistule.
Interrégne L’État est gouverné par 12 Chefs-palatins.
Przemyslas ou Lesko regne en 760, meurt en 804.
Leszko II meurt en 810, fils : Leszko qui régna.
Leszko III meurt en 815, fils : Popiel & 20. fils de plusieurs Concubines.
Popiel I meurt en 813, fils : Popiel.
Popiel II meurt en 842, ses Enfans périrent avec Lui.
Piast meurt en 861, fils : Ziemowit qui régna.
Ziemowit meurt en 892, fils : Leszko qui régna.
Leszko IV. meurt en 913, fils : Ziemomislas qui regna.
Ziemomislas, meurt en 964, fils : Miecisław qui régna.
Miecisłav, meurt en 999, Épouse : Dąbrowka, fille de Bolesław, duc de Bohême – fils : Boleslas – Adleid[e] marié[e] à Duc de Hongrie.
Boleslas Chrobri, prend le titre du roi en 1024. Epouses : Hémilda, fille de Margrave de Misnie – 2. Judith, fille de Geiza, prince de Hongrie – 3. Ennenilda – 4. Oda, fille d’Ecard, Margrave de Thuringue ; meurt en 1025 ; Miecislav, Oton, 3. filles.
Miecislav II. E. Richsa, fille du Palatin de Rhin, fille de l’Empereur Othon II ; fils : 1. Casimir ; 2. fille mariée à Béla, duc de Hongrie ; 3. Boleslas mort en bas âge.
Interregne Richsa est nommée régente du royaume.
Casimir I. Sous la régence de sa mere 1034. Epouse : Marie, fille de Jaroslas, duc de Russie – fils Boleslas, Ladislas, Miecislas, Othon.
Boleslas II, intrépide, roi en 1058. Epouse : Viezeslava, princesse de Russie – fils : Miecislas mort jeune.
Ladislas I. Epouses : 1. Judith, fille de Vratislav, duc de Bohême ; 2. Sophie Judith, fille de l’Empereur Henri III.
[1v] Boleslas III Krzywousty. Epouses : Sobieslawa, fille de Svatopełk, duc de Kiiovie ; 2. Salomée, fille de Henri le vieux, comte de Bergue ; mort 1140 ; fils : Casimir – Ladislas – Boleslas – Miecislas – Henri, duc de Lublin et Sendomir – Casimir.
Ladislas II, Epouses : Christine, fille de l’Empereur Henri IV. Deposé en 1146 – meurt en Allemagne en chemin 1159 ; fils : Boleslas – Miecislas – Conrad.
Boleslas IV Crepu. Epouses : Anastasie, fille de Vsevlodimir, duc de Russie, régnant à Halicz ; 2. Helene, fille de Roscislas, duc de Przemisl ; fils : Boleslas – Lesko, duc de Masovie ; meurt en 1173.
Casimir II juste. Epouse : Helene, fille de Vzeboldus, duc de Russie – meurt subitement, on soupçonna une dame de lui avoir donné un philtre ; fils : Lesko II – Konrad, duc de Masovie.
Miecislas III déposé, élû de nouveau. Epouses : Eudoxie, fille de Vszevlodimir – Gertrude, fille de Bela, roi de Hongrie – Adélaide, fille de Geofroi, Comte de Louvain – fils : Ladislas II – Othon.
Boleslas V. pudique. Sous la tutelle des ducs de Silesie. Epouse : Kinga, fille de Bela, roi de Hongrie – elle fit vœu de chasteté, prit l’habit de l’ordre de Sainte Claire, fonda le Couvent de Sandecz.
Leszko II, fils de Casimir, prince de Cujavie ; Epouse : Griphine, fille de Roscislas, duc de Russie – accuse son mari d’impuissance.
Przémislas, fils de Przemislas, duc de Posnanie. Epouses : Lucardis, fille de Henri, duc de Vindau ; Richensa, fille de Valdemar, roi de Suéde – assassiné en 1296 par des soldats Brandebourgeois à Rogozno – fille : Richsa ou Elisabeth mariée à Venceslas, roi de Pologne, Bohème.
Venceslas, roi de Bohême, roi en 1300 – Epouses : Judith, fille de l’empereur Rudolf ; Richsa, fille de Przemislas ; meurt en 1305, à Prague.
Ladislas I. Łokietek. Succeda à son frere Lesko II, fut déposé, recouvra la couronne en 1306. Epouse : Hedvige, fille du duc de Posnanie ; fils : Casimir II – Marguerite.
Casimir grand – Epouses : Anne, fille de Gedimin – Adelaide, fille de Henri, Landgrave de Hesse – Hedvige, fille de He[n]ri, duc de Głogow – Maîtresses : Rokiziana Bohême – Esther juive ; meurt en 1370.
[2r] Louis roi de Hongrie, fils de Carobert, roi de Hongrie & de Elisabeth, sœur de Casimir le grand. Epouses : Marguerite, fille de l’Empereur Charles IV – Elisabeth, fille d’Etienne, gouverneur de Bosnie, pendue par les rebelles de Hongrie 1386 ; filles : Catherine – Marie qui épousa Sigismond de Luxembourg, Empereur et roi de Bohême – Hedvige, reine de Pologne, mariée à Jagellon, grand duc de Lithuanie.
Jagellon duc de Lithuanie, se baptise et prend le nom de Ladislas V. Epouses : Hedvige, reine de Pologne, mourut d’une couche malheureuse et en odeur de sainteté /sa fille Elisabeth/ ; Anne, fille du comte de Guillay /fille : Hedvige mariée à Frederic de Brandebourg/ ; Elisabeth, fille d’Otton, Palatin de Sendomir, veuve d’un Comte Granowski /fils : Ladislas qui régna/ ; Sophie, fille d’André Ivanowitz, duc de Kiiovie /Casimir – Casimir qui régna ; fille mariée à Eric, duc de Pomeranie/ ; meurt en 1434.
Ladislas V. est couronné roi de Hongrie, tué en 1444 à la bataille de Varne.
Casimir IV. Epouse : Elisabeth, fille de l’Empereur Albert II ; meurt en 1492 ; fils : Ladislas, roi de Hongrie ; Hedvige, mariée à Géorges, duc de Baviere – Casimir, apelé le saint – Jean Albert – Alexandre – Sophie, mariée à Frederic, margrave de Brandebourg – Elisabeth – Sigismond – Fréderic, Archevêque et Cardinal – Elisabeth, mariée à Frederic, duc de Lignitz – Anne, mariée à Boguslas, duc de Stettin – Barbe, mariée à Géorge, le riche duc de Saxe.
Jean Albert 1492, meurt d’apoplexie à Thorn.
Aléxandre, Epouse : Héléne, fille de J. Basilewitz, Comte de Russie ; meurt en 1506.
Sigismond, Epouses : Barbe, fille d’Etienne, Palatin de Transilvanie /Hedvige, mariée à Joachim, Electeur de Brandebourg – Anne/ ; Bona Sfortia, fille du duc d’Arragon /Sigismond – Isabelle, mariée à Jean Zapolya, roi de Hongrie ; Sophie, mariée à Henri, duc de Brunsvik ; Anne – Catherine, mariée à Jean, duc de Finlande, depuis roi de Suéde/ ; Maîttresse : Catherine de Silesie ; fils : Jean, Evêque de Posnanie, une fille mariée à Eli, prince d’Ostrog.
Sigismond Auguste, roi en 1548. Epouses : Elisabeth d’Autriche, fille de Ferdinand, roi de Hongrie – Bohème ; Barbe, fille de Radziwił – Catherine d’Autriche – Passion termine sa Carriere en 1572.
[2v] Henri, fils de Henri II, roi de France et de Catherine de Medicis – quitte le royaume, meurt assassiné par Jacques Clément, Jacobin, en 1589.
Etienne Batori, prince de Transilvanie ; Epouse : Anne, fille de Sigismond I.r, roi de Pologne.
Sigismond III, fils de Jean, roi de Suede, et de Catherine, fille de Sigismond I.r, roi de Pologne, petit-fils de Gustave Vasa – Epouses : Anne, fille de Charles, Archiduc d’Autriche /Anne-Marie – Catherine – Ladislas Sigismond – Catherine – Jean/ ; Constance, sœur d’Anne /Jean Casimir – Jean-Albert, Evêque de Breslau et Płocko – Alexandre – Anne Catherine, mariée à Philippe, palatin du Rhin/ – 1633.
Ladislas IV. Epouses : Cécile-Rénée, fille de l’Empereur Ferdinand II /Sigismond et une fille/ ; Louise Marie, fille de Charles, duc de Mantoue, conduite de Paris en Pologne ; 1648.
Jean Casimir, Epouse : Louise Marie, douairiere du Roi Ladislas IV, abdique en 1669, meurt dans son abbaïe de Saint Martin en France /Marie Therese – Charles – Louis/.
M. Wisniowiecki, fils de Jeremie Wisniowiecki, Palatin de Russie, et de Griselde Zamoyska. Epouse : Eléonore, fille de l’Empereur Ferdinand III ; meurt en 1673.
Jean Sobieski, Epouse Marie d’Arquien, fille de Henri de la Grange, Capitaine des Gardes Suisses – meurt en 1696 ; f. : Therese, mariée à Maximilien, Electeur de Saxe ; Jacques Louis épousa Hedvige, fille de Philippe-Guillaume, Electeur palatin ; Alexandre ; Constantin, prisonnier à Leipzig, épousa une comtesse de Vesel. Un fils et neuf filles.
Frederic Auguste II, fils d’Electeur de Saxe et de Sophie, princesse de Dannemark. Electeur de Saxe. Epouse : Christine Eberhardine, fille de Chretien Ernest, Margrave de Prusse et de Sophie-Louise de Vittemberg ; fils : Fréderic Auguste qui succéda à son pere ; meurt en 1733.
Frederic Auguste III, Epouse : Marie Josèphe, fille de l’Empereur Joseph ; fils : Frederic Christian Leopold, marié à Antoinette Walpurge, fille de l’Empereur Charles VII ; de ce mariage sont sortis Frederic Auguste ; 2o Charles-Maximilien ; 3o Joseph-Marie ; 4o Antoine ; 5o Maximilien ; 6o Marie-Amelie ; 7o Marie-Therese ; Xavier-Auguste, Charles-Christian, Albert Casimir, Clément, Marie-Anne-Sophie, Marie-Josèphe, Marie-Christine, Marie Elisabeth, Marie-Coney.
[3r] Vénédés étaient les plus distingués d’entre les Sarmates. Les Phinnes n’avaient ni armes, ni chev[a]ux, ne se nourrissaient que d’herbes et de quelques bêtes fauves qui tombaient à la chasse sous leurs flêches, dont la pointe était d’os au lieu de fer.
Leck I était frere de Czech, premier duc de Bohême, il se fixa dans un lieu qu’on nomme Gniezno, par raport au gniazdo y trouvé, de cet événement l’aigle a passé dans les Enseignes polonaises – 550.
Cracus Les déscendans de Leck I régnérent environ un siécle, la nation s’ennuyant d’obeïr à un seul Chef, se mit sous la conduite de 12 palatins. Et bientôt lassée de ce gouvernement, qui avait substitué 12 tyrans à un seul chef, elle proclama duc Cracus, un des Woiewodes déposés. On le regarda comme le fondateur de la ville de Cracovie, et il fit bâtir un chateau sur la cime d’un rochet, nommé Wawel – 700.
Leck II fils de Cracus, ne parvint à la Souveraineté que par l’assassinat de son frere. Il fut banni du royaume 748.
Vanda fille de Cracus, était d’une grande beauté et d’une vertu irréprochable, incapable de céder à la prudence pour peu que son autorité parût compromise. Ritiger, prince d’Allemagne, devenu éperduement amoureux de Vanda, ne reçut qu’avec mépris l’offre qu’il lui fit de son cœur et de sa main – Ritiger déclare la guerre à la Pologne. Vanda s’avance à la tête de ses troupes. Ritiger au champ de Combat députe à Vanda, lui rénouvelle ses propositions. L’Orgueilleuse répond qu’elle ne sera jamais assez lâche pour partager son thrône avec un Mortel. Ritiger se tue de rage. Vanda se précipite dans la Vistule, de crainte que sa beauté n’excite quelque téméraire à venir troubler la Pologne 751.
La Nation se met sous la conduite de 12 chefs, court tendre le col à des bourreaux /Hongrois/. Un seul Przemyslas sauve sa patrie, rangeant des branches d’arbres, pour attirer l’Ennemi à la forêt, qu’il massacre.
[3v] Przemyslas ou Leszko I. Przemyslas avait sauvé l’état, il en reçu[t] la récompense. Ce Przemyslas répondit à l’attente de ses sujets, ils furent heureux sous son regne – 760.
Leszko II. Le[s] palatins, briguant chacun en particulier le souverain pouvoir, on ordonna une course de chevaux. Leszko sema de clous pointus, recouverts de sable, la lice où le[s] prétendans doivent courir – et se ménage une route sûre. Sa fraude connue, le peuple le met en piéces. – On appelle cependant l’accusateur au gouvernement, qui apporta sur le thrône des vertus et des talens, il conserva ses anciens habits, afin de se rapeler sans cesse que, né au milieu de la plus vile portion du peuple, tous ses sujets étaient ses freres. – 804.
Leszko III herita des vertus de son pere. Il se joignit long-tems aux ennemis de Charlemagne, à qui il donna, bientôt après, des secours, dans la guerre que la France entreprit pour soumettre quelque peuple de l’Allemagne. Il avait un grand nombre de Concubines 810.
Popiel I fils de Leszko. On le peint comme un prince plongé dans la plus vile débauche, sombre, defiant, ombragé, détestant les hommes. Il transporta le Siége de Cracovie à Gnesne, de là – au milieu du lac de Gopło. 818
Popiel II fils de Popiel fut un monstre de cruauté, ses oncles lui parurent autant de concurrens prêts à le détrôner. Il feint une maladie dangereuse, mande ses oncles et, sous prétexte de leur faire ses derniers adieux, il les invite à boire dans une coupe empoisonnée. 830.
Piaste La Pologne refusant de se soumettre à l’autorité des Palatins, s’assemble à Kruswica – Piast habitant de cette ville, s’apercevant que la disette commençait à se faire sentir, ouvrit ses magasins. Cette apparence d’humanité et désinteressement fixa tous les yeux sur Piaste. Les Concurens ne pouvant réunir les suffrages, proclamérent Piast, le peuple applaudit à ce choix. Piast fut un grand [4r] et sage prince, il rétablit la tranquilité, réprima les vexations, fit aimer la justice &c 842.
Ziemowit régla les attaques des Soldats, il leur apprit à soutenir les premiers efforts de l’ennemi, à miner ses forces en lui résistant, à se rompre à propos, à se railler de même, à se préparer des ressources aprés la defaite – 861.
Leszko IV Indigne de régner par sa faiblesse, sa paresse et sa lâcheté. Il eût été dans la société civile un particulier inconnnu ou indifférent ; sur le thrône il fut un maître dangereux pour l’État, et qui ne sut ni connaitre ni récompenser les vertus, ni haïr, ni punir les vices. 92[…]
Ziemomislas fils de Leszko IV, s’endormit sur le thrône et son sommeil dura jusqu’à sa mort. Ce qui le tire de l’oubli, c’est d’avoir été le pere de Miecisłas – 913.
Miecisław conçut le hardi dessein d’élever en Pologne la réligion chrétienne sur les ruines de l’idolâtrie, il y fut engagé par son Épouse Dąbrowka, fille de Boleslas, duc de Bohême, qui n’accepta sa main qu’à condition qu’il abjurerait les faux dieux. Le Pape Jean XIII érige Gnesne et Cracovie en Archevêchés. – La coutume de tirer son sabre du fourreau, lorsque le prêtre dit l’Évangile.
Deux princes saxons déclarent la guerre à Miecislas et la victoire qu’il remporte est complette. L’Empereur Otton se rend médiateur de ce différend. Il eut encore plusieurs guerres à soutenir contre les Bohêmes, la Silésie devint le théatre des plus sanglans Combats.
Miecislas mourut couvert de gloire 999.
Boleslas Chrobry, Ziemowit avait discipliné les Polonais, Miecislaw les avait éclairés des lumieres de l’Evangile, Boleslas son fils en fit des Citoyens et des patriotes. Ses commencemens du régne furent si brillans qu’ils inspirent de l’inquietude à l’Empereur Othon qui se rendi[t] à Gnesno sous pretexte de visiter le tombeau de Saint A[da]lbert, posa la couronne sur la tête à Boleslas, [4v] lui fait épouser la princesse Rixa, fille d’Erentfroi, comte palatin de Rhin. – Avant les batailles, on chanta : « Bogurodzica – Dziewica ». – Le duc de Bohème attaque les Polonais. Boleslas assiége le duc et son fils dans le château de Wissenrad, il les oblige de se rendre et le duc a les yeux crevés. La Bohême reste unie au royaume de Pologne, ainsi que la Moravie. – L’Empereur Henri II, aidé des forces de l’empire, attaque les Polonais, chaque détachement qui franchit le guet est enveloppé et massacré par les Polonais. L’Archevêque de Magdebourg en est le médiateur. – Les articles portent que le roi de Pologne rendra la Lusace et la ville de Bantzen et qu’il renoncera à ses prétensions sur la Bohême. – Boleslas fit une guerre sanglante aux Russes, passe à la nâge le Bog et met l’ennemi en desordre au premier choc, fait le siége de la fameuse ville de Kiiovie – forcé de quitter Kiiow, il revient à la charge, les Russes ne peuvent soutenir le[s] force[s] du vainqueur Boleslas. – L’Empereur marche en Silesie, tente de s’emparer de Głogów, il est repoussé de Boleslas [qui] voulait tirer raison des insultes qu’il croyait avoir reçues de l’Empereur, il envoie son fils Miecisław au duc de Bohême pour l’engager à se joindre à lui, le duc trahit son ami et son allié, livre Miecisław à l’empereur et fait massacrer presque tous les seigneurs de sa suite. Géron, Archévêque de Magdebourg opine à relâcher ce prisonnier, qui fut conduit en Pologne avec un cortege convenable à sa dignité. – Le duc de Jaroslaw tente une invasion dans la Pologne, les deux nations se rencontrent sur les bords du Bog, on en vient aux mains et le courage expérimenté de Boleslas l’emporte sur la valeur opiniatre de Jaroslaw. Cette Victoire remet la Russie sous le joug de la Pologne qui lui fait payer tribut. M[o]urut regretté de ses Sujets.
[5r] Miecislaw II prend comme son pere le titre de roi. Maître d’un état déja puissant, et de peuples accoutumés à vaincre et à obeïr ; son indolente main laissa flotter au hazard les rênes du gouvernement, il avait fait la guerre et ne fut jamais guerrier, endormi dans les bras d’une Epouse altiere et voluptueuse, sa nonchalance causa plus de maux à la Pologne que les vertus actives de son Pere ne lui avaient procuré de gloire et de prosperité. – Les Russes reprennent les armes, ils tombent sur les garnisons polonaises, une partie est massacrée, et l’autre est envoyée pour cultiver de nouveau les terres que Boleslas a devastées. Miecislaw se montre à l’ennemi et content de l’avoir fait fuir, il lui abandonne les païs dont il vient de se saisir. – Przedyslas, fils du duc de Bohême, entre en Moravie, province alliée à Miecislaw, et les Moraves se joignent aux Bohêmes, le païs est bientôt délivré de la garnison polonaise. C’est pendant ces troubles que la reine Richsa, son Epouse, passe en Allemagne avec son fils Casimir. – Les gouverneurs d’une partie de la Saxe s’érigent en souverains avec les secours que leur prête l’Empereur Conrad II. C’est de cette révolution que viennent les ducs de Meklenbourg & d’Altenbourg en Misnie, et ceux de Rugen dans la Pomeranie – Miecislaw en Pomeranie gagne une mémorable bataille sur ces peuples. Un prince Hongrois /Bela/ montre tant de courage pendant cette expedition que le Roi de Pologne lui accorde une de ses filles en mariage, et lui donne le gouvernement de la province conquise – tombe dans une maladie de Lang. 1034.
Interregne. Richsa est déclarée régente du royaume & tutrice du jeune Casimir, son fils. Elle deploye toute la rudesse et l’aprêté de son Caractere, les taxes furent augmentées, les Polonais exclus des charges furent remplacés par les Allemands. Les Esprits s’égrirent, le peuple toujours prêt à suivre l’étendar du Conspirateur, qui annonce la liberté et la fin de la Misere [5v] publique, parut disposé à suivre qui éclaterait. Les Allemands sentirent qu’ils allaient être les premieres Victimes sacrifiées à l’indignation des Polonais. Ils préparérent leur fuite et pressérent Richsa de mettre en sûreté sa personne et celle de son fils Casimir. La reine suivit leur conseil et se retira auprés de l’empereur Conrad II. avec tous les tresors dont elle put se saisir. Son fils envoié à Paris y puisa les vertus et les sciences. – En Pologne, les tyrans s’élévent de tous côtés, déchirent la patrie, les villes sont détruites, les campagnes ravagées, les moissons incendiées, les églises profanées, tout est brigand ou malheureux. – Przedyslas, duc de Bohême, entre en Silesie et se rend maître de Braclaw, pénétre en Pologne, brule Posnanie et Gnesne, il n’épargne ni sexe, ni âge, cependant il était dévot et demanda aux Citoyens de Gnesne le corps de Saint Adalbert, les habitans de Gnesne au corps de martyr substituérent un autre. – La nation polonaise ne trouve autour d’elle que des débris encore fumans. Poboz, Archevêque de Gnesne propose de rappeller l’héritier de la couronne, on convient de rappeller Casimir. Ce prince étant entré dans l’abbaye de Cluni, Bénoît IX se rendit aux instances des Polonais et le déclara en état de régner avec des Conditions – qu’on refute à present. 1040.
Casimir I. S’occupa à faire cesser les troubles, demande au duc Jaroslaw sa sœur en mariage, fille de Vlodimir le grand et d’Anne, sœur de Basile et de Constantin, empereur d’Orient. – Les Russes avaient besoin de la paix, saisirent cette occasion d’en resserer les nœuds avec les Polonais. – Un nommé Masos, allié aux Prussiens, voulut usurper Mazovie, Narew &c mais battu par Casimir et vangé par les Prussiens, fut pendu, et les Prussiens offrent [6r] de payer le tribut. – Henri III tomba sur Prédislas et le sollicita de rendre aux Polonais le païs conquis. – Casimir s’applique à faire fleurir la réligion et les mœurs, fonde deux Monasteres de Tiniec et sur l’Oder en Silésie, fait venir /pour les desservir/ douze religieux de l’abbaye de Cluni, meurt 1058. Il ne fut pas guerrier mais il fit la guerre avec la prudence nécessaire pour rétablir un païs dévasté par les divisions intestines.
Boleslas intrépide, fils de Casimir, plein d’ardeur et de courage, il fit la guerre avec succés, et sa réputation rendit sa cour l’asyle des princes malheureux. – Le duc de Bohême enveloppé de tous côtés, sans espoir de sauver son armée, allume des grands feux, et par des sentiers sûrs les troupes défilent à la faveur de la nuit. L’année suivante, la Pologne accorda la paix à la Bohême et cette paix glorieuse valut des victoires. – Les Prussiens faisaient toujours des courses sur les terres de la Pologne et le butin qu’ils en remportaient était déposé dans la forteresse de Graudenz, au Confluent de l’Ossa. Boleslas tente de faire le siége de ce repaire de brigands, s’enfuit et suivi des Prussiens il en [remporte] une victoire complette et reprend le butin. – Boleslas gagne une bataille sur les Hongrois, fait roi /Bela/ dont le frere périt pendant l’emeute. – Boleslas avait des droits sur la Russie qu’il prétendait faire valoir ; pour les apuyer il se choisit une épouse parmi eux, il rencontre les Russes à deux lieu[e]x de Kijovie, Wszesław duc de Połock, étonné de la conténance ferme des Polonais, saisi de crainte à cette vue, il se déroba de son champ, les Russes abandonnés de [leur] général, laissent aux Polonais un Camp nud et un vaste désert, et Boleslas protecteur d’un prince Russe dévint plus maître que lui dans ses propres Etats. – Il eût été bien digne d’éloges, si, ne cé[6v]dant pas à la dépravation des mœurs du païs, il eût résisté aux charmes de la volupté, et s’il n’eût pas fait de Kiiowie une nouvelle Capoue. 1076 Les huit années que Boleslas avait employées à conquerir la Russie et à porter son armée en Hongrie avaient fait naître une singuliere révolution dans la Pologne. Une seule dame eut horreur de prostitution générale et l’histoire nous a conservé son nom /Marguerite, Zambocin/, elle se refugia secrettement au haut d’un clochet &c – Les Polonais impatiens désertent par pelotons, et il ne reste sous les drapeaux que ceux pour qui la débauche a encore des attraits. Boleslas forcé d’abandonner la Russie, les suivit de prés. Ce fut dans ce moment que se developpa toute l’atrocité de son caractére ; il livre aux bourreaux les plus riches des déserteurs, il confisque leurs biens, les femmes, auteurs de ces désordres ne peuvent se soustraire à sa vengeance ; on leur arrache de bras leurs enfans, ils sont barbarement jettés au milieu des campagnes et deviennent la pature des bêtes féroces, les femmes condamnées à alleter les chiens, pendus à leurs mammelles publiquement. S. Szczepanowski, Evêque de Cracovie, s’éléve contre sa tyrannie, qu’il assassine lui-même sur les marches de l’autel. – Le Pape Grégoire VII, ce pontif si entreprenant, excommunia Boleslas, le déposa, mit le royaume en interdit, délia les sujets du serment de fidélité. Devenu en horreur à sa nation, craignant à chaque instant pour sa vie, se sauve en Hongrie, de là, en un monastere de Carinthie, reduit au vil emploi de faire la cuisine, les autres disent qu’il se donna lui-même la mort 1081.
Uladislas, fils de Boleslas, tint les rênes du gouvernement d’une main faible et timide, et dans la crainte de [7r] deplaire à la cour de Rome, il abandonna le nom de Roi et prit le titre modeste de duc de Pologne – 1083. – Le Pape leve l’interdit jetté sur la Pologne. – Uladislas épouse la princesse Judith, fille de Wratislaw, petite-fille d’André, roi de Hongrie, qui ne donne point d’héritiers à son époux. – Uladislas fit révenir son neveu Miecislas, fils de Boleslas – on le regarda comme l’héritier présomptif de son Souverain, il épouse la princesse Eudoxie, fille de Svatopelk, duc de Kiiovie, bientôt meurt empoisoné, où est l’intérêt, là doit se trouver l’auteur du crime. La Russie se revolte (1092), égorge les garnisons polonaises, s’empare des forteresses tenues par l’ennemi. Cette nouvelle guerre réveille les Prussiens et les Pomeraniens. – Les Polonais courent au devant de ce torrent. L’affaire s’engage et les Polonais sont vainqueurs. – Les Polonais (1092) faisaient en Prusse le siége d’un fort (Nackel). Le ciel chargé d’épais nuages, qui laissérent échapper momentanément la lueur de la lune, […] l’armée prussienne qui battit les Polonais. – Les Bohêmes font l’invasion dans la Silésie – il[s] sont repoussés par Siecieh. – Boleslas, fils de Uladislas, jeune de 9. ans, supplie son pere avec transport de lui permettre de faire la Campagne. C’est ici que son goût pour la guerre se développe. Il prend le chateau de Międzyrzecz &ce 1097. L’époque du Ir démembrement de la Pologne, où son affaiblissement actuel trouve son origine. – Uladislas pour assoupir la haine entre les généraux, promit à Boleslas la Silésie, les provinces de Cracovie, de Sendomir, de Siradie &c ; à Zbigniew la Partie de la Poméranie, le palatinat de Lenczyca, Mazovie, Kujavie. Ces deux s’emparent, du vivant de [leur] pere, de ces provinces, le pére souscrit à l’exil perpetuel de Sieciech. – Les Bohêmes font de grands dégâts dans la Silésie. Jusque là, Boleslas avait donné des preuves de la valeur la plus [7v] extraordinaire, sur-tout dans un âge si tendre. – Lorsqu’on vint l’informer de l’irruption des Poméraniens sur les terres du royaume, Boleslas marche jour et nuit par des routes détournées, surprend l’ennemi pendant son sommeil, le taille en pieces, revient à la cour avec des prisonniers. Uladislas fut faible, indolent, et soufrit d’être gouverné mais il aima véritablement sa patrie – 1102.
Boleslas III Krzywousty avait jour et nuit pendu à son cou une médaille où son pere etait réprésenté. Il épousa la princesse Zbisława, fille de Svatopelk, duc de Kiiovie. – Zelisław dans l’affaire contre Zbigniew engage les Bohêmes à combattre, où sa main coupée est remplacée par celle d’or. Boleslas irrité de la fiere reponse des Poméraniens, franchit les fossés de Belgard, la ville emportée est mise au pillage. L’Empereur Henri V, aidé des Bohêmes, des Bavarois et des Saxons, avait formé le projet d’assujettir la Pologne. Les habitans de Głogow demandent une suspension des armes et donnent des otâges. Boleslas instruit de cet[te] convention, vient avec son armée, attaque l’ennemi et remporte la victo[i]re la plus complette /.../.
1114. Un Bohême offre de se mesurer avec chacun en particulier. – Boleslas l’étend mort à ses pieds. – Zbigniew exilé, revient en Pologne où il reçut la mort. – Scarbimir, Palatin de Cracovie, entrainé par le brillant de sa reputation, prétend que tout fléchisse sous son autorité, il fut arrêté et condamné à avoir les yeux crevés. C’est à cette occasion que désormais le Castellan de Cracovie a eu pa[s] sur le Palatin. – Otton, Evêque de Bamberg, prêche l’évangile avec succés dans la Pomeranie. – Abel tue son frere Henri, usurpe la Couronne, devient tyran de Danemark. Boleslas débarque en Danemark, chasse l’Usurpateur, refuse la couronne qui lui est offerte, laisse aux [8r] Danois la liberté de se choisir un roi. – Successeur de Skarbimir ayant fui dans une bataille contre les Russes, a reçu des Symboles de sa faiblesse. – Boleslas mourut 1139. Il fut humain, doux, affable, prudent général. – 47 batailles lui acquirent une gloire imortelle. Les loix qu’il respecta et aux quelles il se soumit le premier, lui obtinrent l’amour de son peuple. Son thrône fut constamment l’asyle de l’inocence et des malheureux. Modeste au milieu de ses triomphes ; il ne lui manqua que plus de fermeté à soutenir les revers de la fortune qui abrégerent ses jours. Boleslas laissa 4 fils déja grands et le 5e au berceau (Casimir), il partagea ses Etats en quatre part[s]. Il donna à Ladislas les provinces de Cracovie, de Sieradie, de Lancici, la Silesie, la Pomeranie ; à Boleslas – la Mazovie, la Cujavie, les terres de Dobrzyn et de Culm ; à Miecislas – les districts de Gnesne, Kalisch, Posnanie ; et à Henri – les provinces de Sendomir – Lublin. L’a[î]né devrait avoir la superiorité sur ses freres. Et Casimir mis à leur discretion.
Uladislas II 1144. Excité par son Epouse Christine, fille de Henri IV. Empereur d’Allemagne, princesse hautaine, veut dépouiller ses freres de leurs héritages. Pierre Dunin, ce fameux Danois pour qui Boleslas Krzywousty avait tenté l’invasion du Danemark, essaya vainement de rapprocher les 4. freres. La duchesse le haïssait pour lui avoir reproché les amours avec Dobiesz, pour cette raison, enlevé au milieu de la ville de Breslau dont il avait le gouvernement, on lui arracha la langue et créva les yeux. – Uladislas poursuit se[s] freres avec fureur. – Boleslas & Miecislas se rétirent à Posnanie ; Uladislas repoussé se sauve en Allemagne, abandonne son Epouse qui est envoyée à son lâche Epoux.
[8v] Boleslas IV. crêpu. 1147. Boleslas fut reconnu duc de Pologne. Conrad, de retour de l’expédition d’Asie, prend l’intérêt de Uladislas et de Christine. Le Discours de Boleslas fit un tel effet que dés le lendemain l’armée impériale se sépara, malgré tout ce que put faire Uladislas pour rétenir Conrad dans ses intérêts. Frederic Barberousse prend la résolution de rétablir dans ses Etats le fugitif Uladislas. L’armée imperiale vient fondre sur la Pologne. Boleslas oppose à des forces nombreuses, de petits partis qui harcelent sans cesse l’ennemi. L’ennemi est épuisé par ces escarmouches. On convient de quitter les armes et les princes cédent la Silésie à Uladislas. L’empereur l’oblige de partager la Silésie aux trois fils de ce prince. C’est la premiere fois que cette province sortit des mains des Polonais qui la régarderent comme un fief de leur Couronne. – Boleslas tourne ses armes contre la Prusse qui, accablée d’impôts et tyrannisée par les Polonais, chasse ses prêtres.
– Boleslas revient en Prusse, se fie imprudement à des transfuges qui engagent l’armée dans des défilés où les barbares en font un carnage horrible. – Boleslas était plus politique que guerrier, avait des qualités essentieles pour bien gouverner l’État. Ce qu’il n’aurait pû enlever par la force, il savait l’obtenir par la persuasion, fécond en ressources.
Miecislaw III. 1174. tyran infléxible, brava impunément les loix, ouvrit la porte à tous les vices ; qui, d’autant plus hautain qu’il était lâche et craintif, ne chercha à faire usage de son autorité que pour faire des injustices criantes, Géd[é]on, Évêque de Cracovie se charg[e]a de porter aux pieds du cruel les plaintes du peuple désespéré, elles ne servirent qu’à irriter ce caractere féroce. On déposa Miecislaw et, après quelques débâts, Casimir son frere fut élû à sa place.
Casimir le juste signala son avénement au thrône par l’abolition du droit barbare de soutenir la Noblesse voyageante et de [9r] s’emparer des bien Écclésiastiques lors de la mort des Possesseurs. Miecislaw sollicite son frere de lui rendre ses Etats, il s’en appelle à la noblesse, prêt à le faire. – Casimir veut réprendre le duché de Halicz usurpé par les Russes. Ce[s] peuple[s] féroce[s], maldiscipliné[s], mais courageux par tempérament, viennent audevant de lui, dans l’espérance de satisfaire la haine qu’ils ont pour sa nation. Les Polonais sont intimidés par la multitude qui leur tombe sur les bras. – Les Polonais enflammés par un discours de Casimir fondent sur l’ennemi et remporte[nt] une victoire complette. Aprés avoir établi la paix dans le royaume, réprimé les entreprises séditieuses de Miecislaw, contenu les princes de Silesie, ses neveux, et dompté les prussiens, Casimir mourut cette année, non sans quelque soupçon d’avoir été empoisoné.
Leszko le blanc 1194. Cet amour de l’indépendance que les Polonais appellent liberté, jette quelques légers rameaux à la mort de Casimir. Ils se croyent en droit de choisir un Souverain, dédaignent les jeunes fils du feu duc et son[t] prêts de couronner Miecislaw le vieux. – Cependant Leszko est proclamé duc, sous la régence d’Héléne sa mere. Dans ce tems, le réligion souffrait de la dissolution des mœurs. Le clergé était répréhensible, on voiait des prêtres entretenir des Concubines, se lier à des Épouses. Les Citoyens ne regardaient plus le mariage que comme des chaines qu’il leut etait permis de rompre au gré de leur[s] passions et de leurs caprices. – Pierre, légat du Pape, reforme la discipline écclésiastique.
Miecislaw III. Les troubles de l’état excités par Gaworek, Palatin [de] Sendomir, & par Nicolas, Palatin [de] Cracovie, fournirent à Miecislaw les moyens de remonter sur le thrône. – Leszko, descendu du thrône par la perfidie de son oncle, y remonte par les intrigues de sa mere, [9v] pour en rédescendre une seconde fois, mais une mort subite enleve le traître Miecislaw. Ce prince bas et méprisable dédaignait l’estime des hommes et ne connaissait d’autres plaisirs dans la souveraine autorité que la barbare satisfaction d’être le tyran de ses peuples.
Ladislas III laskonogi. Il etait à presumer qu’aprés la mort de Miecislaw, le jeune Leszko remonterait sur le trône, mais réfusant de chasser Gaworek, Palatin [de] Sendomir, Ladislas, frere aîné de Miecislaw, obtint la couronne. Ce qu’il y eut de singulier, c’est que ce prince aussi grand, aussi généreux que Leszko, refusa long-tems la couronne, qu’il savait appartenir légitimement à son cousin, et ne l’accepta enfin qu’avec son contentement. De pareils exemples sont rares. – Leszko redevenu simple souverain de Sendomir se voit attaqué par Romain, duc de Lucko, à qui il avait cédé le duché de Halitz, il livre bataille à son ingrat ennemi et remporte sur lui une des plus mémorables victoires. – Gaworek venait de mourir, & Uladislas céda la couronne à son Cousin, action memorable qui n’a peut-être jamais été répetée.
Leszko le blanc. Le Comte Svatopelk, Gouverneur de la Poméranie orientale, prétend s’y rendre souverain, il refuse à la Pologne le tribut de 1000 marcs d’argent, sa rébellion devenue manifeste, Svatopelk se rend à Gansaw, accompagné d’un grand nombre de Soldats distribué[s] secrettement. – Ce perfide, dans le moment (où se tient l’assemblée), que Leszko sort du bain, sans armes et presque nud, le fait massacrer par ses Satellites. – Leszko, simple, modeste, aima la paix et chérit sa patrie audessus du thrône, il en dédaigna l’éclat et ne chercha dans l’autorité supreme que la facilité de faire du bien et de rendre la justice. Il descendit jusqu’aux moindres sujets pour en connaitre la misere, le besoin, et pour leur porter de prompts secours.
[10r] Boleslas V. le Chaste. 1227. âgé seulement de sept ans, succéde à son pere Leszko. – Hedwige, femme de Henri, duc de Silesie, engage son epoux à se désister de sa régence. – Les Prussiens portent le fer et la flamme dans la Pologne, saccagent la province de Culm, brûlent plus de deux cent cinquante Églises, emménent captifs une quantité prodigieuse de citoyens, et étendent leurs ravages jusque dans la Masovie. Le régent Conrad, à qui il ne reste que la seule ville de Płocko, apele à son secours les chevaliers Teutoniques / ils s’engagent à faire une guerre continuelle aux Prussiens, jusqu’à ce que ces idolâtres n’eûssent embrassé la réligion chretienne/. Conrad leur assigna pour établissement le château de Dobrzyn et se[s] dépendances ; et quelques tems aprés, sa[t]isfait de leurs services, et en espérant encore de plus considérables, il leur céda le territoire de Culm, &c. L’ambition immoderée des Teutons causa long-tems les malheurs de la Nation polonaise. 1238. Boleslas prend les rênes de son état. – Ce prince épouse Cunégonde, fille de Bela, roi de Hongrie, indifférente pour les plaisirs le[s] plus permis, elle joignait à la pudeur la plus severe une pieté solide. Boleslas grave et sérieux, insensible sans doute aux douceurs de l’amour, régarda Cunégonda comme une amie, et soit excés de dévotion, ou tout autre motif, vécut avec elle dans la plus rigide continence. 1241. Cette année est fameuse par la prémiere incursion des Tartares dans la Pologne. Ces farouches guerriers traverserent le royaume avec une intrépidité étonnante jusqu’aux portes de Cracovie. Ils font un butin immense, emménent avec eux une foule innombrable d’hommes et de femmes enchaînés. Une sanglante bataille se livre dans les plaines de Cracovie. Les Tartares son[t] vainqueurs. Boleslas fuit d’abord en Hongrie, de là – dans un Monastere de Citaux situé au fond de la Moravie. Le peu[10v]ple déserte le royaume, va cacher sa honte en Hongrie, en Allemagne ou dans les forêts et le[s] marais les plus inaccessibles. Les mêmes Tartares pénétrent dans la Silesie, trouvent Breslau encore fumant de l’incendie qu’y ont allumé les citoyens, avant de se retirer dans le château ; ils en forment le siége, effrayés des arcs de feu, ils s’enfuient avec la plus grande précipitation. – Les Polonais, nombre d’Allemands, les Silesiens, les Teutons se réunissent pour s’opposer aux incursions des Tartares. Les deux armées se rencontrent prés de Lignitz, les Chrétiens allaient obtenir la victoire, mais les Tartares dép[l]oyant [leurs] drapeaux (X), les chrétiens furent totalement defait[s] (9. grands sacs). La suite honteuse de Boleslas, lorsque son bras était necessaire au soutien de sa patrie, obligea les Polonais à se choisir un autre duc. Tous les suffrages se réunirent en faveur de Boleslas chauve, fils de Henri, duc de Silesie. Conrad s’oppose, Boleslas V est rapelé. – Dans ce tems, la Pologne était partagée entre vingt-quatre vassaux, aussi puissans que leur chef, qui tous déchirerent la patrie pour maintenir une autorité dont ils prétendaient étendre l’usurpation. – Le Pape Innocent IV voulut créer cette année Man[d]og roi de Lithuanie. – Boleslas meurt régretté des gens d’Eglise, mais peu estimé de ses sujets. Sa dévotion qui fut celle d’un particulier multiplia les malheurs de sa patrie, et son indolence les agrava.
Leszko II Noir. 1279. Paul Przemaków, Evêque de Cracovie, enleva une religieuse de Skała et la retenait dans son palais. Leszko l’enferma dans une étroite prison. L’Archevêque de Gnesne réclama Przemaków et jetta un interdit sur toute la province ; Boleslas rendit prisonnier et paye l’amende. En haine [11r] de ce traitement lorsque Boleslas nomma Leszko, petit-fils de Conrad, duc de Masovie, son successeur au thrône ; Przémakow s’y oppose, offre la Couronne à Uladislas, duc d’Oppeln. On se battit et le parti de l’Évêque fut entierement exterminé.
Leon, duc de Russie, aidé des Lithuaniens et de quelques Tartares, entre en Pologne, met à feu et à sang le Palatinat de Sendomir, il est battu par Leszko et se retire ; bientôt aprés, les Lithuaniens font une nouvelle irruption ; les Polonais partent, joignent l’ennemi, tombent sur lui et en font un horrible carnage. – A l’instigation de Przemakow, les principeaux Palatins du royaume se revolterent contre Leszko ; mais ils sont défaits et demandent grace. – Quelque valeur qu’eût montré Leszko dans les différentes guerres qu’il eut à soutenir, il ne laissa pas de se sauver en Hongrie pendant l’irruption que les Tartares firent (1289) dans la Pologne. Les mœurs de ce prince étaient douces et simples, il savait descendre du thrône pour se plier à tous les goûts.
Przemislas II 1295. Cinq années de guerre suffirent à peine pour décider entre les concurrens à qui appartiendrait la couronne de Pologne. L’independance des Palatins avait produit l’anarchie. Przemislas reprit le titre de roi, peu inquiet de ce qu’en penserait la cour de Rome. – Les marquis de Brandebourg qui fondaient l’augmentation de leur puissance sur les troubles de la Pologne et qui attendaient l’occasion favorable d’en arracher quelques débris, irrités de voir leurs projets traversés par le soin du nouveau duc, résolurent de se défaire par un assassinat d’un prince qu’ils n’auraient osé combattre à force ouverte. Przemislas est surpris à Rogozno, par le marquis Otton le Long et est inhumainement massacré dans son lit. Przemislas etait capable de retablir la [11v] Pologne dans son ancienne splendeur, ferme dans les danger[s], hardi à s’y précipiter, mais l’évitant avec prudence, fier sans hauteur, liant sans bassesse. Il eût rangé les loix et les eût fait aimer.
Uladislas Łokietek /1296./ avait déja disputé la couronne à son frere Przemislas ; après sa mort, il fit revivre ses droits, il pouvait seul raffermir le royaume ébranlé. Ses prémiers commencemens éblouirent les peuples. Ses guerres furent heureuses, mais enflé de ses succés, il cessa tout-à-coup d’être un grand roi, pour ne montrer à la nation surprise qu’un débauché obscur et cruel. En vain l’Évêque de Posnanie s’efforça-t-il en pasteur zélé de prodiguer les avis, tout fut inutile, la nation murmura et, lasse d’être tyrannisée, elle déposa Uladislas et apella Venceslas, roi de Bohême.
Venceslas (1300) pour apuier son éléction épouse la fille de Przémyslas, il parcour[t] toutes les villes de la Pologne, qui se rendent à lui. Mais Ladislas Łokietek réfugié en Hongrie, et par son infortune, revenu de ses erreurs, repasse dans la Pologne avec quelques troupes et s’empare de plusieurs places du duché de Cracovie. – Une langueur causée par ses revers, ou peut-être par l’effet d’un poison lent, le délivre de son rival Wenceslas.
Uladislas Łokietek. (1306.) Ce n’est plus cet Uladislas craint et méprisé de ses sujets ; à son retour, tous les cœurs volent au devant de lui. Il donne de nouvelles loix à la Pomeranie, confie la garde de Danzik à Bogusz qui appelle à son secours les fiers chevaliers Teutons qui se sont emparés eux-mêmes de cette ville. – 1313. Une afreuse disette met Uladislas dans l’impossibilité de tirer vengeance des insultes de l’ordre Teutonique. Ne pouvant lui faire la guerre, il sollicite le pape de punir ces ambitieux Chevaliers, qui or[12r]donna à l’Archevêque de Gnesne d’excommunier les chevaliers, s’ils persistaient à garder la Pomeranie. – La famine devient si horrible que les citoyens pour subsister, égorgent les citoyens et se repaissent de leurs cadavres. (1322.) La Silesie, ce grand fief de la Pologne, se sépare pour jamais de ce royaume, divisée en quantité de petites souverainetés, chaque prince se declare vassal de Jean, roi de Bohême, dont les intrigues n’avaient pû l’élever au thrône de Pologne, mais qui trouva dans sa politique assez de ressources pour lui arracher cette riche province. – 1325. Uladislas marie son fils Casimir à une fille de Gédimin, duc de Lithuanie, cette alliance est la cause éloignée de l’union de ce duché à la Pologne, sous le regne de Jagellon. Ce Gé[d]imin avait été grand Ecuyer de Withen, duc de Lithuanie, qu’il assassina pour usurper ses Etats. – 1330. Casimir était auprés de Charles, roi de Hongrie, qui avait épousé Elisabeth, sa sœur, il devient éperduement amoureux de Claire, une des filles d’honneur de la reine, fille du Comte Felician, de l’illustre maison de Zaah. Après l’attentat horrible de Felician, la punition fut affreuse. – Uladislas sentait que son ame encore vive, ne pouvait plus que difficilement animer son corps affaissé sous le poids de l’âge et des fatigues. Il souhaite ardemment revivre dans son fils Casimir, il l’établit Souvérain de la grande Pologne. Samohe[l]y, Palatin, se croyant méprisé, appelle à son secours les Chevaliers Teutons, il les trahit aprés l’entrevue de Uladislas et attaque à queue les chevaliers pressés en tête par les Polonais. 1333. meurt cette année à Cracovie. – Revenu de ses égarémens, en réprenant le sceptre, il trouva dans son adversité passé un Maître qui plia aisement son cœur à l’usage des Vertus. Il fut affable, favorisa le merite, sut le faire éclorre, le placer et le recompenser.
[12v] Casimir le grand. La paix fut signée entre la Pologne et l’ordre Teutonique. Les Chevaliers restituèrent à la Pologne le Palatinat de Cujavie et le district de Dobrzin, et Casimir renonçat pour lui et pour ses Successeurs à tous ses droits sur la Pomeranie. – 1336. L’Ordre Teutonique est une seconde fois excommunié par Bénoît XII. – Casimir n’ayant qu’une fille de son mariage avec Anne, fille du duc de Lithuanie, choisit pour son Successeur son neveu Louis, fils de Charles Robert, roi de l’Hongrie. – 1340. La mort de Boleslas, duc de Russie, donne à Casimir les moyens de reprendre ses provinces qui avaient appartenu à la Pologne. – Il se marie à Hedwige, fille de Landgrave de Hesse, mais fatigué par ses reproches continuels, touchant ses fréquentes infidelités, il l’exile à Zarnowiec. – Une Bohéme nommée Rokicz, consent de s’abaisser au titre honteux de Concubine. – Casimir prend pour Maîtresse Esther, fille juive, d’une beauté surprénante, qui éléve les filles dans la loi judaïque. – 1344. Communement les grands homes se livrent à l’impétuosité de leurs passions, sans perdre de vue les devoirs que la gloire leur impose. Tel fut Casimir dont on ne peut excuser les mœurs licencieuses. Il attaque la Silésie et incorpore, il bat les Russes & chasse honteusement le roi de Bohême qui a fait une invasion dans ses états. Toutes actions brillantes qui peuvent s’allier avec les plaisirs ; mais ce qu’on a peine à se réprésenter, c’est que ce prince voluptueux devient Législateur de sa nation. – Casimir aimait réellement son peuple et sur-tout les gens de la Campagne. – Tant de reglemens faits en faveur de la partie souffrante de la nation, firent donner à Casimir le nom de roi des Paysans, et je ne sais si ce surnom ne vaut pas tous les titres que les bons rois ont obtenus. Les grandes vertus sont souvent accompagnées de grands vices. Casimir porta les plaisirs de la table à un excés impardonable. [13r] Et à son exemple les Polonais s’y livrerent avec une indiscretion que le tems ni la raison n’ont point encore amortie. Dans ses palais, d’indignes victimes rassemblées furent journellement sacrifiées sur l’autel de la débauche. Un prêtre B[a]riczka osa reprocher au Salomon de la Pologne l’atrocité de sa conduite, le roi le fit précipiter dans la Vistule. – 1352 la Pologne se trouva inondée par un débordement de ces Sectaires infâmes appellés Flagellans. Sortis de Hongrie et de Bohême, ils se répandirent dans toutes les provinces du royaume. On ne fut pas long-tems dupe de l’hypocrisie des Flagellans. – Casimir sous le voile de la modération avait su se rendre déspotique. On aprouva l’élection faite de Louis, Souverain de Hongrie, pour lui succéder. – 1359. Etienne, fils du feu Woïewode de Moldavie, ayant été chassé de ses Etats par Pierre, son jeune frere, vient implorer les secours du roi de Pologne ; Casimir trouve de la grandeur à soutenir un prince malheureux. – On a scié tous les arbres de maniere cependant qu’ils se tiennent encore debout, et lorsque les Soldats de Casimir sont entrés dans la forêt avec leurs gros équipages, des gens apostés poussent ces arbres qui, en tombant, écrasent tout ce qui se trouve à leur portée, &c. Par la mort de Casimir le thrône de Pologne échappa à la maison de Piast, qui lui avait donné des princes pendant 528 ans. – Si Casimir eut des défauts, il les racheta par des vertus, il fut doux, affable et sçut le grand art de captiver les cœurs.
Louis, roi de Hongrie 1370. retourne de la Pologne en Hongrie et laisse le gouvernement entre les mains de la reine Elisabeth, sa mere. – 1381. Les querelles subsistaient toujours entre le Souverain et le Sénat. Les Lithuaniens avaient ravagé plusieurs provinces, et Louis venait de conclure avec eux une paix assez peu glorieuse. Louis indique une [13v] diete à Bude en Hongrie, où il ne se rend que douze Senateurs qui souscrivirent à la demande qu’il fait de démembrer du royaume quelques provinces de la Russie, le seul André Lubranski, Evêque, s’opposa à cette lâcheté, et qu’ayant instruit de ce qui venait de se passer Raphaël Granowski, grand marechal de la Couronne, ce dernier, de concert avec l’Archevêque de Gnesne et avec le général de la Grande Pologne convoqua une assemblée, & qui invita de son parti quelques Senateurs et le roi. Le roi y vint avec ses amis, aussi tôt Granowski fait saisir les onze Senateurs et ordonne qu’on leur tranche la tête, &ce. – Quelle sera dans la suite la punition de tous les traîtres qu’épouseront vos intérêts (roi.) au prejudice de la République ? Mourut à Tyrnau – & jaloux de voir par ses yeux, il se deguisa souvent pour chercher la vérité jusque dans les Cabanes des pauvres. Sa mort rédoubla la confusion dans la Pologne. Ce prince par une diette vendue à ses interêts avait fait reconnaitre Sigismond, Marquis de Brandebourg pour son Successeur. Les Polonais refuserent de souscrire à cette Election et appellerent au thrône la princesse Hedwige, seconde fille de Louis, aux conditions qu’elle épouserait un prince agréable à la Nation.
Jagellon ou Uladislas V. 1387. fut préféré par les grands avantages qu’il offrit à la Republique, il se fit chrétien. La Lithuanie, la Samogitie et une partie de la Russie devinrent provinces de la Pologne, il s’engagea à réconquérir la Pomeranie, la Silesie, le Palatinat de Culm &c. – Hedwige aurait vécu heureuse avec son Epoux, si la calomnie n’eût versé sur elle son dangereux poison. (Guillaume d’Autriche.) Elle meurt en odeur de sainteté et le roi épouse la princesse Anne, niéce de Casimir le grand. – 1402 Jagellon refuse la Couronne de Bohême, que Venceslas deshonorait par ses infames débauches – faisait la guerre à l’Ordre Teutonique par [14r] Vitold, son Cousin, gouverneur de la Lithuanie. De cent quarante mille soldats, dont était composée l’armée Teutonique, cinquante mille resterent sur le champ de bataille, entre lesquels on compta le grand-maître et trois cents chevaliers, outre quatorze mille prisonniers. – Jagellon qui venait de s’apercevoir qu’une aîle de son armée commençait à plier, s’échappa du milieu de ses gardes et y courut pour la ramener au combat. Un cavalier ennemi vint fondre sur lui, le sabre à la main. Un jeune Polonais, Sbignée Olesnicki, vit seul le danger que courait le roi, il ne lui restait qu’un tronçon de lance, il en frape le temeraire, l’étend à ses pieds et sauve ainsi la vie de son Maître. Jagellon pénétré de réconnaissance, et enchanté du zele et du courage de son libérateur, voulut sur le champ l’honorer du baudrier militaire, mais le modeste Zbigniew le refusa, en avouant qu’il se destinait au Service de l’Eglise. Jagellon lui donna dans la suite l’évêché de Cracovie – 1413 on fixe la conversion de la Samogitie à la Réligion chretienne. – Jagellon avait épousé en 4ème noces Sophie, fille d’André, duc de Kijovie. La fécondité de cette princesse déja enceinte de son troisieme enfant, et les indignes menées de Vitold, irriterent la jalousie de ce prince. – 1433 dans une diette tenue à Brzescié, Ladislas, fils ainé de Jagellon, était nomé roi. – 1434. Une fievre violente le mit au tombeau. L’honneur, la probité, la bonne foi étaient ses vertus favorites. Plein de courage, il le fit souvent céder à une politique qui, moins brillante mais plus sûre, favorisait ses entreprises.
Uladislas VI – devenu majeur, est apelé au thrône de Hongrie, contre laquelle les Turc[s] préparerent de puissans armemens. Seul maître en Hongrie tourne toutes ses forces contre les Turcs, il remporte sur lui des avantages signalés et l’oblige à demander la paix. L’observation de ce fameux traité est jurée par les Chrétiens sur l’Evangile et sur l’alcoran. [14v] Mais le pape desaprouve cette paix, il releve de son serment l’imprudent Uladislas. Bientôt ses intrepides rivaux se trouvent en présence prés de Varna, la bataille s’engage & pour prix de son parjure le roi de Pologne y reçoit la mort.
Casimir IV 1445. Sa fausse politique pensa lui ravir la couronne de Pologne mais la fermeté des Polonais lassa la hauteur de Casimir. Un simple chanoine de Gnesne vint, un jour, trouver le Roi dans son palais, et s’anonçant comme un envoyé de Dieu, il osa lui faire la remontrance la plus insultante. 1455. Olesnicki est le premier honoré de la pourpre Romaine. – 1457. Les Prussiens accablés sous la tyrannie de l’ordre Teutonique se donnent à la République de Pologne. – 1459. Casimir craignait que les Polonais n’eussent déja pris la resolution de le deposer, et dans cette idée il ne voulut paroître à la diette de Petrików qu’avec une escorte capable d’en imposer aux seditieux. Jean Rytwinski, Staroste de Sendomir, prit la parole et osa lui reprocher tous les desordres. – 1466 L’ordre Teutonique, effraïé des pertes irréparables qu’il venait d’essuyer, restitua à la République le duché de Poméranie et les districts de Culm et de Milhalow qui en étaient démembrés depuis cent quatre-vingt ans, il lui céda les villes de Danzik, de Marienbourg & d’Elbing, et tout ce qui compose la Prusse royale, et s’obligea à faire hommage de l’autre moitié de la Prusse qu’il retenait au roi et à la République. – La guerre de Prusse avait absorbé tous les revenus de l’état. On décida que chaque Palatinat enverrait des députés qui furent appellés Nonces terrestres et qui, semblables aux tribuns du peuple de Rome ou aux Éphores des Lacédémoniens, entreraient dans tous les détails de gouvernement. – 1492 Casimir mourut peu régretté. Ce Prince réellement faible et indolent aimait plus la fausse gloire qu’il n’avait d’ambition, jaloux de s’entendre louer, il se mettait au dessus du déshonneur, il était avare par tempérament de Jean Albert.
[15r] Jean Albert. 1492 troisieme fils de Casimir IV. (1493.) il fit une chaleur si extraordinaire dans les mois de Janvier et de Février que tous les arbres furent chargés des fleurs, et que l’herbe des prairies se trouva presque au point d’être fauchée, mais ce printems anticipé fut suivi d’un si grand froid pendant les mois de [Mars] et d’Avril, que ces heureuses Esperances s’évanouirent. – 1500. Jean Albert ménacé par les Moscovites qui veulent s’emparer du duché de Smolensko, sollicite le secours de Schahmatei, Kan des Tartares de la Bulgarie d’Asie. On coupe la tëte à un Woïewode de Valaquie, fugitif en Pologne. – 1501. Une attaque d’apoplexie emporta cette année Jean Albert, une molle indifférence etait la base de son caractere. Callimaque qui craignait de l’éclairer pour se conserver sous un Maitre imbecille, une coupable autorité &ce.
Aléxandre 4me fils de Casimir IV. il fallait le recevoir pour maître ou voir pour jamais la Lithuanie separée de la Pologne – 1505. Le respectable mais trop crédule Schahmatei, ayant vainement attendu les Polonais, se vit abandonné par la moitié de ses troupes, qui se jetterent dans le parti des Tartares de Krimée. Obligé de soutenir un combat inégal contre ces ramas de brigands et de fugitifs, il fut battu prés de Kijovie et, aprés avoir été long-tems dans les déserts de la Podolie, il revint à Kiiovie où il fut arrêté par le Palatin qui l’envoya à Vilna. Ce malheureux prince resta en prison, de là conduit à Radomsko. – Alexandre était à l’agonie, lorsqu’on lui apporta la nouvelle d’une victoire remportée sur les Tartares par son favori Glinski ; dans ce combat memorable, le champ de bataille fut couvert de vingt mille barbares. Ce prince qui eut à peine des talens médiocres, osa former de grands projets dont le poids l’accabla.
Sigismond I 1506. frere de Jean Albert. 1510. Gentilhomme Polonais, Jaques Mestinski, gouverneur de Brzezin, osa se faire passer pour Jezus-Christ, sa troupe de scélérats se rendit à Czenstohowa. – [15v] 1514. Glinski avait trahi sa patrie et etait passé au service du Czar de Moscovie. Trepka, réconnu pour son Espion, attaché à une broche est consumé par les flammes, et se tut jusqu’à la mort. 1515. Des raisons de Politique engagent Uladislas, roi de Hongrie, Louis, roi de Bohême, et Sigismond, roi de Pologne, à avoir une Conférence avec l’Empereur Maximilien. Le chef de l’Empire leur donna audience sous un arbre. – L’amour des Polonais pour leur roi Sigismond, sans égard aux constitutions de la République, fit nommer successeur au thrône son fils Sigismond. 1548 Sous l’administration de Sigismond les Polonais triomphérent de leurs ennémis. Entre un nombre trés-considerable de batailles rangées, on ne compte que trois occasions où ils eurent du dessous – Pendant son regne, les villes devinrent florissantes ; on vit s’élever des somptueux édifices publi[c]s ; les sciences et les Arts accueillis par le prince, adoucirent les mœurs de la Noblesse ; l’agriculture récommandée et protégée répandit l’abondance dans toutes les provinces et le royaume prit une nouvelle face. Maître de son ambition qu’il tenait captive, il savait se plier aux interêts de son peuple qui etait constamment le motif de ses entreprises. – Simple dans ses habits, il dédaigna toujours le faste éblouissant qui n’en impose qu’au vulgaire stupide, et qu’il prend trop souvent pour véritable grandeur – grave dans son maintien, &c.
Sigismond Auguste avait épousé en prémieres noces l’archiduchesse Elisabeth, fille de Ferdinand, roi des Romains – Mais devenu bientôt veuf, il s’etait livré à une passion violente pour une jeune veuve, fille de Géorge Radziwił, Castellan de Vilna ; n’ayant pû la séduire, il résolut de l’épouser ; le mariage arrêté, il se fit sans le consentement du roi, sans celui du Sénat et sans autres témoins que les parties contractantes. – 1551 L’hérésie de Luther se répand dans le royaume ; bientôt on y trouve des Zuingliens, des Calvinistes et des Mélanchtoniens. [16r] 1556 Sigismond Auguste profite des troubles de la Livonie pour soumettre cette belle province à la domination de la Pologne. Il contraint par la force de se[s] armes, le grand-maître de l’ordre des Chevaliers Porte-glaives à signer un traité par lequel il se déclare Vassal de la Couronne et s’oblige à ne faire aucune alliance avec les Russes que du consentement de la Republique. 1561 Gothard Ketler, grand maître de l’ordre de Chevaliers Porte-glaives, ne pouvant se soutenir contre la formidable puissance des Russes, rendit la Livonie feudataire de la Pologne, aux conditions qu’il possédera la Curlande & la Semigalle sous le titre de Duché, dont lui et ses successeurs à perpetuité feront hommage au roi et à la Republique. 1568 Albert Fréderic, ayant succedé à son pere Albert, duc de Prusse, vint à Lublin demander l’investiture de ses états – 1569 Cette année est consommée la grande affaire de la réunion de la Lithuanie à la Pologne. – Sigismond Auguste, Ennemi de la flatterie, il la regarda toujours comme une offense, – habile à ramener les Esprit[s] à son sentiment – il se servait pour y réussir de cette insinuation douce qui laisse croire aux autres qu’on défére à leurs avis. – Au dessus des dangers que la guerre offre à chaque pas, il savait s’y livrer pour vaincre et les éviter pour n’être pas vaincu. Dans un tems où l’ignorance semblait être l’appanage de la grandeur, un goût décidé lui fit chérir les Sciences et les beaux arts. Sa prudente lenteur dans les operations le fit appeller le roi du lendemain, et son peu de delicatesse dans le choix de ses maîtresses donna à soupçonner que l’habitude journaliere du plaisir, et non cette passion d’une ame tendre et sensible, qu’on nomme amour, déterminait sa conduite peu réglée. – Ce fut dans ce prince que s’éteignit la race des Jagellons qui avait occupé le thrône pendant cent quatre-vingt-six ans.
Henri de Valois. Entre les prétendans au thrône, on distingua sur-tout l’Archiduc Ernest d’Autriche, fils de l’Empereur Maximilien II, le roi de Suéde et son fils, le duc Albert de Prusse, l’Electeur de Saxe et le Marquis d’Anspach, mais cette couronne était reservée à Henri [16v] de Valois. duc d’Anjou, frere du roi Charles IX. Un nain, gentilhomme Polonais, vû de bon œil par la reine Catherine de Medicis, qui se plaisait à sa conversation et l’avait comblé des richesses, en fit la prémiere ouverture. – Firley, grand-marechal de la Couronne, se léve et s’y oppose – Lorsque les Esprits sont échauffés en Pologne, le plus léger incident peut causer un boulversement général. Samuel Zborowski, jeune homme impétueux et dont l’unique talent était de manier un cheval avec adresse, vient dans la cour du chateau planter une lance sous les fenêtres du roi et crie à haute voix : « quiconque voudra signaler son zele pour notre nouveau maître, doit me disputer la gloire d’enlever cette lance. » Un gentilhomme, Charwaski, au service du Comte de Tenczyn, Castellan de Voynicz, entre en lice et remporte le prix de ce ridicule combat. Zborowski, honteux de se voir vaincu par un homme qu’il méprise, s’en prend au Comte de Tenczyn qu’il supose l’auteur de cette insulte prétendue. La querelle s’échauffe, le castellan de Przémyslie nage dans son sang, on condamne Zborowski à un bannissement perpetuel. – Charles IX, roi de France, meurt le 30. de Mai. – Henri, la nuit du dix-huit Juin, suivi de peu de personnes – T[e]nczyn ne put joindre le roi qu’en Silesie, il le conjura de céder à l’empressement que ses sujets avoient de le voir – Henri avait pris son parti, congedia Tenczyn avec des promesses vagues de revenir &c.
Etienne Batori, prince de Transilvanie 1575. Maximilien II et Anne Jagellon mariée à Etienne Batori s’avançaient vers le thrône. La ville de Danzik refuse de réconnaitre Etienne Batori, elle est declarée rébelle de la Patrie, et assiégée par le Prince, pendant ce siége il se donna un combat, dont l’issue devrait paraitre bien douteuse, si elle n’était attestée par plusieurs auteurs dignes de foi. Deux mille Polonais battirent quinze mille […] rebelles qu’Allemands. 4500 restérent sur la place, [17r] & quinze cents furent faits prisonniers. Zborowski commandait ces braves Citoyens.
1577 Marc Sobieski, ayel paternel du prince, bat prés de Dirchaw les rebelles Danzicois, il poursuit leur général jusqu’au milieu de la Vistule, il l’atteint et le tue sous les yeux mêmes du roi. Jusqu’au régne d’Etienne Batori, les cosaques avaient vecu dans une espece d’indépendance, [ce] prince voulut reduire cette nation fiére et tumultueuse, et l’assujettir à des loix, pour en faire un rempart à la Pologne contre les Turcs et les Tartares. Le Roi réforme la justice, rétablit la discipline dans la Cavalerie Polonaise – Il entre en guerre avec les Russes, il assiège Połock, conquis par ces derniers sous le regne de Sigismond II. L’Academie de Vilna est confirmée par une bulle de Gregoire XIII.
1582 La paix se fait entre le Czar de Russie et les Polonais par la médiation du pape. Les Russes rendent trente-quatre forteresses de la Livonie. Le fameux Jesuite P[o]s[s]evin, légat du Saint Siége, homme versé dans les négociations, raproche les Esprits de deux cours – On veut introduire l’usage du nouveau Calendrier Grégorien dans la Livonie, le peuple se révolte à Riga. – Etienne Batori joignit à la taille la plus avantageuse une facilité extrême à s’exprimer. Il était compatissant et ne parut jamais rédoutable qu’aux ennemis de sa patrie. Les politiques décidérent qu’il avait été empoisonné.
Sigismond III, prince de Suéde 1587. Le Prince Autrichien se présente avec quelques troupes mais il est battu et obligé de fuir en Silesie, se rendant prisonier. Sigismond arrive & il est couronné 1588. – C’est la prémiere fois qu’on accorde Indigénat à André & Balthasar Battori – Et le premier Majorat connu en Pologne est celui d’Ołyka, le second – Zamoscié. 1589 Les Tartares au nombre de soixante-dix mille chevaux veulent se vanger sur les Cosaques des ravages de ces brigands. Il[s] traversent le Boristhene, viennent camper prés de Léopold, d’abord ils sont victorieux. Mais les Cosaques au désespoir s’exhortent [17v] mutuellement à vendre cher leur vie, ils se jettent avec fureur sur les Tartares, ils se font jour à travers les bataillons, le sang coule de toutes parts, on marche sur les morts et les mourans ; tout fuit ; le Kan lui-même est blessé et son fils percé de coups expire sous ses yeux. Les Cosaques remportent une victoire complette. – 1589 On décide dans une diette que la Curlande soit gouvernée immediatement par le roi – On fait aussi l’état des biens de la Couronne. – Aux députés des Tartares les Polonais font delivrer une quantité de peaux de moutons et quelque somme d’or – 1594 Sigismond III est couronné roi de Suède à Upsala ; aprés avoir confirmé les privileges de la nation, il en remet le gouvernement à son oncle, Charles de Sudermanie, pere du celebre Gustave Adolphe. 1596 Grande dissension entre l’Eglize greque et Catholique Romaine. Le Métropolitain de Kijovie, l’Archévêque de Płock & 4 autres Evêques de cette communion se réunissent à l’Eglise Romaine. 1607. Radziwiłł, Échanson de Lithuanie poussa l’audace jusqu’à convoquer les Etats à Varsovie pour l’élection d’un nouveau roi. Ces troubles empoisonnerent le régne de Sigismond et ne cessérent qu’à la mort – 1610 Le fameux général Żołkiewski bat Basile, Czar de Russie, qui veut secourir Smolensko assiégé par les Polonais, il s’empare de Moskow, fait Basile prisonnier et reçoit le serment des Russes qui proclament Uladislas, fils de Sigismond III, Czar de Russie. – Zołkiewski fait une entrée triomphante à Varsovie ; il est suivi de tous les prisonniers Russes, à la tête desquels on remarque le Czar Basile Szuiski et ses deux freres – Żółkiewski est envoié avec huit mille hommes pour secourir Gratien, Palatin de Moldavie, contre les Tur[c]s et les Tartares. Investi par cent mille combattans, il s’ouvre un pass[ag]e à travers cette armée, qui le harcele pendant prés de cent lieu[e]x. Arrivé sur le bord de Boristhene, les Tartares fon[dent] sur cette troupe isolée, le Carnage est horrible. Son fils percé des coups, tombe entre les bras de son pere [18r] qui, lui même, expire sur ce corps sanglant, quelques minutes aprés. Sa tête coupée était envoyée à Constantinople – 1620 Piekarski en sortant de l’Eglise de Saint Jean, porte au roi deux coups d’un marteau d’armes, qui resta sur sa place – Sultan Osman vient attaquer les Polonais avec trois cent mille soldats et cent mille Tartares ; les Polonais n’ont que soixante-cinq mille hommes, se rétranchent prés de Choczin, ville de la Moldavie, les Turcs perdirent quatre-vingt-cinq mille combattans et offrirent la paix – Sigismond III appellé au gouvernement par un parti formidable, il triompha des forces de la maison d’Autriche et l’emporta sur Maximilien. Maître dans la Moscovie, il n’eut ni assez d’habileté, ni assez de fermeté pour s’y soutenir. Opiniâtrément attaché à ses idées, il se laissa toujours maîtriser par le tems et les circonstances. Pendant des jours paisibles, il aurait été un grand roi, mais au milieu des secousses politiques qu’éprouva la Pologne sous son régne, il tint les rênes de l’Etat d’une main faible et vit attribuer à ses fautes et à son infléxibilité, ce qui pouvait être mis sur le compte de la bizarrerie de la fortune.
Uladislas 1632, fils de Sigismond III. Peu de princes ont signalé leur avenement au thrône aussi brillamment qu’Uladislas. À peine est-il couronné, qu’il sait que les Russes portent le ravage sur les frontieres. Il marche contre eux et par des manœvres savantes, il les attire dans des détroits et les force de se rendre à discrétion. Les Turcs pour soutenir les Russes, leurs alliés, font une diversion du côté de la Moldavie ; Uladislas vole au-devant de ces nouveaux ennemis et les bat completement … Il faut raporter à ces années l’origine de la fameuse et cruelle guerre contre les Cosaques. Cette Milice destinée à s’opposer aux invasions des Tur[c]s et des Tartares avait obtenu du roi Batori des Terres en Ukraine. Dans la suite, les établissemens des Cosaques devinrent l’asyle de tous les paysans polonais qui voulurent se soustraire à la tyrannie [18v] de leurs maîtres. Les seigneurs rédemanderent leurs serfs, les Cosaques refuserent de les rendre, & l’on résolut de les arracher de force et de réduire les Cosaques à la dure condition des païsans du royaume. Nicolas Potocki conduit des troupes en Ukraine, les Cosaques sont défaits, et malgré la foi d’un traité, on tranche la tête à leur général Paulux. On verra bientôt que poussés à bout, ils se porterent aux plus grandes extremités – 1647 Le roi de Pologne qui était déja revêtu de l’ordre de la Toison d’or, reçoit cette année celui du Saint Esprit, de la part de Louis XIV. Uladislas au commencement de son régne avait institué un ordre militaire, sous le nom de l’Immaculée Conception de la Vierge, qui avait été approuvé par le pape Urbain VIII, mais il ne put engager les Polonais à s’en décorer : un colier, un cordon piquent peu la vanité d’un noble polonais, jaloux du droit honorable de nommer son roi, et pouvant légitimement lui-meme aspirer au thrône, son orgueil lui fait regarder, si non avec mépris, au moins avec indifférence, tout ce qui flatte la gloire des courtisans. On a souvent vu, pendant les interrégnes, des Senateurs se dépouiller des ordres étrangers qu’ils portaient, pour se rendre plus agréables à leurs freres. Uladislas meurt à Meretz, en Lithuanie, sans posterité. Ce prince eut toutes les qualitez d’un grand Capitaine, plein de courage et d’activité, il affronta les dangers, sans les craindre et sans les mépriser. Bienfaisant et généreux, il sut se faire aimer, mais trop jaloux de se concilier la noblesse polonaise, il lui sacrifia souvent le bien général de la Nation.
Jean Casimir 1648. Les Cosaques, piqués au vif, ils murmurent contre le prince et contre Jasinski, qui les fait saisir et les condamne à être fouettés dans la place publique. Chmielnicki déclaré général, met tout à feu dans la Pologne, le sang des nobles coule de toutes parts, les paysans seuls sont épargnés, Léopol ne se sauve du pillage qu’aux dépens de son or. Les Ornemens [19r] royaux sont tiré[s] de Cracovie, que les rebelles ménacent. La Pologne était détruite, si les Cosaques et les Tartares ne se fussent brouillés pour le partage du butin. 1648. À la bataille de Pilawiecz, les Cosaques avaient fait lâcher le pied à l’armée polonaise – Dans ce tems, le prince Sobieski revenait d’un voïage qu’il avait fait en Europe – Les Polonais font tréve avec Chmielnicki, les Deputés de la République lui présentent le bâton de commendement, la queue de Cheval et l’étendard, marque de l’autorité qui lui est conférée sur la Milice d’Ukraine. Cette tréve est bientôt rompue, la guerre commence, les Polonais sont battus. 1650 Jean Casimir ne se fiait pas beaucoup aux sermens des Cosaques, il demande au pape des secours pour leur faire la guerre ; le Saint Pere lui envoie des indulgences et des bénédictions. Pendant ce tems, l’ambassadeur de Charles II, roi d’Angleterre, sollicitait auprés de la Republique quelques subsides en argent pour soutenir son Maître fugitif. 1651 Les Cosaques se joignent aux Tartares et composent une armée de plus de trois cent mille commbattans. Jean Casimir à la tête de cent mille Polonais gagne sur eux une victoire complette – Jérôme Radzieiowski, vice-chancelier de la Couronne, est convaincu d’avoir excité la révolte des Cosaques, qui était banni du royaume – 1654. Chmielnicki se met sous la protection de la Russie, il reçoit l’Ukraine en fief du czar et ce beau païs est pour jamais séparé de la Pologne. 1656 il semblait que toutes les puissances voisines se fussent unies pour la déstruction de la Pologne, les Suédois étaient Maîtres de la plus grande partie du royaume. Les Russes ravagent la Lithuanie, et les Cosaques venaient de s’emparer de la Russie rouge. L’Electeur de Brandebourg n’est plus vassal de la Republique – 1658 Au milieu des troubles les Polonais songent à condamner les Sociniens et les Ariens à perdre les biens. Pendant la guerre contre les Russes, on assiégea Vilna, dont les Ennemis [19v] s’etaient emparés. Le commandant de la Ville eut quelque soupçon qu’un prêtre polonais le trahissait, qui a été exécuté par le bourreau. 1661 Casimir quitta le chapeau de Cardinal, monta sur le throne de Pologne, épousa la veuve de son frere, Louise-Marie de Gonzague – Les Sociniens sortirent du royaume, et à cette occasion le pape Alexandre VII. accorde à Jean Casimir le titre de roi orthodoxe. 1667. Sobieski, grand maréchal, épouse Marie-Casimir de la Grange, Marquise d’Arquien, il fait des levées d’hommes sur ses terres, contre cent mille Tartares. La bataille la plus importante et la plus décisive n’a souvent pas duré plus de quatre heures ; le gain de celle-ci fut disputé, pendant dix-sept jours consécutifs, durant lesquels ce ne fut qu’attaques infructueuses, assauts donnés, sorties, combats, et enfin une affaire générale, où les Tartares, aprés des efforts incroyables, laissérent vingt mille hommes sur la place, les Polonais furent étonnés de leurs succés, la Pologne entiere et le grand Condé restérent dans l’admiration. – Casimir donna en forme le diplome de son abdication, dont la République lui présenta un réversal, et lui accorda 300000 florins de pension – Il descendit du thrône pour aller en France gouverner les Moines de Saint Germain dont Louis XIV lui accorda les abbayes. Il était inapliqué et manquait de cette activité nécessaire pour bien gouverner. Les plaisirs du jour prenaient sur le travail du lendemain, et fait pour la vie privée, ses Vertus tranquilles ne purent briller dans le tourbillon de la vie publique. On peut fixer l’époque de la décadence de la Republique au régne de Jean Casimir.
Michel Korybut Wisniowiecki 1669. Les Candidats furent sous diverses raisons éconduits. Wisniowiecki tremblant, monte sur le thrône. – Les Cosaques menacent la Pologne, mais Sobieski leur arrache Bar, Niemirow, Bracław &c. On veut faire descendre Michel du thrône, casser son mariage avec l’archiduchesse d’Autriche. [20r] 1672. Czarnecki, royaliste à Gołemb, Sobieski à Łowicz, font des récrues pour s’attaquer réciproquement. Mais à l’approche des Turcs et des Tartares, le premier s’enfuit, l’autre remporte la victoire la plus complette et rend la liberté à trente mille Polonais. Un Major d’artillerie, indigné de voir qu’on rendait Kamieniec, place une mêche allumée dans une tour qui renferme un magasin à poudre et monte tranquillement sur la platte-forme. Le magazin saute et engloutit tout ce qui se trouve de Turcs aux environs. 1673. Un Aga des Turcs vient demander aux Polonais l’humiliant tribut accordé par le dernier traité de paix. Il trouve le roi Michel expirant. Pendant ce tems, Sobieski livre et gagne l’étonnante bataille de Choczin, où vingt mille infideles restent sur la place et dix mille se noient dans les eaux du Niester, les vainqueurs ne perdirent pas six milles. – Wisniowiecki faible du corps, sans génie, sans capacité. Un auteur a dit de lui ce que Tacite a appliqué à l’Empereur Galba, ce que Pallavicini dit du pape Adrien, et le président Hénault de Henri III : « il parut digne de l’Empire tant qu’il ne regna pas ».
Jean Sobieski 1674. Le Duc de Lorraine, le Comte de Soisson[s], le fils ainé du duc de Neubourg, le fils du Czar, les duc[s] de Baviere, d’Yorck et de Vendôme, le Prince de Transilvanie et Dom Juan d’Autriche, firent les efforts et les offres les plus brillantes pour obtenir les suffrages de la Nation. Tous ces Candidats furent éclipsés par le mérite et la réputation de Jean Sobieski. G[n]inski, palatin de Culm, eut l’honneur de complimeter le roi, et on aura peine à se pers[u]ader que ce panegyrique n’a pas été prononcé par un moine. 1675 Les Turcs s’avançaient vers la Pologne avec une armée formidable. Sobieski part de l’Ukraine, il vient camper sous Léopold, il n’a que quinze mille hommes à opposer au grand Visir. Les Polonais s’effrayent moins pour [20v] les Turcs que pour leur roi, ils le conjurent de mettre au moins sa personne en surêté. À la seconde charge les Turcs sont répoussés, bientôt la déroute se met parmi eux. Le champ de bataille est jonché de 15 mille cadavres et la nuit seule arrête le carnage. – Samuel Chrasonowski qui avait abjuré le Judaïsme, homme de tête, attaqué à Trembowla, écrit au Visir : « Tu te trompes, si tu crois trouver ici de l’or, il n’y a que du fer et des soldats en petit nombre, mais notre courage est grand. Ne te flatte pas que nous nous rendions, il faut que tu nous prennes ; lorsque le dernier de nous expirera, je te prépare une autre réponse par la bouche de mon canon. » La femme de ce brave comandant, aussi courageuse que son mari, versait le sang des Turcs, conduisait des sorties, et combattait sur la brêche. Aprés 4 assauts soutenus avec vigueur, cette héroïne du Nord, armée de deux poignards, dit à son mari : « En voila un que je te destine, si tu te rends, l’autre est pour moi. » La ville fut sauvée par Sobieski & le Visir qui avait lévé le siége, perdit dans sa retraite huit mille soldats.
1676. Une nombreuse armée de Turcs et de Tartares ménacent encore d’engloutir la Pologne. Sobieski vole audevant d’eux avec trente huit mille soldats. Les Turcs creusent des tranchées pour aller aux Polonais, et les chretiens travaillent à des contre tranchées pour éloigner les Turcs. 1683. Le roi Jean, aprés avoir delivré Vienne, voulut battre les Turcs sans Allemands, mais son armée reçut un terrible echec. 1687. Une ancienne blessure qui lui causa des douleurs aigues, et des attaques de gravelle, mirent Sobieski dans un état dangereux. Aux Conseils des Médecins, il repondit : « Pour quoi suis-je roi ? Si vous me guerissez, ce ne sera pas dans le repos. » 1689. Lipinski est la proie des flammes. D’affreuses nuées des soterelles couvrent les campagnes du royaume. Sobieski à l’amour paternel joignait un esprit cultivé, une aisance [21r] singuliere à s’exprimer en plusieurs langues. Une Connaissance exacte des loix de sa patrie et des intérêts politiques de ses voisins, et sur-tou[t] ce que l’étude la plus réflechie peut ajouter au génie d’un grand Général. Ses services militaires lui applanirent les dégrés du thrône. Charles XII versa des larmes en voyant son tombeau et s’écria : « Un si grand roi ne devait pas mourir. »
Frédéric Auguste, Electeur de Saxe 1697. Ce que le roi Michel avait perdu ignominieusement, et ce que Sobieski n’avait pû reprendre au milieu de deux guerres sanglantes, August II le recouvra sans verser le sang de ses sujets. Par la paix de Karłowitz la Porte Ottomanne restitua à la Pologne la forteresse de Kamieniec et toutes les places qu’elle avait usurpées tant dans la Podolie que dans l’Ukraine. 1700. Auguste s’était engagé à rendre à la Republique la belle province de Livonie, il s’agissait de la reprendre sur la Suéde ; mais le vieux général d’Albert se défendit en héros. 1701. Auguste s’allie au Czar de Russie contre Charles XII. Le Roi de Suéde bat les Saxons prés de Riga, il s’empare de la Curlande et pour suit ses ennemis sur les terres de la Republique. La nation se divise, une faction prend ses ordres de Charles XII, et l’autre tremblante pour sa liberté, soutient faiblement son roi légitime. Auguste prévénant l’ambassade des Polonais à Charles XII, députe secretement au roi de Suéde la Comtesse Königsmark, Suédoise d’une grande naissance, d’une beauté peu commune et d’un esprit délicat et fin, à la quelle il était alors attaché. La Comtesse [s]ut trouver Charles dans la Lithuanie, et quelques efforts qu’elle fit, elle ne put obtenir audience. Jalouse de réussir, elle s’imagina qu’en se présentant sur son chemin dans une promenade, il n’aurait pas l’impolitesse de la fuir. En effet, l’occasion [21v] s’offrit bientôt, la Comtesse rencontra le roi dans un sentier étroit, il venait à elle, Madame Cönigsmark descedit de carosse. Charles la salua, tourna la bride à son cheval et se retira au galop. 1704 Le dessein de Charles XII était de donner le sceptre au prince Jaques Sobieski, mais celui avec son frere, enlevé, est mis dans la forteresse de Leipzig. Alors le roi de Suéde jetta les yeux sur Alexandre, le plus jeune des Sobieski, qui repondit : « l’éclat du thrône ne m’ébl[o]uit pas, et pour l’obtenir, rien ne pourra m’engager à profiter du malheur de mon aîné ».
Stanislas Leszczynski 1704. est envoyé à Charles XII par l’assemblée de Varsovie. Sa physionomie ouverte, un certain air de franchise et de probité qui frappe et qu’on ne peu[t] rendre, une éloquence forte, mais simple, une politique sage et modéré[e], faite pour concilier les esprits les plus divisés, enfin, cet amour de la patrie dont les élans échappent comme malgré soi, fixérent l’attention du roi de Suede. Au milieu du desordre, la seconde fille d[e] Stanislas, âgée d’un an, est égarée par sa nourice, ce jeune enfant fut retrouvé dans l’auge d’une écurie. C’est cette même princesse que nous avons vû illustrer le thrône de France par ses vertus, et dont nous déplorerons long-tems la perte. – Le Cardinal Primat, isolé dans les tourbillons, survecut peu de jours à son indifference : il n’est pas bien aisé de saisir le caractere d’un homme d’état, lorsqu’il s’est trouvé emporté par le tourbillon des discordes politiques. La Cérémonie du sacre de Stanislas se fit à Varsovie, en présence du roi de Suéde. – 1709 La défaite des Suédois de Pułtawa r’ouvrit le chemin du thrône de Pologne à Auguste II et en brisa le sceptre dans les mains de Stanislas. (Bulle)
Frédéric-Auguste II 1710. Leszczynski se dérobe de l’armée [22r] Suédoise, arrivé à Moldavie, on le conduit à Bender. 1717 Pendant trois années consécutives, la Pologne venait d’être en proie aux divisions les plus cruelles. 1[7]19. Le Prince Poniatowski est chargé de consommer le traité de paix entre la Pologne et la Suéde. C’était un de ces génies rares que la Nature se plait quelquefois à former : ferme et tranquille dans les dangers, il sut toujours prendre le parti le plus avantageux. Colonel de la garde suédoise du roi Stanislas, il se concilia facilement l’amitié de Charles XII qui aimait et respectait la valeur ; et quoique sans commandement, il le suivit à la fameuse journée de Pułtawa. Pendant la déroute de cette bataille, ce fut à lui que Charles s’adressa pour savoir ce qu’étaient devenus ses généraux. Pendant le séjour du roi de Suéde à Bender, Poniatowski ne cessa de négocier avec la Porte ; il en fit trembler les Ministres, remua le serail, et parvint à mettre la sultane Validé, mere du sultan, dans les intérêts du prince refugié. Ce fut par ce moyen qu’aprés avoir fait passer plusieurs memoires à l’Empereur, il fit deposer le grand Visir, et qu’il balança long-tems l’influence des Russes dans cette cour. Il courut risque d’être empoisonné par ses ennemis. – Enfin, Poniatowski qui avait conservé la vie au roi de Suéde, à la malheureuse bataille de Pultava, la lui sauva encore dans l’isle de Rugen, &c – 1724 Il y eut une emeute considérable à Thorn. Pendant une procession que faisaient les peres Jésuites, des Écoliers Luthériens insultérent les Catholiques. Il y eut des injures de dites, et beaucoup de coups donnés, on se saisit d’un écolier allemand et on fit main-basse sur la populace assemblée. La garnison eut peine à empêcher ces furieux de porter l’incendie dans tous les quartiers de la ville. On nomma les Commissaires. [22v] Les Russes et la Republique de Pologne réclamérent contre l’Election du prince Maurice … de Flemming mourut à Vienne, seize millions de florins qu’il laissa à sa mort, ne firent pas honneur à son désinteressement, mais les larmes qu’Auguste répandit sur son tombeau obligerent la critique à se taire – 1733 Frédéric Auguste II mourut à Varsovie, à l’exterieur le plus majestueux, à une force de corps presqu’incroyable, ce prince joignait les qualités les plus essentielles du cœur et de l’esprit. Ses manieres affectueuses, libres et aisées le firent adorer de tous ceux qui eurent l’honneur de l’approcher. Sa clemence et sa générosité furent les seul[e]s armes qu’il emploia pour se venger de ses ennemis ; les Polonais le respecterent ; mais jaloux de leurs privileges et toujours craignant pour leur liberté, ils ne purent l’aimer, et traverserent constament ses intentions les plus salutaires.
Frédéric Auguste III. 1733. Le Comte Poniatowski fut chargé par le roi Stanislas d’annoncer aux Magistrats de Danzik la resolution où il était de se retirer, et de leur conseiller de songer à se rendre. Poniatowski se présenta dans leur assemblée et expliqua avec force le sujet de son message. Un des Centumvirs s’éléve de sa place, s’approche du Palatin et lui dit : « eh ! Mr, parlez-vous sincerement ? sont-ce là les vrais sentimens du roi notre Maitre ? Oui / repond Poniatowski /, c’est de sa propre bouche que je tiens tout ce que j’ai l’honneur d’avancer ici. Mais, quoi ! âjoûte le Centum[v]ire, est ce le roi lui-même qui nous exhorte à subir la loi du vainqueur ? » Le palatin répliqua encore que cela est ainsi. « O Dieu ! s’écrie de nouveau cet homme, notre roi nous quitte donc, et que va-t-il devenir lui-même ? » Dans ce même tems il chancelle, il begaye, il cesse de parler, et tombe mort sur les génoux de [23r] Poniatowski. – 1735 La tranquilité fut rêtablie en Pologne par le traité de paix signé entre l’Empereur et le roi de France : « que le roi Stanislas l’abdiquera, mais qu’il sera reconnu roi de Pologne &c. » L’avanture du Comte de Hoim, premier ministre du feu roi de Pologne, Auguste II. 1737 Les Etats de Curlande et de Semigalle élisent pour leur duc Jean Ernest Biren, Curlandois de naissance, de famille roturiere, grand Chambellan de l’Imperatrice de Russie. Il est peu d’exemples dans l’histoire, d’une fortune aussi rapide que celle de Biren, de simple particulier, il s’est élevé jusqu’à la souveraineté de son païs. Tout-puissant dans l’Empire de Russie, il est tombé de ce faite de grandeur pour passer dans un exil long et rigoureux. 1748 L’armée de la Couronne presqu’anéantie, les impôts multipliés et injustement perçus, les forteresses approchant de leur ruine, le commerce sans vigueur, le trésor épuisé, enfin la Republique entiere souffrant dans toutes ses parties, le riche obéré, le pauvre sans ressource, toutes ces considérations présentées avec Eloquence – 1750 Les Cosaques Kaydamaques porterent, cette année, le fer et le feu dans l’Ukraine polonaise, ils pillerent les villages, brûlerent les églises, massacrerent impitoyablement tout ce qu’ils rencontrerent, sans épargner ni les enfans, ni les femmes, ni les vieillards, ni les malades, ni les ministres des autels – 1762 La bienfaisante Elisabeth est ravie à ses sujets et à ses alliés. Pierre III, son successeur, se reconcilie avec le roi de Prusse, il envoie des ordres à ses généraux pour évacuer ses conquêtes et faire rentrer ses soldats dans l’Empire. Qui n’aurait imaginé que le systême politique de l’Europe [23v] [allait] necessairement changer ? Tous les Etats intérêssés dans les troubles présents, le pensaient et prenaient des mesures en conséquence, lorsqu’on apprit que Pierre III, à peine monté sur le thrône, en avait été précipité, et que l’impératrice Catherine II venait de s’y placer. Le duc Ernest rappellé de son exil par le feu Empereur de Russie et soutenu par l’impératrice Catherine II, fit déclarer par un manifeste à la nobles[se] et aux Etats de Curlande, que ne se sentant coupable d’aucune faute contre le droit féodal, vis-à-vis du roi et de la Republique de Pologne, bien loin de penser à se désister du moindre de ses droits en qualité de souverain élu des Duchés de Curlande et de Semigalle, il était, au contraire, dans la ferme resolution de se soutenir de toutes les forces que le Seigneur lui mettrait entre les mains &c. – Zamoyski, Palatin d’Inowrocław, adressa au roi un discours digne de passer à la posterité, et qui, en développant la situation critique du royaume, fera connaitre quel est le caractere d’un vrai patriote polonais – Telle était la fermentation qui regnait dans tous les Esprits, et qui semblait ne permettre qu’un avenir déplorable, lorsque, pour surcroît de maux, on apprit la nouvelle de la mort d’Auguste III, décédé à Dresde, le cinq Octobre. Ce prince vraiment débonnaire, cheri de son peuple. S’il n’avait fallu, pour faire le bonheur de la Pologne, qu’un chef pacifique, juste et doué des Vertus qui caractérisent le Maître humain, l’excellent pere, le bon ami, l’allié sûr et sans ambition, le royaume aurait été au comble de la gloire. Il jouit au moins de la paix au dehors, et si une guerre intestine mina intérieurement ses forces, la nobles[se] polonaise ne dut [24r] s’en prendre qu’à ses haines.
Interregne. Le Primat, après avoir publié les Universaux pour la tenue de la diette, qui doit précéder celle d’élection, donna audience aux Ambassadeurs de Russie et de Prusse, qui lui insinuerent que leurs souverains verraient avec plaisir le choix de la Republique tomber sur un noble polonais, plutôt que sur un prince étranger. – Cependant, le nouvel Electeur de Saxe ne perdait pas de vûe un thrône possedé pendant tant d’années par ses ancêtres ; il s’ouvrit confidemment à ses freres, les princes Xavier & Charles, sur les demarches qu’il devrait faire pour parvenir à cette couronne. – L’Electeur ne tarda pas à faire part de ses Espérances à la Republique dans une Lettre circulaire qu’il écrivit aux senateurs. – Ce fut à cette occasion que le palatin de Kalisch prononça un discours plein de ces traits de force qui décélent l’homme instruit et le vrai patriote – Il soutint qu’en excluant les etrangers, on s’attirerait l’inimitié des principales Maisons de l’Europe, dont il était sorti des princes qui avaient gouverné la Pologne avec courage, sagesse et magnanimité ; que c’était ces mêmes princes qui avaient civilisé la nation, et que la plûpart des grandes familles polonaises leur devaient leur fortune – Il ajouta au sujet de la seconde question que ce serait ôter à la petite noblesse le droit le plus précieux dont elle jouisse, que de reserver l’éléction d’un roi à un certain nombre de députés, beaucoup plus faciles à corrompre que le corps entier de la noblesse assemblée – Le général Komotow vivement attaqué dans le memoire des seigneurs assemblés pour la dietine de Graudenz, ne manqua pas d’y repondre. – Il y eut [24v] des coups de fusil de tirés entre les soldats russes et quelques gentilshommes polonais qu’ils voulurent desarmer. Cependant, les troubles augmenterent, les Ministres de l’Empire, de France et d’Espagne, se retiraient de Varsovie, et les confédérés de concert avec les Russes livraient de petits combats aux différens corps de troupes de Comte Branicki & prince Radziwill. Les nonces des onze Palatinats s’étant rassemblés dans le champ éléctoral, ceux du côté opposé crierent à haute voix : « Nous voulons le grand-panetier de Lithuanie ! » – Le roi de Pologne fit l’ouverture de la diette de couronnement par un discours que nous ne pouvons nous refuser de donner en entier, pour faire connaître quels sont les sentimens du Monarque qui gouverne actuellement les Polonais : « Je crois ne pouvoir mieux temoigner ma réconnaissance à la Nation qu’en ouvrant cette assemblée de trois ordres de l’Etat, &c. » – Plusieurs nobles du duché de Curlande réclamerent contre l’investiture et produisirent au tribunal de la relation à Varsovie différents griefs contre le duc de Biren.
1765 S’il n’avait falu, pour assurer la tranquilité du royaume, que des intentions pacifiques dans le Souverain qui venait d’en prendre les rênes, aucun etat de l’Europe n’aurait joui d’un calme plus heureux, mais que peut le Monarque, s’il n’e[st] secondé par ses sujets ? Malgré le choix des premiers de la nation qui avaient porté sur le thrône Stanislas Auguste, il se préparait un orage qui devait bientôt approcher la Republique de sa ruine. – La liberté courageuse avec laquelle ces prélats venaient de s’expliquer, ne laissant au prince Repnin aucune espérance de pouvoir les gagner, il prit le parti violent de les faire enlever avec le Palatin de Cracovie.
[25r] Rurick, premier Souverain de Russie, de la Nation de Varége. Régne vers l’an 870. Né, Épouse – incertain, proclamé Souverain par les habitans de Novogrod.
Igor. Fils de Rurick. Son oncle Oleg, régent de l’état, s’empare par ruse de Kiiow, fondée par trois freres polonais qui furent massacrés par Oleg.
Swatosław. fils d’Igor. Né, Epouse – incertain. Sous la tutelle d’Olga, sa mére – Régne seul en 970. fils Jaropolc, Oleg, Wladimir, fit traité de paix avec l’Empereur Zimiscés – Vivait en union avec l’Empereur de Constantinople – Partage l’Etat entre ses fils.
Wladimir fils naturel, aprés le bâteme Basile. Apôtre de la Russie. Femmes Rochmida – Bohémienne – Bulgare – Anne, soeur de Constantin, fils Isioslas, Jaroslas, Predislawa, Mstilaws, Scrivold, Swiatopolc, Zaslas, Svadislas, Stanislas, Boris, Gleb, Marie, mariée à Casimir I, roi de Pologne. Anne régne conjointement avec ses freres, après la mort desquels &ce – Sviatopolc régne à Kiiow, attaqué par Jaroslas, implore le secours de Boleslas I, roi de Pologne, qui s’assied sur le thrôn[e] de Kiiov, viole la princesse Prédislava, ce qui est cause du meurtre de presque tous les Polonais. Isoslaws eu[t] en partage Pleskov, Mstislavs – Temrouk. – 990.
Jaroslas I, fils de Wladimir, boiteux, courageux. Epouse incertaine. meurt 1015. fils Wladimir, Isiaslas, Sviatoslas, Vsevolod, Viaczelas. – Wladimir obtint la principauté de Vladimir, Isioslas – de Kiiow, Sviatoslas – de Czernikou, Usewolod – de Pereslawe, Igor – de Vladimir, Viaczeslas – de Smolensko.
Isiaslas, fils de Jaroslas. Continuellement en guerre avec ses freres, appella souvent les Polonais à son secours. Né, Epouse – incertain, régne 1055, meurt 1078 dans une bataille.
[25v] Wsevolod, fils de Jaroslas. Né – Epouse – incertain, règne en 1079, meurt 1093, attaqué par ses neveux.
Swiatopolc, fils d’Isiaslas, barbares et sauterelles ravagerent ses provinces. Né – incertain – Epouse : fille de Tugortakan, chef de la Nation de Paluczi ; meurt 1113 ; fille Sbyslava que Boleslas III demanda en mariage et que ce prince ne put épouser parce qu’elle était sa parente.
Wladimir II, fils de Wsevolod. Un furieux incendie consuma une partie de la ville de Kiiow en 1125 – Né en 1053 ; Epouse – Rosgnida, indignée que son mari avait pris une concubine, voulut l’assas[s]iner. Les gardes accourus l’empêcher[ent] de l’effectuer ; meurt 1126 ; Enfans : Mstislas, Isiaslas, Jaropolc, Georges, André, Viaczeslas – Swiatopolc se retire en Pologne auprés de son beau frere Boleslas III.
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[29v] 862. Rurick et ses deux freres de la nation de Varege furent unanimement élus. Rurick restait seul souverain par la mort de ses deux cadets décédés sans enfans. On lit que vers l’année 865, Skold et Dire ayant rassamblé un grand nombre de bateaux, furent avec une armée mettre le siége devant Constantinople.
880. Igor, Duc de Russie. Rurick mourut en 878, laissa son jeune fils Igor sous la tutelle de son oncle Oleghe. Ce regent indigné de voir le Prince Skold & Dire tranquilles possesseurs de Kiiovie, r[a]ssemble une armée, prend Smolensko et Lubez, présente Igor comme vrai possesseur de Kiiovie, tue Skold & Dire, et s’empare de Kiiovie – Novogród était déja peuplé et fort considerable – Les Ougres ou Hongrois vinrent fondre sur les provinces de Russie, c’est ici l’époque de l’usage de l’écriture russienne. Épouse Olgha, fille sujette de Pleskow – s’empare de Constantinople, – attaque les Drevliens – Perit dans une Embuscade – Olgha prend les rênes de l’état. – Enterre les ambassadeurs Drevliens – Les oiseaux enflamment la ville &c.
948. Olga se fit baptiser à Constantinople – elle est mise au nombre [30r] des Saintes – Svatoslaw est tué par les Grecs. Il marcha pendant 30 ans de conquêtes en conquêtes – Triompha des Bulgares – Partage ses états entre ses fils – Kiiovie à Jaropolk – Drévlie à Oleghe – et à Vladimir Novogrod.
Wladimir. (987) il avait plusieurs femmes legitimes, plus de six cens concubines, il n’en parut pas moins redoutable à ses voisins. Obtint en mariage Anne, soeur des Empereurs Constantin et Basile – Recouvre la vue – Mis au nombre des Saints.
Jarosław /1036/ il resta seul et reunit en un corps toutes les provinces – il triomphe des Lithuaniens qui lui offrent quantité de souliers faits d’écorce de tilleul – Il donne sa soeur en mariage à Casimir, Roi de Pologne, et [sa] fille, Anne, au Roi de France Henri I Capet – Partage ses États entre ses cinq fils.
Isiaslav ou Jaroslav (1054) Chassé de Russie par ses freres, se sauva en Pologne – Boleslas II le réconduisit dans ses états – Il était juste, compatissant &c. Il fendit la tête d’un coup de hache à un des faux prophetes.
Vsévolod (1079) frere d’Isiaslav – En conséquence d’une bulle du Pape Urbain II, Ephroem, dixieme Metropolite, établit la fête de la Translation de Reliques de St Nicolas à Bari. « Il aima la justice et eut une singuliere aversion pour toutes sortes de débauches ». Que pourrait dire de mieux l’orateur le plus eloquent ?
Usévelod et Svétopolk (1094) I. céde le gouvernement à Svétopolk. On decouvre le 1. exemple d’arracher les yeux.
Wladimir II (1124) 600 Eglises furent consumées à Kiiovie. Ses armes firent trembler Geise II, roi de Hongrie, les Tartares, les Bulgares – Il enleva aux Genois d’immenses richesses dans Caffa et en fit faire de superbes Ornemens destinés au sacre des Princes russes – Georges, duc de Susdale, fils de Vladimir 2, jette fondemens de la ville de Mosków. [30v] Kiiow cesse d’obtenir le premier rang entre les villes de Russie – Le titre de Grand Duc passe aux ducs de Wladimir.
Géorges (1137) Les Tartares Mongols entrent en Russie – Brûlent Vladimir – Géorges périt dans une bataille – Russie esclave paie un tribut aux Tartares – Cet état d’humiliation a duré plus de 200 ans /par la jalousie des petits princes de Russie &c./
Aléxandre (1262) tributaire des Tartares, battit les Suédois et les chevaliers de Livonie – La cour de Russie lui envoya des ambassadeurs – placé au nombre de Saints – En 1715, Pierre-le-grand fit bâtir, prés de Petersbourg, un superbe Monastere, et Catherine I, en 1725, institua en son honneur l’ordre de St Alexandre, avec un cordon rouge.
[Da]niel (1300) Alexandre avait choisi Moscow pour la capitale de ses Etats. Daniel y bâtit la Citadelle, nomée Krémélin, et prit le titre de Grand Duc de Russie.
Géorges (1328) Aprés avoir battu les Suédois, jetta les fondemens de la fameuse forteresse de Schlusse[l]bourg – Assassiné par le duc Demetrius, son Parent – Les tartares vangent ce meurtre par un assassinat – Jean Kalita lui succede (fils de Daniel).
Démétrius II (1380) Remporte victoire sur le Kan de Tartares. Le massacre fut si considérable qu’à treize wersts du champ de bataille la terre fut couverte de morts. Tocatmisch, Grand Kan de Tartares, qui fut aprés vaincu par Tamerlan, marcha contre Demetrius, prit Wladimir, passa tous les habitans au fil de l’épée – Les Russes rachéterent quatre-vingts morts pour un rouble, et de ce trafic les Tartares tirerent trois mille roubles.
Iwan Vasilevitz (1462) Il arrache aux Tartares une partie des provinces. Portait ses regards ambitieux jusqu’au thrône de Constantinople. Fit quelques pas vers la cour de Russie pour y obtenir un droit réel – Epousa Sophie, fille de Thomas, prince de Morée, petite fille d’Empereur de Constantinople. [31r] Cette princesse excita son époux à secouer le joug honteux des Tartares. – Nowogrod pouvait mettre deux cent mille hommes sous les armes. Ce qui avait consacré ce proverbe dans le Nord /Qui peut résister à Dieu et à la grande ville de Novogorod ?/ Jean III pendant sept années attaque cette ville, elle succombe. On en tire du butin, la charge de trois cents chariots. – Il depouilla les princes particuliers de Russie, de Moskow, de Władimir, de Nowogrod &c., conquit le royaume sur les Tartares (Casan), prit le titre de Tzar.
Basile IV 1506. Mandi-Guéri, Kan de Crimée, menacé, signa le traité de paix entre ces deux Nations – Les Anglais ouvrent le port Archangel dans la Mer blanche. Basile eut des guerres à soutenir contre les Tartares, les Polonais, les Chevaliers de Livonie. C’est en consequence des embarras, où il se trouvait, qu’il rechercha l’alliance de l’Empereur des Romains, qui lui écrivit la lettre suivante, que l’on conserve précieusement dans les Archives de Mosków, et qui est devenue de la plus grande importance, lorsque Pierre I, proclamé Empereur par ses sujets, exigea des autres puissances de l’Europe, ce titre qui lui avait été acordé deux siécles auparavant par Maximilien – (1514) Basile, ennemi déclaré de Sigismond, avait attiré à son service un de ses plus celebres généraux, M. Glinski. Basile prit Smolensko par son intrigue, mais ne tint pas à cet Oficier la parole qu’il lui avait donnée de lui céder cette ville et son territoire en souverain[e]té – Glinski ne respira plus que la vengeance, renoua avec Sigismond, sa trame découverte, chargé des chaînes, dit au Basile : « Traître &c. » Sa haute réputation lui avait fait de puissans amis. Maximilien s’interessa à son sort (aprés la mort de Basile, mourut en prison). Basile promit la protection au pape Leon X pour les marchands italiens. Aprés, il le ragarda comme ennemi d’avoir fait chanter Te Deum [31v] de la victoire que les Polonais remporterent sur les Russes. Clement VII voulant tenter de reunir l’église greque à l’église romaine, ecrivit à Basile. Celui-ci lui envoya des presents magnifiques, mais Basile, pour prevenir la destruction totale de Mosków, fut forcé de signer un traité par le quel il se reconnoissait tributaire des Tartares – On le traite de pusillanime, mais Paul Jove dit qu’il etait d’une belle figure, d’un caractere doux, qu’il punissait avec répugnance et pardonnait avec joie. Prêt de mourir, il se fit transporter dans un monastere, prit l’habit de religieux et le nom de Barleas. Il fit fondre cette fameuse cloche de Moskow, dont le poids est de quarante mille livres.
[I]wan IV. premier czar /1534/ agé de 4 ans, était sous la regence avec les états, sous sa mere Hélene – Les grands jaloux de l’ascendant du favori /jeune Boyare Ovuczyna/ et rédoutant l’abus que la grande-Duchesse faisait de son autorité, mêlerent du poison dans son breuvage et la firent périr – La chasteté n’est pas toujours un indice sûr du merite des femmes. L’histoire fournit de frequens exemples que, sur-tout dans le sexe, le grand talent de gouverner est presque toujours à côté de la passion tumultueuse de l’amour. – Ivan en prenant le gouvernement de ses états, donna les preuves les plus éclatantes de la douceur de son caractere. Il acueilla avec bonté les jeunes gens de son âge, auxquels il faisait toujours des largesses, et s’instruisait volontiers avec les vieillards, le pauvre était soulagé sitôt qu’il pouvait l’aprocher, l’affligé trouvait en lui un consolateur, et le malheureux – un apui. – Ici suivent des anecdotes d’un Cordonier – d’un repas public où furent livrées au[x] bourreaux les personnes habillées de noir, qui passerent des murmures aux menaces, à l’aproche de Kasan. [32r] L’Empereur Charles-Quint lui envoie l’essain d’habiles ouvriers, que la Providence dans ses décrets a encore reservés à Pierre le Grand, à éclairer sa nation en y portant le flambeau de sciences et des arts. Il avait habitude d’apliquer fortement sur le pied un baton ferré qu’il portait toujours avec lui – Passant par une place publique, il ordonna au bourreau de donner le knout à un juge corrompu par une oie pleine de ducats – Il força les femmes anglaise[s] dépouillées exactement de ramasser un à un quelques boisseaux de pois – Son secretaire entendant mal l’ordre reçu, fit se présenter 90 chauves – Le plus pauvre reçoit Ivan dans sa chaumiere, à qui il fit un présent considerable, et d’autres maisons du village sont abbaties – Quelquefois Ivan prenait plaisir de s’associer avec des voleurs – La condescendance qu’il avait eu pour ses soldats lui valut la conquête de Kasan et celle d’Astrakan. – Il avait conçu une estime singuliere pour la reine Elisabeth – Son ambassadeur se presente couvert devant le Czar – Il a distribué d’abondantes aumônes aux moines du Mont Sinaï – Il écrit au Gustaw Vasa que lui seul sera la cause de toutes les cruautés qui vont se commettre, que lui seul versera le sang qui va couler, s’il n’accepte l’entrevue que je lui propose, pour chercher les moyens de concilier nos interêts. Ce langage n’est pas celui d’un barbare – Il reçoit du Denis, Patriarche de Constantinople, des reliques et délivre une somme d’argent au legat. Ivan fait demander en mariage la princesse Catherine, fille de Sigismond-Auguste, Roi [de] Pologne mais au lieu d’accepter cette proposition avantageuse, les Polonais, à la place de la princesse envoierent au Czar une cavalle habillée superbement. Cet afront sanglant eut des suites les plus funestes. Ivan porte de nouveau le ravage dans la Livonie, tombe ensuite sur la Lithuanie, livre au pillage le Palati[32v]nat de Płoczko. Telle est souvent la destinée de peuples, on lave dans leur sang les injures qu’on croit avoir reçues de leur maître – Magnus, duc de Holstein, frere [du] Roi de Danemark, se dépouille de ses ornemens royaux, prend un habit de deuil, se rend au camp du Czar, se jette à ses genoux, implore la clemence pour les citoyens infortunés. /Livonie/ C’est à ce trait que les historiens ont raison de taxer Ivan de barbarie ; il attrape, accable Mag[n]us des paroles outrageantes, il le frape, le fait charger des chaînes et le chasse de sa présence. Les Livoniens voiant de dessus leurs murailles, tout ce qui se passait dans leur champ, ils tenaient encore dans leurs mains les torches allumées, certains du sort qui les attend, ils se répandent dans la ville qui bientôt devient la proie des flammes et qui saute peu aprés avec tous ceux qui y sont renfermés – Lorsque Etienne Batori monta sur le thrône de Pologne, il fit décider la guerre contre les Russes et la declara par Łopatynski – quelle que fut alors la colere du czar, il respecta dans Łopatynski le caractere d’ambassadeur et donna des éloges à sa fermeté – Une longue suite de malheurs semblait avoir anneanti cette ame agissante qui l’avait si long-tems pénétré de son feu, on lui propose de mettre son fils Ivan à la tête des armées – Le Czar outré de cette proposition, jette la couronne au milieu du peuple, aplique sur la tête un coup de son baton à Ivan qui mourut cinq jours aprés – 1581. La paix fut faite entre les Polonais et les Russes, le Passevin signa le traité au nom du Pape, il y apposa le cachet du St Pere – Anne, veuve de son fils Ivan etait venue pleurer avec lui, il lui tient les propos les plus tendres, se permit peut-etre des caresses un peu trop libres. Anne en fut effrayée, soupçonne que son beau-pere a de criminels desseins, elle s’écrie, la garde entre, le czar éloigne sa bru, appelle Theodore, son second fils et son successeur, lui explique l’horrible méprise d’Anne, on la met dans un monastere. La plûpart [33r] des historiens ont peint Iwan IV comme un tyran qui s’abreuvait avec joie du sang de ses sujets. Ils citent, pour apuyer leur sentiment et le portrait horrible qu’ils font de ce prince, plusieurs actions de son regne. Si l’on veut aveuglément les croire, sa cruauté a surpassé celle de Dénis et de Néron, mais si l’on daigne réflechir sur les circonstances dans lesquelles Iwan s’est trouvé, et sur le caractere incivilisé, dur et barbare de son peuple, on n’apercevera plus dans le Monarque Russe qu’un Maître sévere, à qui l’on a supposé des crimes qu’il ne commi[t] jamais. C’est cependant ainsi que souvent l’histoire est écrite, de même que l’imagination s’aplique à embelir les portraits des héros et des grands hommes, elle se plait quelquefois à se forger des monstres où le pinceau de l’écrivain brille toujours aux depens de la verité.
Théodore (1584) avait pour Régent de la Russie Bogdan Bi[e]lski, sa trame mal ourdie et le caractere penétré chasserent du trône l’usurpateur. – La Siberie se met sous la protection de Théodore – L’indolent Theodore ne soutenait qu’avec peine le poids de sa couronne. Les ames foibles sont moins sensibles à l’amitié qu’au besoin de se decharger des embarras qui leur pésent – Boris Godounow, dont Theodore avait épousé la soeur, dévenu Favori, teint de sang les dégrés pour monter au thrône – On envoie Demetrius, sa mere, sa nourice et tous ses parens maternels à Ulglitz. Ce premier coup porté, on plonge le poignard dans le sein de Demetrius, sa mere n’a que le tems de se jetter dans une église et de sonner une cloche qui rassembla aussitôt tous les peuples d’Uglitz. Godunow crut en imposer à tout le royaume par les recherches qu’il feignit de faire pour punir un crime dont il était l’auteur. Les villes sont rasées, les satellites en égorgeaient les citoyens – 1594. Les Circasses sont reçus sous la protection de – – Boris empoisonne le foible Theodore. Theodore etait sans vertus comme sans vices. Il se plaisait de sonner les cloches dans les Monasteres, famille de Rurik eteinte.
[33v] Boris Godunow (1598) Boris etait parvenu au thrône par des crimes, il s’y soutint quelques tems par des forfaits. Sous un tyran politique la nation est lâche et fourbe. Bientôt les délations furent autorisées et même commandées. On voit le frere accuser le frere, et le fils même être le délateur de son pere. – On entend Griszcza-Utrépiou parler, je serai un jour Czar – Un tyran est soupçonne[ux], il ordonne qu’on arrête Griszcza. Celui-ci en partant de sa rétraite, laisse dans sa celule un billet conçu en ces termes : « je suis le Czarevitz Demetrius, fils du czar Ivan », et passe en Pologne, entre au service du Prince Adam Wisniowiecki – On conduit Griszcza à Varsovie où la diette était assemblée, on l’interroge, et d’après ses reponses on ne doute plus qu’il ne soit réellement Demétrius – Les Cosaques du Tanaïs se hâtent d’envoier de l’argent à Griszcza, lui font dire qu’ils ont des armes et des hommes prêts à le secourir – Wisniowiecki léve des troupes, entre en Russie avec Griszcza, huit mille cosaques le joignent – Boris Godunow, haï de tous ses sujets, dévoré par ses rémords, dans une circonstance aussi critique, aurait dû chercher à mourir les armes à la main, mais un tyran sanguinaire est toujours lâche. Enfermé dans son palais pendant que l’orage grondait sur sa tête, il y [est] mort – Ce tyran alteré du sang humain, eut tous les vices en partage. Le mérite et la vertu furent toujours des crimes à ses yeux.
Theodore II (1605) Theodore, fils de Boris, devient Czar et sa mère – régente. Les Complices du pere se prêtent à l’élevation du fils. Un général mécontant de Theodore, se déclare au milieu de la mêlée en faveur de Griszcza. Les deux armées se réunissent et crient à l’envie : Vive Demetrius Griszcza (1606) Comme Griszcza approchait de Mosków, ses partisans armerent les mains de 3 scélerats qui assassinerent Theodore et sa mere. Il s’assit sur le thrône, il fait sortir [34r] du couvent la Czarine Marie, mère d’Ivan. Elle se précipite dans les bras de Griszcza, le nomme son cher fils – Bientôt les boyards regardent Griszcza comme un imposteur qui préfère les Polonais aux Russes, la Réligion romaine à la greque, les Jesuites aux popes, la fille du palatin de Sendomir à une épouse choisie entre les belles femmes de la nation. Ces griefs sont répandus et le peuple commence à murmurer. Chés les russes, du murmure à la revolte il n’y a qu’un pas, et le premier audacieux trouve des complices. Basile Suiski, de l’ancienne famille de Rurik, en rassemble en peu de jours un assez grand nombre, mais le complot est découvert, et prés de subir la peine de son crime, Griszcza lui fait grace. Cette clémence causa sa mort, Suiski humilié de devoir la vie au Czar, rénouvele sourdement ses propos séditieux – il tombe sans vie à leurs pieds – Tous ces traits rassemblés de l’histoire de Griszcza, loin de jetter quelque jour sur ce fait, ne font que l’obscurcir.
Basile Suiski (1606) On doit rémarquer avec étonnement que Suiski ne descendit de l’échaffaud que pour monter sur le thrône. Couvert de sang, on le regardait comme le libérateur de sa patrie, toutes les voix le proclamérent Czar. On établit en honneur de Demétrius trois fêtes. Toutes les provinces de la Russie nageaient dans le sang de leurs citoyens. Les villes étaient la proie des flammes. Et le Suédois accouru pour défendre le Czar Suiski, et le Polonais qui tenait le parti d’imposteur Nogoy, et le Russe flottant entre les différentes cabales, tout approchait l’État de sa ruine totale. Dans cette extrémité, quelques boyards s’assemblent à Mosków, alors pressés par les troupes de Nogoï, ils détestent l’administration de Suiski. – (Auparavant, trois, deux fourbes imposteurs se trouvérent assez hardis pour se dire hér[i]tiers du thrône de Russie – Suiski fait rêlâcher et renvoier en Pologne la veuve de Griszcza et le Palatin de Sendomir, son Pere, ils sont arrêtés par Nogoï) On publie par un édit [34v] la Vacance du thrône. Suiski, conduit dans le couvent, on le rase et habille en réligieux. Et l’on offre la couronne à Uladislas, fils de Sigismond, Roi de Pologne. – Basile Suiski, rélâché du Couvent, renvoyé avec sa femme et ses frères, mourut bientôt aprés. – Pour affermir [le] fils de Sigismond, il a falu la signature du Patriarche, ce prélat la refusa – Tandis que les Polonais portent le fer et la flamme dans Moskow, et un autre parti reconnait pour czar le prince Philippe de Suéde, il se présente un huitième imposteur, sous le nom de Démétrius. Le[s] Cosaques se rangent sous ses (Matuiska diacre) drapeaux mais le gouverneur de Plesków le fit étrangler.
Michel Foederowitz Romanow (1613) L’Élection du jeune Czar brisa les fers de l’archévêque Philarete que le roi de Pologne remit en liberté aussitôt qu’il en fut informé. En réconnaissance Michel Romanow lui renvoya tous les prisonniers polonais restés du massacre précédent. Les Suédois conclurent la paix avec les Russes, on céda aux premiers plusieurs provinces – Uladislas entre en Russie avec une armée nombreuse, mais bientôt une tréve de 14 ans était conclue, pendant lesquels les duchés de Smolensko, de Séverie, de Czerniechów, démeurerent aux Polonais qui rendirent les autres conquêtes, et le roi de Pologne renonça à perpetuité au titre de Czar – Ici suit un discours du Patriarche, Pere de Michel Feoderowitz ; [le] Czar maria la fille de Dolgoru[c]ki – Aprés, une Demoiselle d’honneur chez les knés Czeremétow – 1627 Un afreux incendie consuma presque toute la ville de Moskow. La premiere ambassade de la Republique de Hollande en Russie porte pour datte cette année – 1632 On eut à pleurer la mort du Patriarche Théodor Romanów – Michel envoie une armée assiéger Smolensko, mais Uladislas, Roi de Pologne vole au secours, bat les Russes, défait les Turcs, s’empare de plusieurs villes de Russie – Un nouvel Imposteur parait encore sous le nom de Demetrius, il se refugia chez [35r] les cosaques, où le général simple et crédule, trompé par la perfide éloquence du fourbe, lui accorda la plus haute protection – En Turquie il se fait circoncire. Ses débauches et la crainte d’en être puni, le font fuir à Venise, et ensuite à Rome où il se fait Catholique romain. Il repasse en Russie. C’est alors qu’il publie dans les villages qu’il est Démétrius, fils d’Ivan IV, échappé aux fureurs des Tartares – Plein de confiance, demande des secours à Christine, Reine de Suède. Il met le siége devant Plesków avec ses bandits. On lui prêtre serment de fidelité – Il deshonore la couche des premieres maisons de la ville. Chassé honteusement, il passe en Hollande, à Bruxelles, il vient à Leipsic et y embrasse le Lutheranisme. Conduit à Mosków et convaincu de mille crimes, il fut exécuté sur la place du Marché, ses membres attachés à des poteaux et son corps trainé à la voierie.
1644. Volmer, fils naturel du Roi de Danemark, demanda en mariage une des filles du Czar Michel. L’affaire était au point d’être conclue, mais les prêtres Russes résisterent, parce que Volmer etait d’une Réligion différente – Ce Prince Michel etait naturellement porté à la douceur, il pardonnait facilement, et ne punissait qu’avec peine. Fils respectueux, il ne gouverna que par les conseils du Patriarche, son pere, tant qu’il vécu[t], il ne cessa jusqu’à sa mort de réprocher au Clergé l’excés de son ignorance – La Czarine Eudocie à beaucoup de charme joignait une grande douceur, une solide piété et toutes les vertus qui enlévent le respect, l’estime & l’amour des peuples.
Alexis Michaelowitz 1645. Morosow, son gouverneur, devenu ministre, le fut réélement à la fortune. Il écarta habillement de la cour, ceux qui pouvaient lui faire ombrage, et parvint bientot, à force de manoeuvres sourdes, à saisir les rênes de l’absolu pouvoir, les cris des mécontans ne parvinrent point aux oreilles d’Alexis. Tous les favoris du [35v] prince étaient dévoués au Ministre – Le goût du Czar se décide en faveur de la fille d’un simple gentilhomme, le favori outré de ce choix qui renverserait ses desseins, gagne secrettement les femmes qui doivent attacher la couronne de la nouvelle Czarine et les engage à lui nouer si fortement les cheveux qu’elle n’en puisse soutenir la douleur. En effet, la nouvelle épouse s’evanouit et les femmes gagnées publient qu’elle est attaquée de l’épilepsie. Ce noir complot fut suivi de l’éxil du pere de cette femme qu’on eut la barbarie d’accuser d’avoir indignement trahi le Souverain – Dans la suite, Alexis débrouilla ce mystére, sa tendresse se rénouvella, mais trop sage pour donner à son peuple l’exemple du divorce, deja trop fréquent chez la nation, il assigna une pension à cette infortunée – Alexis épousa Ilychna, fille d’Ilia Miloslawski, digne par ses vertus et par sa beauté du rang que la fortune lui offrait. Morosow parvenu à ses fins, eut huit jour aprés, la hardiesse d’épouser la soeur de la Czarine. – La tyrannie de Michel monta bientôt à son comble, maître absolu d’un État, puisque tous les gens en place étaient ses créatures, il faisait rendre à son gré la justice et accablait le peuple d’impôts – On demande à grands cris la tête de Michel, la flamme ravage l’hôtel du Ministre, le roi promet sur la Couronne que Michel se comporterait plus sagement à l’avenir – La mort d’Uladislas, Roi de Pologne, laissant le thrône vacant, Alexis voulut être proclamé roi, mais repoussé, il ravage la Lithuanie et les Polonais sont obligés de céder Smolensko &c – Pour accorder la Suéde avec la Russie, Cromvel offre sa médiation qui était repoussée – Alexis grievement malade, fut gueri par un mari qui maltraita sa femme – Ilya, beau-pere d’Alexis, fut traité rudement par Alexis, il le prenait par la barbe, lui donna des coups de pieds – Ici suit le récit touchant la crême [36r] de Tartre. Or, il faut savoir que les Tartares de Crimée avec les Russes etaient en guerre. On dépose Nicon, successeur de Philarete Patriarche qui voulut partager l’autorité souveraine – On a examiné murement sa conduite, qui mourut dans un Couvent – Casimir V. ayant abdiqué le thrône de Pologne, le czar vient à main-armée demander les suffrages, mais Michel Korybut en eut la préférance – 1670. Cette année vit finir la revolte des Cosaques qui durait depuis fort long-tems – Alexis se maria à la Princesse Nariskin. Son pere égala les plus grand[s] Ministres de l’Europe – 1672. C’est à cette année que les Russes rapportent l’Époque de leur grandeur – Aprés la mort de Michel Korybut, Sobieski prend la couronne et le Czar en est mortifié.
Théodore Alexiowitz 1676. Ce Prince dans un corps languissant montra une ame élévée et capable de former les plus hardis projets. Il ratifia trois traités avec la Suede, la Pologne & les Turcs – Il osa faire assembler dans son palais tous les Nobles de la 1. classe, et aprés leur avoir ordonné de représenter leurs titres, il les jetta au feu, en déclarant aux boyards que désormais il ne regarderait plus pour nobles que ceux qui se distingueraient par leurs actions. Le poison l’a conduit au tombeau. Il nomma pour son successeur Pierre, son jeune frère, au préjudice de Jean qui etait l’ainé. La Constitution forte et la vivacité de Pierre lui valurent la Couronne, que la tête foible et presqu’imbecille de Jean n’aurait pû soutenir.
Pierre & Iwan 1682. Sophie, Soeur de Pierre et d’Iwan, d’une ambition qui ne connaissait pas les bornes, et d’un[e] hardiesse au dessus des évenemens, n’apprend pas, sans frémir de rage, que l’ainé de ses freres est exclu du thrône, hazarde tout pour saisir les rênes du gouvernement. Sous main elle tente la fidelité des Strelitzs, cette milice sanguinaire seconde la fu[36v]reur ambitieuse de Sophie. On delivre aux Strelitzs l’argent qu’il[s] répétent. Sophie assemble chez elle les princesses de la maison imperiale, le Patriarche, les Evéques &c., leur peint avec les plus noires couleurs l’injustice de l’exclusion donnée à son frere. – Dolgorowski, Mathéoff sont jettés par les fenêtres et reçus sur les piques. Les Nariskins et leur pere, vieillard vénérable, son[t] massacrés – Sophie commence l’exercice de son autorité par faire publier une amnistie de tout ce qui s’était passé. Toute la plenitude du pouvoir reside dans ses mains. Politique adroite, sévére avec douceur, génie élevé. Esprit actif et penetrant. Sa beauté ravissait, son éloquence persuadait, sa fermeté en imposait aux plus hardis – L’envie de régner la rendit cruelle & lui fit concevoir une implacable haine contre son frere Pierre. Son intrigue avec Galitzin & le Secretaire Scheglowitow ne fut point ignorée. Aux passions de l’homme d’état, Sophie joignit toutes les foiblesses de la femme aimable & sensible. Galitzin devient superieur à tous les Russes de son tems. La Politique Sophie maria cette année le Czar Iwan à Proscovie, fille de Sołtikow, Commandant en Siberie. Elle laissait son jeune frere Pierre livré à une troupe de flateurs qui l’entraînaient dans des débauches et des excés capables de ruiner sa santé et de déranger son esprit – Lefort, natif de Génêve, arracha Pierre à ces plaisirs dangereux, lui donna les leçons de l’art militaire. 1684. Le Patriarche & les Évêques argumentent contre Raspod, les pierres succedent aux sillogismes – Sophie et le Czar arrête[nt] les fanatiques, il leur en coûte la tête. Kowanski, premier instrument de l’élévation de Sophie, forme le projet de faire périr Sophie, Galitzin et le czar, dans l’espérance de monter lui-même sur le thrône. Sophie apprend que la sédition se ralume, elle fuit avec ses freres au Couvent de la Trinité. – Rebelle Kowanski avec 30. soldats périt à la moitié du chemin. La guerre civile [37r] s’ouvre. Les Strélitzs s’arment et menacent de porter le fer et le feu au couvent de la Trinité. De toutes parts il arrive des troupes. Alors, le Patriarche se jette au milieu des Strelitzs, il les fait ressouvenir de ce qu’ils doivent à Dieu, à leurs souverains, à leur patrie – Les séditieux passent de la fureur à la crainte et de la crainte au découragement, livrent à la juste vengeance de leurs Maîtres deux mille sept cens des plus coupables – Galitzin osa dispenser la plus grande partie de ces corps dangereux. Galitzin & Sophie preparent une grande révolution. 1689. Le Czar Pierre s’était marié à Eudocie [F]oederowna Lapukin. La perte du Czar Pierre est jurée, Tekelawitau, Chef des Strélitzs, qui doit toute sa fortune à Sophie et à son favori, se charge d’exécuter leur volonté, corrompt six cens soldats et les conduit au chateau d’Obrokensko. Il se présente sous prétexte de rélever la garde, deux Strélitzs indignés du crime dont on veut les rendre complices, sont venus pendant la nuit instruire leur pere, Maître du péril – Le Czar Pierre échappé à ce danger, se sauve au couvent de la Trinité avec sa mere, son épouse et ses plus fideles amis – Sophie & Galitzin tentérent en vain de se disculper de l’assassinat projetté, les preuves étaient trop complettes. Tékélawitau mis à la question révéla tout et expira sur une roue, les autres complices eurent la langue coupée & furent rélégués en Siberie. Sophie fut enfermée à Dewitz, Monaster[e] qu’elle avait fait batir. Galitzin fut éxilé – Ainsi se trouva établie l’autorité légitime d[e] Pierre. 1689. Les russes firent un traité avec les Chinois, ils avoient conquis la Daurie, les Articles de ce traité furent gravés sur deux tables de marbre placées dans le lieu même qui servait de séparation aux deux empires – Un Monarque ferme et habille peut tout ce qu’il veut. Le Czar Pierre projette de policer la Russie. La reforme commence – de nouvelles loix sont promulguées – [37v] de nouvelles moeurs adoucissent déjà le caractere feroce et agreste des Russes, des officiers Anglais, Allemands, Hollandais viennent seconder des vues si nobles et trouvent dans cette patrie qu’ils se choisissent l’honneur joint à l’intérêt. Une nouvelle administration rétablit l’ordre dans les finances, les concussionnaires sont punis, des mains plus pures récueillent les impots, fruit du travail des peuples, et dont ils doivent une foible portion pour la surêté générale. Les maisons de bois disparaissent, des palais de pierre sont élevés, les sciences et les arts sont appellés, les artistes honorés, protegés et récompensés. Un seul homme produisit tous ces grands changemens. Cette année est l’Epoque de la fortune du célébre Mentzikoff que bientôt nous allons voir jouer un rôle important. La gaieté de ses chansons lui attirait un trés-grand debit en patisserie – Le Czar Pierre decidé à séconder les efforts des Autrichiens, de[s] Polonais et des Venitiens contre les Tur[c]s, veut que cette diversion lui assure l’empire de la Mer Noire – Le Czar pressé par les insinuations de Menzikoff, devenu son favori et son confident, se détermine à répudier [l]a Czarine Lapukin qui jura la perte de Menzikow – Les Russes sont etonnés de voir sortir une flotte de Véronitz. Avant Pierre, ils n’avaient aucune idée de la navigation. Asoph se rend. On frappa alors la prémiere medaille en Russie – Le Général Schein s’empara de la ville de Precope dans la Krimée – Sophie échauffe l’esprit de révolte qui anime déjà tous les ordres de l’état, on découvre la conspiration au Czar qui pardonne à Sophie sa tentative infructueuse et la fait seulement veiller avec plus d’exactitude – 1698. L’étonnement rédouble lorsqu’on voit un monarque de vingt-cinq ans, fier de ses prémiers succés, descendre du thrône, [se] de[38r]pouiller de sa grandeur, voyager chez les Nations policées de l’Europe, pour apprendre d’elles par quel moyen il peut parvenir à rendre ses peuples heureux. Exemple unique dans les annnales du monde. Ce fut à Amsterdam que ce grand homme prit une teinture des Sciences et que les arts perdirent pour lui leurs prémieres difficultés. A Londres, il reçut en présent un yath de vingt cinq canons, sur le quel il fit passer à Archangel quelques Anglais qu’il avait attachés à son service – Le Corps des Strélitz fut cassé à perpetuité et son nom aboli. Pierre institua, cette année, l’ordre de St André. Lefort meurt sans lequel Pierre n’aurait peut-être été connu dans l’Europe, que comme un illustre barbare et les Russes ressembleraient encore aux Huns et aux Esclavons, leurs Ancêtres. Les études de Lefort n’avaient été que superficielles, mais il avait le talent de bien voir. 1700. Le czar ordonna que l’année commencerait au premier Janvier. Les Russes avaient autrefois possédé [l]es Provinces d’Ingrie et de Carélie, dont les Suedois s’étaient emparés par le droit de la guerre, du tems de faux Demetrius. Ces Provinces étaient d’autant plus intéressantes, qu’en les recouvrant, les Russes s’ouvraient la communication de la Mer Baltique. Le Czar se joint à Auguste, Roi de Pologne, qui de son côté veut reprendre sur les Suedois la riche province de Livonie. L’instant est si favorable et l’on peut sans crainte attaquer Charles XII, jeune prince de dix-sept ans. Les deux alliés font entrer dans leurs projets Frederic IV, Roi de Danemarck. On repousse les Russes de Narva, & Fréderic est forcé à signer une paix onereuse. Les Polonais quittent Riga. Les Russes tentent de prendre Narva, mais [le] Czar écrase tout ce qui ose résister. « Je sais bien, disait le Czar, que les Suédois nous battron[t] long-tems, mais enfin nous apprendrons à les battre. Evitons les actions générales avec eux et affoiblissons les par [38v] de petits combats » – Il attaque Nottebourg dans l’Ingrie, à l’embouchure de la Néva, et change le nom de ce fort en celui de Schlusse[l]bourg. C’est au nombre de ses prisonniers que se trouva Cathérine, jeune fille élevée par un Ministre Luthérien, elle etait née à Rughen, ville d’Estonie, de paysans vassaux du Colonel Rosen. Un sergent de la garnison de Marienbourg l’avait obtenue en mariage et ce sergent fut tué sur les remparts de la ville, le jour même de ses noces. Le Général Baur prit Catherine à son service, le Prince Menzikof la vit et la demanda au général, et le Czar Pierre qui visitait souvent son favori, charmé de la beauté et de l’esprit de Catherine, l’aima, la prit pour sa maitresse et l’épousa peu de tems aprés. C’est un événement que la fortune et le merite ne laissent voir que cette fois dans les annales du monde – Aprés la prise du fort de Nye[s]chantz, Pierre le grand resolut de bâtir sa ville de Petersbourg, sur le golphe de Finlande. Le Russe infatigable combattit d’une main et remua la terre de l’autre – Le Roi de Pologne pressé, reçoit un subside – Narva prise – le soldat russe y commit les plus grandes cruautés, le Czar, l’épée à la main, parcourait toutes les rues pour arrêter le massacre, ici il arrachait une mere et un fils ensanglanté à la rage furieuse du soldat qui ne se possedait plus, là il sauvait la pudeur d’une fille. Ce fut dans cet instant, qu’arrivé à l’hôtel de Ville, il posa son épée sur une table et dit aux assistans ces paroles à jamais mémorables : « Ce n’est point du sang des Citoyens de Narwa que cette épée est teinte, mais de celui des Russes que j’ai immolés à votre conservation ». Le gouvernement de Narva fut confié à Menzików, on accorda tout au merite et rien à la seule noblesse – Le Czar à peine arrivé dans sa Capitale, [39r] apprend que Charles XII, par-tout victorieux, s’avance du côté de Grodno pour combattre son armée, et qu’Auguste fuit en Saxe avec 4 régimens de dragons russes. Une bataille, la premiere que les Russes gagnerent contre les Suédois, se donna auprés de Kalisz. Menzikow en eut toute la gloire. Ce fut aprés cette victoire qu’Auguste livra [l’]infortuné Patkul à son ennemi mortel Charles XII. (à Holozin) ce n’était plus le tems où cent milles Russes se laisserent écraser par huit mille Suédois – À six heures du matin, commença cette sanglante bataille à Pultawa, qui mit des bornes à la fortune de Charles XII et qui immortalisa Pierre le grand – Riga, aprés un siége long et qui coute plus de dix mille hommes aux Russes, se rend – Revel ouvre ses ports – Dunamunde ne fait qu’une foible resistence – La malheureuse Campagne de Pruth avait borné la puissance de Pierre le Grand – Pierre, de retour de Carlsbaad, déclare solemnellement son mariage, et Catherine, pour prix d’avoir sauvé son Époux et l’armée, fut réconnue publiquement impératrice – Le Legislateur de Russes partagea ainsi sa couche et son thrône avec une inconnue – (on place dans ce lieu le précis de l’histoire du frere de l’Imperatrice Catherine, Sk[a]wronski) Abo avait une assez celebre Université. Pierre en fit enlever tous les livres et on les transporta à la bibliotheque de Petersbourg – Galitzin, en récompence de sa bonne conduite et de ses succés, est nommé gouverneur de Finlande – Après 5 années de séjour dans la Turquie, Charles XII revient dans ses Etats, ramasse ses debris – Pierre visite la France – Alexis Petrowitz, fils du Czar, fit prendre le voile à son Épouse – il osa murmurer ouvertement contre les innovations de son pere. De retour du voyage, Alexis est conduit sans épée devant son pere. L’Empereur le declare indigne de régner – Lorsqu’on lui lut ce terrible arrêt, il tomba dans les convulsions et mourrut – Éléonore Ulrique monte [39v] sur le thrône de Suéde, par la mort de Charles XII, prête les mains à un acommodement avec le Roi de Prusse et d’Angleterre. La Sveda céda une étendue de prés de trois cents lieu[e]x communes, c’était le fruit de vingt années de guerre. À Derbent, dans l’Armenie, le gouverneur vint présenter ses clefs – L’Impératrice implora grace pour sa favorite ; l’empéreur irrité la refusa, et dans sa colere il cassa une glace de Venise et dit à sa femme : « Tu vois qu’il ne faut qu’un coup de ma main pour faire rentrer cette glace dans la poussiere dont elle est sortie ». Catherine le regarda, les yeux mouillés de larmes, et lui repondit : « hé bien ! vous avez cassez ce qui faisait l’ornement de votre palais, croyez-vous qu’il en devient plus beau ? » Ces paroles calmerent un peu l’empereur.
Catherine Alexiewna 1725. Le Prince Menzikow, lié de tous les tems avec l’Impératrice Catherine, en imposa à toutes les factions et lui concilia les Esprits. On paye aux troupes les arérages qui leur étaient dus – On prevint la révolte des Cosaques. On célebre les noces du duc de Holstein avec la princesse Imperatrice Anne Petrowna – On institue, vers ce tems, l’ordre de chevalerie de St Alexandre Newski – Il se repandit des bruits qu’il se tramait une conspiration contre l’Impératrice pour placer le jeune Pierre Alexiewitz sur le thrône – L’histoire nous fournit assez d’exemples de sujettes qui ont epousé leurs Souverains, mais qu’une inconnue, sans parens, prise au milieu des horreurs d’une ville saccagée, emmenée captive, soit devenue l’épouse de son maître, et se soit assis glorieusement sur son thrône aprés lui, c’est un événement inouï – Sa beauté captiva Pierre le Grand. Sa grande ame enleva son admiration, sa prudence la lui rendit nécessaire. Epouse tendre, infatigable, elle partagea ses courses, ses travaux, les chagrins. Elle ne sut ni [40r] lire ni écrire. Elle doit sa gloire à sa conduite, à ses réflexions et à cette attention avec laquelle elle avait étudié le génie du Legislateur des Russes.
Pierre Alexiowitz 1727. On rélegue Menzików en Siberie par des cabales sourdes d’Olgorowki – dans son affreux éxil supporte les malheurs avec une grandeur vraiment philosophique – Son épouse mourut, son fils et sa fille revinrent à Petersbourg et eurent la satisfaction de voir arriver en Siberie les Olgoro[w]ki. Pierre II, fiancé à la fille du Prince Monzikow, meurt attaqué de la petite vérole, il n’aurait aimé que les lettres.
Anne Iwanowna 1730. Elle occupa la place d’Anne Petrowna par la cabale d’Olgorowki, mais éloignée des affaires de la famille d’Olgorowki, ne conserva prés d’elle que le Comte d’Ostermann – La Russie prend part aux divisions qui regne[nt] en Pologne, à l’occasion de la mort d’Auguste II ; elle se déclare contre Stanislas en faveur d’Auguste III. Stanislas se voit assiégé dans la ville de Danzik et pour la premiere fois on vit des Russes sur le Rhein – Jean-Ernest Biron, favori, est élu duc de Curlande – La vig[u]eur et la sagesse qu’elle mit dans toutes les actions de son régne, firent connaitre à l’Europe la grandeur et l’Étendue de son génie – Loin d’apeler au thrône la princesse Elisabethe Petrowna, selon son droit, elle n’eut pas même égard à celui de sa niéce, la princesse de Brunswick, et désigna pour lui succeder le jeune prince Iwan, fils de cette derniere, âgé seulement de deux mois, et son favori Biren, tuteur de l’empereur et regent du royaume avec pouvoir illimité.
Iwan IV. 1740. Plus le duc de Biren se voiait élévé, plus le précipice où il courait, devait lui paraitre profond. [40v] Réunissant toute l’autorité en lui seul, écrasant par son despotisme le pere et la mere de son jeune empereur, il ne devait contempler autour de lui que des esclaves audacieux qui briseraient bientôt leurs chaînes. La Princesse de Brunsvik, impatiente de régner sous le nom de son fils, assemble des ennemis du ministre, toujours nombreux dans une cour orageuse – Le général Munnich l’arrête, on le condamne à mort, mais on commua sa peine en éxil – La Suéde romp avec la Russie. Le feld-maréchal Lasci battit les Suédois auprés de Wilmanstrand – La noblesse de Russie gemissait de se trouver exposée aux vicissitude[s] d’une longue minorité, pénétrée de vénération pour le sang de son empereur Pierre le Grand elle se rapelle l’ordre de la succession, elle jette de[s] régards de tendresse sur la fille, la Princesse Elisabeth Petrowna. La duchesse régente est arrêtée avec son fils et son epoux, et ils sont envoïés prisonniers dans une forteresse.
Elisabeth Petrowna 1741. Elle fait venir à sa cour le jeune duc Charles-Pierre-Ulrick de Holstein Gottorp, fils de sa soeur ainée Anne Petrowna &c., elle le déclara son successeur au thrône. La Suéde envoïa pour le redemander à son thrône, à laquelle on proposa l’Eveque de Lubeck, son oncle. – Cependant la Russie et la Suéde étaient toujours en guerre – Le tyran de la Perse s’éloigne de la Russie avec son armée – 1745. L’imperatrice Elisabeth, ayant formé le dessein de marier incessemment le jeune grand duc, avait fait choix de la princesse Sophie Auguste, fille de Christian Auguste, prince regnant d’Anhalt-Zerbst, et de Jeanne Elisabeth, née princesse de Holsztein Gottorp, soeur du roi de Suéde aujourd’hui sur le thrône – Sophie Auguste fut fiancée avec le grand duc, prit le nom de Catherine Alexiewna, fut déclarée héritiere de l’Empire au cas que l’impératrice et le grand duc mourussent sans héritiers – On decouvre à Stokolme une conspiration dont le but était de renverser l’ordre de gouvernement établi et la succession au thrône – 1756 Par une [41r] suite nécessaire, la guerre allumée entre la France et l’Angleterre devait porter ses ravages dans toutes les parties du vaste Empire d’Allemagne. Aussi vit-on bientôt la rupture éclater entre l’impératrice Reine et les Prussiens, et le Roi de Prusse s’emparer de l’électorat de Saxe. Dans la situation la plus triste, où jamais Monarque se soit trouvé, le Roi de Pologne fit partir le baron d’Ygelstein pour en informer l’impératrice Elisabeth et réclamer son assistance afin d’y apporter un changement favorable. La réponse de sa Majesté à ce ministre fut consolante et précise – L’armée aux ordres du général de Fermer s’empare de Königsberg et prés de la ville de Castrin elle remporte une victoire complette sur les Prussiens. – On prive Bestuche[f] Rumin, grand-Chancelier, de toutes ses charges – et le Sénat fit aussi tôt publier Oukaz. – A deux lieu[e]x de Francfort, la bataille s’engagea avec le plus grand acharnement, et peut-être ce siecle n’en saurait offrir une plus sanglante. Les Russes poussés, répousserent l’ennemi et le combat se declara pour eux – Elisabeth, fille de Pierre-le-Grand, gouverna le vaste Empire de Russie avec une sagesse et une douceur qui lui captivérent l’amour de ses sujets et lui assurerent l’estime et l’admiration de toute l’Europe. Elle fut nommée Clémente, titre le plus respectable dont se puisse glorifier un Souverain. On remit en liberté treize à quatorze mille malheureux détenus dans les prisons &c.
Pierre III 1762. Il se livra tout entier aux soins du gouvernement et aux moyens les plus propres à effectuer les grands changemens qu’il projett[ait]. Il multiplie les graces. Les exilés (Biren, Munnich &c.) furent rappellés. Le duc de Holstein fut déclaré généralissime des armées. Il a dressé un plan de pacification qu’il regardait comme [41v] infaillible. Pour balancer les pactes de famille de la maison de Bourbon, ce prince projettait d’en établir un pareil dans le Nord, composé de trois principales branches souveraines de la maison de Holstein ; savoir, les Rois de Danemark et de Suéde et l’Empereur de Russie, auxquels on aurait joint le Roi de Prusse. – Ce prince destinait au prince Henri de Prusse la couronne de Pologne, à la mort du Roi Auguste &cee. Ce Prince déclara que desormais les Nobles Russes pourraient voïager, de disposer leurs biens à leur volonté et sans avoir besoin d’en obtenir l’agrément. Il publia un edit rigoureux pour la reforme du luxe. Jusques-là, les nouveautés que Pierre III introduisait, ne pouvaient être dangereuses et tendaient toutes à la prospérité et au bien-être de ses sujets. S’il s’en fût tenu là, ses projets auraient eu la réussite qu’il en esperait, mais il alla plus loin, il voulut reformer son clergé – tentative dangereuse dans tous les tems et dans tous les païs, mais plus périlleuse encore dans les premiers jours d’un avénément au thrône – Comme réunissant la puissance éclésiastique et la séculier[e] dans sa propre personne, il prétendit séculariser tous les biens d’Eglise et les revenus des Monasteres – Il ordonna à l’Arechevêque de Nowogrod de faire ôter des Eglises le grand nombre de tableaux qui y étaient, et de n’y laisser que le Crucifix & les images de la Vierge. Il ordonna que tous les Ecclesiastiques fissent raser leur[s] barbes et portassent les habits comme les reformés les portent. L’Archevêque de Nowogrod s’opposa avec vigueur à ce réglement et l’empereur l’éxila – Il cassa le régiment des Gardes que la feue Impératrice Elisabeth avait créé, il en forma un nouveau habillé à la prussienne, dont tous les officiers étaient Allemands – abolit ancien exercice pour y substituer celui de Prusse, &ce – Le feld-Marechal, Comte Rasomowski – [42r] Pannin, gouverneur du grand-Prince Paul Pétrowitz, Wolkonski, les trois freres Orłów, le feld-marechal Butturlin, se mirent à la tête des conjurés. Pour être sûrs de pouvoir se sauver, au cas qu’ils fussent decouverts ou trahis, ces principaux Conjurés avaient auprés d’eux un espion habile et sur lequel ils pouvaient compter, qui ne devait pas les quitter des yeux un seul moment, afin que, si l’un d’eux venait à être arrêté, les autres en fussent informés sur le champ. La suite fit voir que cette précaution était prudente et necessaire. Un nommé Pastik, Lieutenant aux Gardes, fut decouvert par quelques paroles imprudentes d’un soldat de sa compagnie, et arrêté aussi tôt, l’espion qui était auprés de lui en rendit compte sur le champ aux autres conjurés qui viren[t] bien qu’il n’y avait pas un moment à perdre et que le point important était de prévenir l’Empereur ; 8 juillet, Pierre III était à Oranienbaum. L’Impératrice se trouvait à Petershoff. La jeune princesse d’Aszkow, maîtresse de l’Empereur, chez qui se tenait l’assemblée des Conjurés, envoie un carosse à l’impératrice ; elle se déguise et un des Orłow la conduit à Petenbourg, au quartier des Gardes d’Ismaï[l]off. Les Soldats de ce regiment prévenus par leurs officiers, proclame[nt] Catherine Imperatrice et seule Souveraine de Russie – Les Senateurs se joignent aux troupes, et le Comte Rasomowski méne la nouvelle Impératrice à l’Eglise de Casan où Sa Majesté prête serment de fidelité &c – La journée du neuf fut emploiée à fortifier le parti de la Nouvelle Souveraine. Sur les six heures du soir, l’impératrice habillée de l’ancien Uniforme des Gardes du Corps, monta à Cheval et passa en revue toutes ses troupes qui montaient à 15 mille hommes, et qui lui témoignérent le ravissement des Acclamations [42v] et des cris de joie reitérés – Pierre III aprit enfin le malheur qui le ménaçait, il part pour Petershoff et se voit forcé de retourner à Oranienbaum. Il tenta de se defendre jusqu’à la derniere extremité – il se determina enfin à entrer en Negociation – arrêté par le général [Ismaïloff], conduit à Petershoff, il fut gardé à vue dans un apartement. Ce fut là que ce malheureux Empereur, dans l’intention de fléchir l’impératrice, donna une déclaration inouïe par la quelle il se désistait de l’empire – Le même jour que cette étonnante révolution éclata, l’impératrice fit publier un manifeste – Pendant que l’Impératrice Catherine II donnait tous ses soins à l’affermissement de sa nouvelle authorité, on conduisait Pierre III à [Czarkazélo] où ce Pierre attaqué d’une violente colique, appellée hémorrhoïdale, mourut le dix-septième juillet, malgré tous les secours de la Medecine. – On ne peut disconvenir, en récapitulant tous les réglemens faits pendant la courte durée de son regne, qu’il n’eut de tres bonnes intentions. Peut-être dans des tems plus convenables, ces mêmes objets de reforme auraient fait la gloire et le bonheur de l’empire. Pierre III, juste admirateur des sublimes qualités d’un grand prince, aurait voulu le prendre pour modele, mais ce qu’un grand homme imagine, conduit et porte à sa perfection, ne devient dans les mains d’un homme ordinaire qu’un projet mal conçu, qui ne peut qu’entrainer dans le précipice celui qui l’a imaginé – Arrêtons nous, adorons les decrets de la justice divine, qui maîtresse de la vie des Souverains, pése dans la balance leurs vertus et leurs vices, et repand les récompenses et les punitions, suivant l’ordre de sa Sagesse éternelle.