Lettres
EDITION DU MS. BJ 3186
[p.3] [fol. 3r] Lettre
1. Votre Lettre m’a fait autant de joye que de Surprise, je ne saurois vous dire combien je sois penetré de la bonté que vous me temoignez et je vous jure que cela m’inspire de Sentiments d’une Reconnoissance sans bornes que je vous promets pour toujours. Sa Majesté fait sa Residence depuis quelque tems à Commerey, la quelle doit partir pour Luneville mardi prochain, il ne m’est donc pas possible de me mettre en chemin dans le tems que vous me marquez, mais je vous assure qu’après avoir remercié Sa Majesté, j’y partirai samedi prochain. Ayez donc la bonté Mr de remettre Votre Voyage jusqu'à mon Arrivé et soyez sûr qu’il n’y a rien au Monde que je ne fasse pour vous convaincre à quel point je sois touché de tant de bontés que vous m’accordez au de là de
11Ms. des
mes esperances. Il ne m’est point possible de vous mander quelques particularités qui vous touchent et j’attribue tout cela aux transports que vos Soins que vous prenez à mon egard me […]22 Ms. mot illisible – lonpe ?
. Tout ce que je peux à cette heure c’est de vous dire. [fol. 3v]
2. Je repon[s]33 Ms. reponce à la Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’ecrire le 22 juillet, dans la quelle vous vous etes plainement justifié de votre retardement à m’ecrire, il me suffit que je sache que vous m’honorez toujours de quelque tendre Sentiment. Je vous prie de remettre encore cette Lettre que je vous envoye à M. de vous informer de lui au quel tems precis à Luneville et faites-lui de ma part Compliment. Je crains le Moment où vous avez quitté Paris, vous eloignez de moi de plus en plus, sans esperance de ne vous plus voir dans ce Pays ici, marquez moi pour Consolation où vous irez et promettez-moi de continuer à m’ecrire. Voila la Seule grace que mon Amitié exige de vous, et que vous soyez persuadé que rien au Monde ni l’absence, ni l’eloignement, ni meme Votre Indifference qui est ce que je craindrois44 Ms. crainderois
le plus, ne diminueront rien de la Tendresse et l’amitié avec la quelle j’ai l’honneur d’etre.
3. J’ai saizi avec un plaisir extreme une Occasion aussi favorable que celle qui se presente pour vous donner mes Nouvelles. C’est M. Kozicki qui va en Pologne, qui se fait un plaisir de s’en charger, c’est un de nos bons Amis et vous ne pouvez mieux temoigner Votre Amitié qu’en lui avouant
[p.4]
[fol. 4r] une Semblable. Je n['ai] rien55 Ms. ne rien nouveau à vous marquer sinon qu’il y a bien de nos Messieurs qui partiront pour Paris, je me recommende toujours à l’honneur de Votre Amitié et de celle de M. [votre]66 Ms. vos
frere, et je vous prie d’etre persuadé que rien au Monde ne pourra empecher d’etre toute ma Vie avec toute l’amitié que vous me connoissez.
4. Je ne garde de manquer une Occasion aussi favorable de vous ecrire par M. votre frere pour vous prier de m’honorer toujours de Votre Amitié et de Votre Souvenir. Si je ne vous ai pas ecrit, je m’en suis dedommagé par le plaisir que j’ai toujours de demander Vos Nouvelles à M. votre frere, que je regrette infiniment à cause de l’union qui regne77 Ms. regnent entre nous deux et de l’amitié dont je me flatte qu’il m’honoroit. J’espere que l’Absence n’empechera pas qu’il ne se souvienne encore quelquefois de Moi et je me trouverai tres honoré, si vous parlez quelquefois de Moi avec lui, pour moi, de Mon Coté, je m’en souviendrai toujours avec plaisir et ne negligerai jamais aucune Occasion de vous prouver l’attachement avec le quel.
5. Je suis tres sensible à l’honneur que vous avez bien voulu me faire de m’ecrire et de m’adresser la Lettre de mon Pere, je voudrois pouvoir vous en temoigner toute ma Recconnoissan[fol. 4v]ce, mais je me reserve le plaisir de le faire quand je retournerai en Pologne. Je me bornerai jusqu’à ce tems là à vous prier de m’honorer de vos bontés et de vous prier de me faire la faveur de m’ecrire, et de continuer à m’adresser les Lettres de mon Pere, je vous serai infiniment redevable. Je voudrois avoir quelque chose de Nouveau ou plutot de particulier à vous mander, si vous avez ici quelque Connoissance à cultiver ou quelque chose à m’ordonner, je vous prierai88 Ms. prirai de ne pas m’epargner. Je n['ai] pas99 Ms. ne pas
avantage de vous connoitre particulierement, mais je serai charmé de pouvoir [...]1010 Ms. forme incompréhensible : foumenter ?
entre nous deux une Amitié. Je vous prie d’etre persuadé de ma Sincerité et que vous pouvez disposer entierement de celui qui à l’honneur d’etre.
6. Ne sachant pas où vous logez à Paris, j’adresse Votre Lettre chez M. Radolinski, j’aurois voulu de tout mon Cœur pouvoir vous envoyer les Plantes que vous m’avez demandé, mais le Dessinateur qui pourroit seul les [...]1111 Ms. forme incompréhensible: avie? S'agirait-il du verbe avoir? proprement, n’en a pas à present le Tems, aussi tot qu’il les pourra, il les fera et je vous les envoye
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[fol. 5r]rai à Paris. L’Amitié que vous m’avez temoignez m’est trop pretieu[se]1212 Ms. pretieux
pour la negliger et pour ne pas vous en demander la Continuation de mon Coté. Je me forcerai par la Vivacité de mes Sentimens de la meriter et par mon Zele à vous servir de vous prouver que personne n’est avec plus d’affection.
7. Mon cher [...]1313 Ms. forme incompréhensible: Abbce?, je profite de cette Occasion pour vous assurer de mon Amitié et de mon Inclination. Souvenez-vous toujours de moi et croyez-moi. Votre ami.
Comme je ne sais pas où loge M. Scipion, vous me permettrez1414 Ms. permetterez de mettre cette Lettre dans la Votre et je vous prie tres instamment de la lui faire remettre, je vous serai tres obligé. Comme on dit que le grand General de la Pologne est mort, je vous prie de m’en marquer quelque chose de precis et si M. Potocki, qui est de la famille, en porte deuil. Marquez-moi aussi si les M. Wodzicki reviendront bientot par ici et si vous resterez encore long tems à Paris. Quant1515 Ms. quand
à moi je ne sais pas encore determine[r]1616 Ms. determine
si j’irai. Je le souhaiterai tres fort pendant que vous y etes, pour vous assurer toujours de la Constance et la Vivacité de mon Amitié que ne puisse-je vous en donner des preuves les plus evidentes. Je ne negligerai rien pour y reussir. Je vous prie toujours de me continuer [fol. 5v] vos bontés et Votre Amitié, de meme que M. votre frere1717 Ms. freres
et d’etre persuadé que je serai toute ma Vie le plus sincere et le plus fidele de vos Amis.
8. Je ne puis vous temoigner avec combien de plaisir j’ai reçu Votre derniere Lettre qui m’a fait connoitre Votre Amitié Constante et m’a renouvellé le penchant envers mes Anciens Amis. Je me fais insensible plaisir de trouver une Occasion aussi propre qu’est la Votre pour vous rendre quelques agreables Services, je vous estime tant, qu’il n’est rien que je ne veuille entreprendre pour l’Amour de Vous. Je vous envoye une Lettre pour mon cher Pere, en la quelle je fais tout mon possible pour vous donner un favorable accueil au pres de Lui et pour vous recommender, les bonnes Causes ont besoin d’appuy et la Justice veut sollicitoit1818 Syntaxe perturbée.. Je ne doute point que mon cher Pere ne fasse pencher du Coté de la Justice, mais pour affermir davantage ce penchant, il est bon de l’exciter par cette Voye, c’est pourquoi j’espere que par son Naturel envers Moy et par l'equité de Votre Cause, il accomplira mes desirs.
9. Je sors d’une Maladie assez considerable, je vous sacrifice les premiers instants de ma Convalescence pour vous presenter mes profonds respects à M. Mniszek. Je ne peux qu’adresser des Vœux au Ciel pour le prompt retablissement de Sa Santé, si mes prieres sont agreables au Seigneur, je jouirai bientot du bonheur de leur1919 Ms. leurs voir retablir et l’assurer de meme, que vous que je suis pour toute ma Vie avec touts les respects qui vous sont dus.
10. Bien des raisons m’ont privé jusqu’à present de la satisfaction de vous ecrire, la principale est mes frequentes indispositions et d’a[i]lleurs2020 Ms. d'alleurs, j’ignorois si vous feriez encore un long Sejour à Paris, mais j’apprends aujourd'hui que vous y resterez encore quelque tems et je suis médiocrement retabli, rien ne peut donc à present m’empecher de m’informer de vos Nouvelles, si vous amusez bien à Paris, et si vous y comptez rester encore long tems, j’ose me flatter que vous voudrez bien vous charger de presenter mes respects à M. le Comte Mniszek et, si vous voulez vous donner la peine de me repondre, vous m’en donnerez des Nouvelles. Si je peux vous etre bon par ici à quelque chose, disposez absolument de Moi, je serai trop charmé de trouver une Occasion de vous assurer que je suis avec toute l'amitié et l'Estime possible.
11. J’ignorois jusqu’ici que vous avez quitté la Pologne, un heureux hazard vient de me l’apprendre, une Lettre de votre Sœur m’est tombé entre les Mains, qui vous es[t]2121 Ms. es adres[fol. 6v]sé à Paris où à Luneville. J’en rends grace au hazard, mais il seroit bien plus de mes amis s’il me procuroit le bonheur de vous voir dans ce Pays ici, puisque je pourrois vous assurer que personne n’est avec plus d’amitié et Consideration que Moi.
12. On m’a rendu Votre Lettre à l’hotel et comme je n’imaginois pas que vous fussiez dans ce Pays ici et, par Consequent, y etre le Seul de mon Nom. Je l’ay decacheté dans l’innocence de mes attentions, j’ose compter que vous ne trouverez mauvais.
13. Je sais trop à quoi mon devoir m’oblige et j’ai trop des plaisirs à m’en acquiter pour manquer une Occasion aussi favorable que celle qui se presente, pour vous assurer de mes tres humbles respects et vous prier de me conserver toujours l’honneur de Votre Protection, et de vos bontés dont je connois tout le prix. Je vous prie d’en etre persuadé que je suis avec tout le respect et la Soumission possible.
14. Je ne puis passe[r]2222 Ms. passe de plus doux moment que ceux que j’employe à penser à vous, quoique vous fassiez eloignez de Moi. Je suis toujours avec vous, mon Amitié va vous chercher dans mon Cœur et là, je vous y proteste que Votre Amitié pour Moi me sera [fol. 7r] toujours plus cher que toutes choses au Monde, vous y mette[z]2323 Ms. mette
continuellement present à l’Idee, enfin tous mes soins ne tendent qu’à me voir auprès de Vous, que mes Vœux ne sont-ils exaucés avec quel plaisir, ne vous repeterai-je pas mille fois, que rien au Monde ne sera jamais capable de me faire renoncer à la douceur de notre Amitié. Aimez-moi seulement autant que je vous aime et je serai au Comble de mes souhaits. Je vous prie d’etre persuadé de la Sincerité de mes protestations et d’assurer M. votre frere de mes profonds respects, en le priant de se souvenir toujours d’un Ami qu’il ne partage sa Tendresse pour lui qu’avec vous.
15. Voulez bien, Mon cher Comte, me permettre qu’après vous avoir assuré de nos tres humbles respects, nous vous donnons en meme tems des preuves de nos progrès dans la langue françois. Il est vrai que dans toute autre Occasion, nous serions bien embarassé d'exprimer nos Sentimens, mais quand il s’agit de vous faire connoitre ceux dont nous sommes remplis pour Vous, rien ne nous paroit difficile, puisque c’est le Cœur qui nous le dicte, à qui les termes d’aucune langue ne manquent jamais lors qu’il parle à une Personne pour la quelle il a autant d’attachement et de Respect comme nous en avons pour vous.
[fol. 7v] 16. J’ose assez compter sur les bontés dont vous m’honorez pour esperer que vous me pardonnerez la Liberté que je prends de vous ecrire et vous faire agreer mes tres humbles respects, en vous priant de me conserver l’honneur de Votre Protection dont je puis me flatter, que je connois le prix mieux que personne. Je vous donne pour Nouvelle que M. Wiklinska est accouché hier d’une fille et que je sais de tres bonne parte que M. Wiklinski vous suppliera de la tenir sur les fonds de bapteme, il se trouvera tres flatté et tres honoré, si vous jugez apropos, il attendra2424 Ms. attendera vos ordres pour la faire baptiser. Quant à moi, j’attends avec impatience votre retour qui me procurera encore une fois l’honneur de vous faire ma Cour en France et de vous assurer que je suis avec touts les respects qui vous sont dues.
17. Je prends la Liberté d’assurer de mes tres humbles respects son Excellence M. Votre Mari. Je suis tres sensible à la grace qu’il vous a plu2525 Ms. plut de m’honorer de Votre Recommendation à M. le Duc Ossolinski et meme par deux Lettres. Je puis vous assurer que j’en conserverai une reconnoissance eternelle et que [fol. 8r] je tacherai de meriter par ma Conduite et par tout ce qui dependera de Moi. Je sais à meme tems que vous me comptez de trois d’amitié dans le tems meme où je l’attendois le moins, c’est ce qui me ravit. J’ose vous supplier de me continuer vos graces. Je n’en abuserai jamais et me flatte que vous ne serez jamais faché d’avoir eté mon Protecteur pour Moi. Je me montrerai toujours le plus respectueux, le plus obeissant et le plus soumis.
18. L’Eloignement du Pays m’ayant privé de Votre presence aussi bien que de la Satisfaction d’etre amené de gagner vos bontés ce qui me seroit tres agreable. Excusez [...]2626 Ms. forme incompréhensible: dou moins M. la Liberté que je prends de vous incommoder, en vous adressant ces lignes et en y exprimant la Recconnoissance que je vous dois pour tant de bontés, dont vous m’avez comblez au dessus de mon Merite. J’espere M. que la Nouvelle que je vous marque ne vous sera pas desagreable, vue les bontés que vous avez pour Moi. C’est que depuis votre arrivé dans ce pays ici, je jouis grace à Dieu d’une parfaite Santé la quelle pareille accompagnée des heureux Succes, je vous souhaite M. de tout mon Cœur et, en vous priant tres humblement, de me conserver Votre Souvenir et vos bonnes graces. C’est dans cette esperance que je fais un profond respect.
[fol. 8v]19. J’ai eté aussi sensible à notre Cruelle Separation qu’on peut l’etre. Je voudrois pouvoir vous exprimer toute la douleur que j’en aye ressenti, vous connoitriez facilement combien mon Amitié pour vous est tendre et sincere. Je vous supplie d’etre persuadé que personne au Monde ne connoit mieux le prix de Votre Amitié que moi, que je vous aimerai tant que je serai capable de Sentiment et que la Mort seul sera capable de me faire renoncer aux doux plaisirs de vous aimer et d’etre aimé de vous. Je regarderai toujours Votre Amitié comme Une de mes plus glorieuses acquisitions et je me forcerai de la meriter par mon Zele parfait et mon attachement sans bornes, mais, peut-etre, ne serois-je jamais assez heureux pour trouver une Occasion favorable de vous en donner des preuves convaincantes, exigez en don M. et vous jugerez par mon exactitude et mon Zele à vous servir de la Violence de mon Amitié pour vous. Rien ne peut me consoler de votre absence, les divertissemens du Carnaval ont été insipi[d]es2727 Ms. insipites pour moi. Je n’ai gouté purement aucuns plaisirs, je vous cherchois toujours, mais je ne vous trouvois que dans mon Cœur, là je vous y abordai avec ce plaisir si vif que l’on [fol. 9r] ressent quand on voit quelqu’un que l'on aime veritablement. Une preuve convaincante du regret que j’ai eu de vous quitter, ce que je ne me suis apercu qu’à Luneville, que j’ai été avec un Dinozelle, dans toutes autres Circonstances, j’aurois tacher de lui temoigner le plaisir que j’avois de voyager avec elle et j’aurois tacher de l’engager à me faire passer un Moment agreablement pour ce qui regarde mon Voyage à Paris. Je vous proteste que j’attends, avec bien des transports, l’impatience, l’heureux un Moment de mon depart. Quel joye n’aurois-je pas d’y aller me joindre à vous et vous y jurer de vous aimer toujours, mais ce seront les Nouvelles que je receverai de mon Pere, qui determineront le jour de mon depart. Je suis charmé que vous soyez arrivé2828 Ms. arriver
heureusement à Paris. Rien n’egale le plaisir que j’aye de savoir que vous vous y amusez bien. Je souhaite que rien ne puisse interrompre vos plaisirs. Je me suis acquité avec plaisir, par rapport à vous et par rapport à moi, de l’agreable Commission dont vous m’avez chargez pour Madame, j’ai l’honneur de l’embrasser, elle a eté tres sensible à l’honneur de votre Souvenir, de meme que M. mon Ami se distingue par son empressement à savoir de vos Nouvelles, il se reccommende toujours à l’honneur de votre Amitié et Messieurs vos freres aux quels il presente ses respects. Pour moi tripler expressions ne seront pas souffis pour vous temoigner toute l’Amitié et la Sincerité avec la quelle j’ai l’honneur d’etre. [fol. 9v]
Le plaisir que j’ai de voir que vous vous souvenez de Moi me touche sensiblement. Je vous assure que vous n’avez pas affaire à un ingrat car personne n’est avec un plus vif attachement.
20. Combien ne voudrois-je pas etre apporté de recevoir vos tendres Caresses et vous comblez des marques les plus sinceres de mon attachement pour vous, mais je suis obligé de me borner aux protestations les plus vifs de la Consideration avec la quelle.
21. Je recu de votre part des Complimens qui me flattent beaucoup de me voir encore dans votre Souvenir. Je ne puis trop cherir2929 Ms. cherire Votre Amitié et vous rendre tout mon Estime, c’est ce qui fait que je vous ecris ces lignes pour vous assurer que je suis toujours, avec un attachement inviolable, le plus sincere de vos Amis qui beaucoup de part à ce qui vous regarde et sur tout au plaisir que vous recevez dans Votre Nouveau Sejour, ainsi l’on m'a dit que deviez bientot passer par Luneville. Je me faisois un grand plaisir de vous voir, mais comme vous avez changé de dessein, je n’ai plus cette flateuse esperence. Etant accablé des Maladies, je retourne en Pologne et avant que d’entreprendre ce Voyage pour vous faire mes Adieux et vous prier de ne pas oublier celui qui se dit.
22. Vous m’aurez sans doute accuser de negligence de ne vous avoir pas ecrit depuis long tems, je puis aisement me justifier : une disposition assez enraciné[e]3030 Ms. enracine m’a privé du doux [fol. 10r] plaisirs de vous donner de3131 Ms. des
mes Nouvelles, vous me direz peut etre que j’aurois pu emprunter la plume de quelques Amis, mais je vous repondrai3232 Ms. reponderai
que je ne voudrois jamais me desister du plaisir de le faire moi meme, d’a[i]lleurs3333 Ms. d'alleurs
je comptois tous les jours etre retabli, mais je comptois mal. Je me rejoui de recevoir de vos Nouvelles pour savoir comment vous vous portez-vous et vos freres, comment vous vous amusez et si vous souvenez encore de Moi. J’aspire toujours au bonheur de vous voir, mais helas, quand viendra ce Tems heureux, quelle Action de graces ne renderois-je pas au Dieu, s’ils exaucoient mes Vœux sans doute que vous partageriez le bonheur avec moi, le plus grand plaisir que j’aye de penser que vous m’aimez toujours, que vous parlez quelque fois de moi. Quant3434 Ms. quand
à moi, je vous proteste qu’il n’y a aucun jour que je ne pense à vous et je ne voudrois pouvoir vous donner des preuves convaincantes de ma Tendresse pour vous, et du parfait attachement avec le quel je suis.
23. J’ai recu les Sonates que vous avez eu la bonté de m’envoyer, elles ne sont de M. Leclain, comme je vous les avez demandé en premier instant [...]3535 Ms. forme incompréhensible: cantemoine ?, elles sont pour la floutte et c’est à peu pres le meme chose. Je ne puis trop vous remercier de Votre Exactitude à m’obliger, je vous soupplie d’exiger de moi tous ce dont vous me croirez capable vous jugerez par mon Exaltitude à vous servir de ma Sensibilité pour vos bontés et de mon Amitié, que rien ne pourra jamais alterer trop heureux de pouvoir mo[fol. 10v]ins diminuer envers vous du Service que vous avez bien voulu me rendre. Je voudrois pouvoir vous exprimer les doux plaisirs que je goute lorsque je recois, vos Lettres plut à Dieu, qui les puissent etre assez longs et assez frequentes pour me consoler de Votre absence, mais helas, foible Consolation, je n’aspire qu’au bonheur de vous voir et vous protester avec toute l’amitié possible que je suis.
24. Je recu Votre Lettre, je ne vous dirai pas tout le plaisir qu’elle m’a fait. Vous pouvez l’imagine[r]3636 Ms. imaginez aussi, ai-je eté prompt à vous repondre, celui qui rendra3737 Ms. rendera
ma Lettre est un pauvre garcon polonois de plusieurs de nos Messieurs avec les quelles il a etudié. C’est un garcon d’esprit, je vous le recommende. Ce que j’ai d’agreable à vous dire, ce que je suis toujours le meme et que j’aspire toujours au bonheur de vous joindre.
25. Je n’ai le tems pour vous ecrire actuellement que ce qu’il en faut pour vous prier de remettre cette Lettre ici à M., au cas qu’il soit absent, vous la remettrez. Si M. Potocki est à Paris, faites-moi la grace de marquer quand vous m’ecrirez, s’il retournera bientot en Pologne et si passera par ici. Il n’est me resté du tems que pour vous remercier de tous les Complimens que vous avez eu la bonté de me faire. Je vous prie de m’honorer toujours de Votre Amitié et d’etre persuadé que rien au Monde ne sera capable d’alterer les tendres Sentimens que j’ai pour vous, et que je serai toute ma Vie avec tout l’amitié que vous me connoissez. [fol. 11r]
26. J’ai pensé que vous m’avez efacé de Votre Memoire et je m’en sois trouvé scandalisé, et je vois quel est mon tort, vous aviez bien autre chose en tete que vous en donner des occupations beaucoup plus serieuses : faire l’Amant, passer un Contract, epouser une jolie femme, toutes ces choses ne sont pas de peu de Consequence. Je vous en fais mon Compliment de felicitation et beaucoup de Vœux de prosperités, mais ce n’est que dans l’Esperence que vous vous remettrez3838 Ms. remetterez que vous avez un frere qui vous aime tendrement, ainsi que Votre chere Epouce, ma belle Sœur, à qui je m’assure de mes profonds respects et que vous3939 Ms. et que vous et que vous
daignerez m’en donner des preuves par une reponce qui me confirmera Votre Affection pour le plus respectueux.
27. Je ne puis trop etre attentif à vous donner des preuves de mes profonds Soumissions ainsi que de ma parfaite reconnaissance, je me suis hazardé de le faire dans la langue françoise afin de vous donner mieux à connoitre mon Sincere Attachement par quelques termes nouveaux pour moi qui puissent vous expliquer avec plus de force mon respectueux devouement. Je sçai que cette langue m’est encore bien etrangere et que je ne la possede que tres imparfaitement. Il est vrai que tous mes Exercices differents ne me permettent pas d’aller plus vite. C’est ce qui fait que je vous prie d’obtenir de mon cher Pere la Permission de rester en[fol. 11v]core quelque tems dans ce Pays afin que j’y puisse acquerir plus de perfection et que je sois plus digne de bontés que vous avez pour moi et de la qualité que je porte d’etre.
28. Le Moment de notre Separation a eté un de plus triste pour Moi. Combien Votre agreable Compagnie m’a comblé des plaisirs et de Contentement, autant Votre Absence fournit des chagrins et de Melancolie. Un Ami comme Vous n’est pas si facile à trouver. Vous partagiez par un pur effet de Votre bonté toutes mes peines. Les plus grands divertissemens me deviennent insipides si je les dois gouter sans vous. D’une telle perte rien ne pourroit me dedomager, si je ne me consolois pas d’en recouvrir à Votre Arrivé. Cependant, pour ne pas faire languir mes desirs et mes souhaits dans Espace de ce tems là, aggreez que je vous assure par celle-ci de mon attachement inseparable pour Votre Aimable Personne.
Touchant Notre Voyage et notre Sejour à Paris, je vous mande que nous y sommes arrivé 23 du Courant et nous debarquames à l’hotel un de plus mauvais. Nous y restames que deux jours nous trouvames l’hotel. Apres avoir été [...]4040 Ms. forme incomprehensible, nous cherchames l’honneur de voir M. W. et nous sommes une Amitié etroite avec Eux. Pour Votre Commision je me suis acquité au mieux, en remettant les Lettres de M. Je leur fis Vos Complimens et je vous ai ex[fol. 12r]cusé de n’aporter point de Vos Lettres, ajoutant que ce par ma faute que je les ai oublié prendre, qui etoient déjà resolu dans mes Mains et ils sont tres persuadé et fort de Vos Amis. C’est avec Nos Compartiots qui nous nous sommes devertie les Restes de Carnavale tantot à l’Opera, tantot à la Comedie, tantot au balet dans les autres Compagnies. Nous y sommes bien, rien ne nous manque que Votre personne, venez y donc, depechez-vous et vous verrez que nous nous jouirons à merveille. Permettez à present de vous charger de mes Complimens, assurez de mes respects, embrassez le plus tendrement Madame, mais ajoutez de ma Part à la françoise. Il me semble que cette Commission ne vous fachera pas et que vous vous en acquiterez au mieux.
29. Je dois commencer cette Lettre en vous priant de me pardonner si je n’ai pas repondu plutot à celle que vous avez eu la bonté de m’ecrire et vous exposer des raisons qui m’ont privé de ce plaisir. C’est le Voyage de Compagne. Nous avons eté obligé d’y rester quelques jours et, apres notre retour, d’aller à Versailles. Voila donc des Excuses Solides et Veritables. Je ne doute pas que vous ne les acceptiez et que vous ne soyez persuadé de mon sincere attachement. La Lettre adressée à M. L. lui a eté remise ponctuellement. Vous me [fol. 12v] faites tort de me la recommander avec tant de Soin, car rien ne peut me prouver plus le plaisir que d’executer Vos ordres et de vous prouver que je veux toujours me preter à vous rendre Service qu’à Votre Ami. Je ne peux pas vous dire positivement pour quel Pays nous nous deciderons. Voila tout ce que j['ai] à4141 Ms. je à vous ecrire si ce n’est que dans quelque endroit que je me trouve. Je ne me departirai jamais des Sentimens pleins d’Estime avec.
30. Il est facheux de ne pouvoir peindre le Sentiment avec les Couleurs qui lui sont propres. Vous connoitriez combien je suis penetré de la Reconnoissance, ce pour le gracieux4242 Ms. gratcieux Souvenir que vous me conservez. Je sens bien que dans tout ce qu’il regarde l’amitié Sincere et l’attachement Involable pour Vous, mon Cœur est plus avancé que mon Esprit et j’espere que sans le temoignage des paroles fastueuses, vous me croirez toujours de vos plus intimes Amis.
Etant eloigné de vous, je me suis nourri par l’Esperence de vous y voir quelque jour. Mais à prensent d’y partant le pour4343 Syntaxe perturbée. Pologne, je suis au desespoir de n’avoir pas aucune Nouvelle de Votre Sejour à Luneville, d’autant plus que M. m'a dit que vous y comptez rester jusqu’à l’accomplissement de [fol. 13r] trois ans, au quel tems me paroit long et ennuyeux, que je passerai sans vous, accomplissez-les, je vous conjure. N’allez plus à Paris, retournez au plutot en Pologne et disposez Votre Voyage par la grande Pologne […]4444 Forme illisible.
de Jarocin et vous y trouverez Celui qui a l’honneur d’etre.
31. Je ne sais à qui attribuer la faute de ne pouvoir vous faire tenir jusqu’ici les Sonates qui, depuis une Semaine, se reposent dans ma chambre, quoi qu’elles fussent tout à fait disposée à faire un Voyage. On pouvoit pas trouver l’adresse ou mon laquais maladroit. Si vous les trouverez à votre gout, ordonnez en davantage et vous serez obeir avec bien de plaisir mes Complimens à tous Mesi ou vous jugerez à propos je prend[s]4545 Ms. prend la liberté de vous incommoder.
32. Il avoue que les Expressions dont vous vous servez, en m’honorant de vos Nouvelles, sont si obligeantes que je manque de termes pour vous en marquer ma Recconnoissance. On temoigne par des Paroles le ressentiment qu’on a des bontés ordinaires, mais il n’y a que le Cœur qui puisse bien rendre nos Veritables Sentimens et c’est dans le fond du Mien qu’il faudroit voir ce qui s’y passe à Votre egard. Pour vous en donner quelques Idées, j’ai l’honneur de vous assurer qu’il vous est entierement [fol. 13v] devoué et qu’il est plein d’Estime et de Tendresse pour vous. L’Indisposition qui vous a empeché de m’ecrire plutot m’inquiete extremement et je ne puis etre tranquile que par la Nouvelle de Votre parfait retablissement que je souhaite avec la plus vive passion. Vous me demandez si je ne vous ai pas oublié et si je parle quelquefois de Vous. Soyez pesuadé que je n’ai rien à me reprocher là dessus et que vous etes continuellement le Sujet de mes pensées et de mes entretiens. A la seule Vue de cette Esperence que vous me donnez dans votre Lettre de venir en Pologne, mon Cœur tres sailli4646 Ms. saillie de joye et semble faire déjà des efforts pour pouvoir aller au depart de Vous et pour s’abandonner aux transports et aux Embrassemens les plus passionnées qu’il vous prepare, et qu’il se flatte de recevoir mutuellement de vous, que le Ciel ve[u]ille4747 Ms. veille
favoriser vos intentions, et qu’il exauce mes Vœux que je fais toujours à cette Occasion. Ces Messieurs à qui je ne manquai pas faire vos Complimens vous assurent de son Amitié. Mon depart n’est pas encor tout à fait décidé, mais je me promets pourtant de partir à la fin de ce Mois pour Hollande, je balance encore où aller à present, mais j’espere que je me resouderai prendre le chemin de Luneville. Renouvellez, je vous prie, mes [fol. 14r] Complimens à toute la bande Polonoise, à Moni et Mod. et recevez ce que je vous envoye de la part que vous parlent la meme langage que moi pour vous assurer de leur Amitié.
33. Dans le meme Moment où j’ai eté dans une reverce profonde apres le depart de mes Amis, j’eus l’honneur de recevoir Votre Lettre. Je ressentis dans ma Tristesse quelque Soulagement, en lisant des assurances pleines de bonté, que vous me donnez de la Continuation de Votre Amitié, conservez-la. Moi, je vous souplie, car je suis le Votre de tout mon Cœur et je ne cesserai de l’etre à jamais. Vous nous conseillez de rester à Paris jusqu’à l’accouchement de Madame la Dauphine et c’est pour avoir l’honneur de voir notre Roi Stanislas, rien ne peut etre plus flatteur pour Moi, mais mes affaires me rappellent indispensablement en Pologne et il faut encor voir quelque Pays. Si non Italie, c’est au moins la Hollande et ensuite, le Sejour de Paris coute extremement et je m’ennuye n’ayant aucune esperence de vous y voir. Il est donc mieux de retourner dans la Patrie où nous nous verrons plus facilement et où nous renouvellerons ces Protestations de Tendresse avec les.
34. La memoire ayant pour mes Amis son Siege dans le Cœur, je n’ai point oublié que c’etoit demain Votre Zele et que l’usage, et plus encore Amitié exigoit de Moi que je vous donnasse quelque marque de Zele. Pour m’acquiter donc envers Vous, je vous presente l’hommage d’un Cœur [fol. 14v] qui desire sincerement que tous les jours, Comme Celui de Votre Naissance, soyent pour des Vrais jours de Fetes. Puissez-vous sur tout jouir de la Santé parfaite et voir la fortunne prevenir et combler en touts vos desirs.
M. arriva à Paris en parfaite Santé 22 Courant, il vous assure de son Amitié et demande la Continuation de la Votre. M. Wodzicki vous parlent le meme langage, Leur depart est encore prolongé ce qui nous font bien de plaisir et j’espere que nous les retiendrons encore plus. Veritablement, ce sont de Cavaliers qui se font aimé, et avec qui nous sommes lié une Amitié etroite. Rien ne nous manque pour comble[r]4848 Ms. comble de nos Souhaits que Votre presence, mais helas je prends l’Esperance de Vous y voir, puisque jusqu’à present je n’ai rien de Vous qui m’assura de ce plaisir dont je saurai profiter par tous mes Soins. Je vous soupplie de m’informer de Vos Intentions et de vos Nouvelles de Pologne si repondent à nos desirs et si je peux me flatter de vous dire de ma bouche.
35. Rien ne peut etre plus flatteur pour Moi que la Votre dont vous avez eu la bonté de m’honorer. Tant d’expressions obligeantes que j’y trouve me font rougir, ne pouvant me rien rappeller que je puisse faire pour les meriter sinon le desir, le plus sincere devoir pour voir rendre mes Services. Et c’est ce qui me forcera de vous donner des preuves les plus convaincantes de ma Re[fol. 15r]connoissance pour que je fasse voir comme je distingue le Prix de Votre Estimable Amitié. Heureux moment qui m’en presentera l’Occasion à Votre Arrivé, c’est alors que mes Vœux seront accomplis, mes desirs satisfaits et mon Cœur plein des transports de Joye vous manifestera les Vrais Sentimens qui y sont renfermés pour Votre Estimable Personne. Cependant pour ne pas me faire languir, agreez que je puisse, par mes Lettres fidelles, Interpretes de mon Cœur, vous renouveller tout ce qui s’y augmentera à chaque Moment à Votre egard.
Les Sonates, les meilleures que je puisse rechercher, je remets selon Votre Adresse, pour les faire tenir et pour montrer l’attention avec la quelle je veux m’acquiter de vos Ordres. Donnez-m’en toujours, commendez, ordonnez, disposez et vous serez punctuellement obei, touchant notre Sejour. Premierement, je vous avertis que nous nous sommes delogé où nous trouvames plus de Commodité et de places pour nos Exercices.
Je vous demande pardon de tous les defauts que vous trouverez dans cette Lettre, car je l'ecris4949 Ms. la ecris à la hate, etant occupé continuellement par nos exercices, il faut voler le tems, voulant faire quelque chose. Je m’en corrigerai dans les autres que j’aurai l’honneur à Vous adresser. Je fais les Complisements le plus sinceres à toute la bande Polonoise, à Madame, redoublez la Maniere francoise et assurez de mes respects, mon frere parle le meme [fol. 15v] langage à tous les Messieurs. Je finis Ma Lettre avec cette assurance que plutot ma Vie que ces Sentimens se finiront avec.
36. La Reception de la Lettre obligeante dont il vous a plu m’honorer, flatte trop sensiblement mon Amour propre, pour etre moins affecté que je ne le suis de ce trait d’Urbanité et de bonté prevenante de Votre part. Comme une telle façon d’agir qui fait si bien sentir tout ce que vous etes M. et par Naissance et par les qualités du Cœur et de l’Esprit, Vous acquiert un juste droit à ma Reconnoissance, agreez-en, je vous prie, les temoignages dans les tres humbles remercimens que je vous fais et les assurances sinceres de mon Estime et Consideration distinguée pour Votre personne.
Madame trop occupée de soins, inquietudes et Consultations qui ont pour Objet la Santé et guerison de Jambe de M. vous demande mille excuses de ce qu’elle ne trouve pas un Moment de loisir et de Situation d’Esprit tranquille, pour pouvoir faire reponce à la Lettre que vous lui avez fait l’honneur d’ecrire. Ils sont tous deux tres sensibles à Vos politesses et me chargent de [fol. 16r] vous presenter leurs remercimens et Civilités. Quelques Mois se passeront encor avant qu’ils puissent quitter Paris. Quant à moi, je suis sur mon depart, comptant dans trois ou quatre jours me mettre en chemin, pour revenir en Pologne où mes affaires particulieres me pressent d’aller. Je suis encore tres indecis sur la route que je dois prendre, celle de Metz, etant la plus droite et abregeant mon chemin d’une certaine de lieues. Je prends M. toute la part imaginable à Vos Indispositions et, en faisant de Vœux pour l’affermissement et durée de Votre Santé, j’ai l’honneur d’etre avec autant d’attachement que de Consideration.
37. La peine est trop grande de ne point en etre touché, je l’ai ressenti au Moment de Mon depart, n’ayant pas eu le Contentement de vous faire mes derniers Adieux et le plaisir de vous embrasser la derniere fois, vous ne me le prendrez pas en mauvais part, puisque je n’en ay pas eté le Maitre, c’est pour me recommander à Votre Souvenir et pour m’en serrer dans [fol. 16v] Votre Cœur que je vous ecrive la presente qui vous servira de Marque de reconnoissance Vos bontés, je voudrois pouvoir vous faire voir en effet avec combien de respects et Soumission je suis.
38. J’ai saisi avec un Empressement et un plaisir extreme l’occasion qui me procure le renouvellement de Votre Zele et de cette année pour vous reiterer mes assurances de Tendresse et de respect, et vous faire part des Vœux que je fais pour Vous, ils sont sinceres et rien ne vous manqueroit pour etre heureux, si le Succes repondoit à leur Sincerité, permettez que Mad. Votre Epouse trouve ici l’assurance de mes profonds respects et mon Complissement sur la Nouvelle Année. J’ose esperer que vous voudrez bien m’honorer l’un et l’autre de Vos bontés qui me sera toujours pre[c]ieuse5050 Ms. pretieuse, vous ne pouvez sans injustice la refacer à celui qui a l’honneur d’etre dans les Sentimens les plus respectueux et les plus tendres.
39. Ce n’est pas sans beaucoup de chagrin que je viens d’apprendre par une [fol. 17r] Lettre que mon Ami m’a ecrit que vous le traitez d’une Maniere à la quelle je ne m’etois point attendu de votre part, apres m’avoir donné des assurances du Contraire, ma fois, je n’etois imaginois qu’en ma Consideration, vous aurez des egards pour lui, mais je n’etois pas plutot parti que vous avez livré Votre Cœur et Votre Tendresse à un homme dont l’Amitié ne m’est aussi chere que celle de mon Ami. Faites-y Attention Mad. Comment vous changerez des Amants tous le Mois, il faut que vous soyez bien volage, pour ne pas dire ingrate, puisque vous fait[es]5151 Ms. fait voir tant de desobeissance à celui qui, tout eloigné qu’il est, se souvient de Vous. Revenez donc des graces de vos egaremens, songez, s’il vous plait, que personne ne merite mieux de me remplacer, si ce n’est mon Ami. Que je sois honteux de l’indifference que vous avez pour lui, apres lui avoir cedé touts les droits que j’avois sur Vous, je vous conjure qu’il en jouisse et vous me ferez plaisir de vous y soumettre. A la premiere Occasion, je vous envoyierai tout ce que vous m’avez demandé par Madame, mais ce ne sera qu’en faveur de mon Ami et qu’à Condition que vous l’aimerez toujours. Je crois que vous etes curieuse d’apprendre comment je m’amuse à Paris, je vous mande que ma Santé se retablit, mais j’attribue ce prodige à l’amour que j’ai pris pour une jolie Fille ici. Il est impossible de vous depeindre au vrai tous ses agremens car elle est belle au Souverain degre et c’est depuis la Tete jusqu’aux pieds. Elle est à peu pres de Votre age, son Teint qui est [fol. 17v] le plus beau du Monde, brille de roses et de Lis, ses yeux sont noirs d’une Vivacité et d’un eclat à toucher un Cœur moins tendre et moins sensible que le Mien, sa gorge et d’autres charmes secrets sont d’une beauté si active que je me crois le plus heureux du Monde que vous dirai-je de Sa Tendresse pour Moi elle va jusqu’à l’excès en un Mot, jusqu’à vouloir me suivre au de là du Monde, aussi je l’amenerai dans mon Pays, car il m’est impossible de vivre sans elle, et il n’y a qu’elle qui est capable de me procurer tous les bonheurs imaginables. Vous la verrez deguisée en homme car je crois repasser par Luneville, mais je vous prie de n’en rien dire à personne, je vous fais cette Confidence en Consideration de notre Amitié dont je vous promets de me souvenir toujours. Dans le tems que je vous ai ecrit, ma Maitresse m’a arraché cette Lettre mais loin de s’en facher, elle a bien voulu me faire plaisir de vous ecrire de sa propre Main et de vous faire son Compliment.
Etant instruite par Celui qui vous ecrit de Votre Merite, je ne peux pas m’empecher de vous assurer de mes respects, en vous priant de vouloir bien le recevoir de bonne grace je suis au [...]5252 Mot incomprehensible: resec?.
40. L’Amour qui conduit ma plume prendra, s’il lui plait, le Soin de vous marquer la tendre affection ainsi que le respectueux Sentiment qu’il a fait naitre dans mon Cœur pour la personne la plus aimable et la plus accompli qui soit sur la Voute du Ciel. Je l’aimé sans oser esperer [fol. 18r] un tendre retour de sa part, oui Cette adorable à mon Cœur, je n’en sois plus le Maitre deignez dont Mado. lui conseiller de m’etre favorable, vous la connoissez, le dirai-je enfin oui, c’est vous-meme, c’est vous que j’adore et c’est vous à qui je veux etre toute ma Vie.
41. Je rempli ma parole et degage ma Promesse en vous ecrivant, si j’ai tant tardé à le faire, ce n’est point que je recule à payer mes dettes, mais j’ai attendu pour y parvenir des Moyens dignes d’etre reçus, c'est à dire, que je puisse, par la langue françois, vous donner des preuves de mon parfait attachement. Voila par où je commence à remplir mon devoir, ainsi que je me sois engagé de le faire dans l’esperence que vous daignerez m’honorer d’une reponce et que, par elle, j’apprends l’etat de Votre Santé. Pour ce qui est de Moi, il n’y a rien de plus certain que ma respectueux affection pour vous et que je sois tres sincerement.
42. J’ai eté bien desesperé de n’avoir pas pu vous tenir la Parole que je vous avois donné d’aller hier chez vous, cela n’a pas eté absolument possible, j’en suis inconsolable. Les Messieurs avec les quelles j’etois, m’ont entrainé malgré moi de Nancy, mais que je me suis bien repenti5353 Ms. repentir d’avoir cedé à leurs instance[s]5454 Ms. instance
lorsque je pense au plaisir que j’aurois eu de vous voir ou Md. c’est le seul plaisir au quel je serai desormais sensible, l’Amour a reunit en vous tous mes Desseins, mes desirs, [fol. 18v] et mes plaisirs, je compte dans 15 jours au plus tard pour aller à Nancy vous y voir et vous y protester que je suis.
43. Ne me condamnez point Mad., quoique les apparences me font digne de Votre ressentiment. Vous croyez sans doute que je sois homme sans foi, ayant manqué à ma parole que je vous ai donné. Il y a plus de vingt5555 Ms. vintg fois que je vous cherche dans tous les endroits sans vous trouver et, quoique j’ai l’honneur de vous voir au Bosquet, il y avoit des Obstacles à vous parler, puisque vous n’etiez pas seule. Aimez-moi car je le merite bien, puisque on a decouvert notre intrigue en allant et on a rapporté au Commendant, de sorte qu’il y avoit de l’impossibilité à vous satisfaire dans ce que vous avez voulu, d’ailleurs, sachez que je pars à mon Pays, j’ai reçu une Lettre qui m’afflige, c'est à dire, que Mon Oncle est mort, je serais déjà parti si mon Argent etoit venu que j’attends à chaque Moment. Je vous jure que je ne partirai point sans vous donner des Marques de ma toute Reconnoissance possibles, je ne sois pas un ingrat, mais je veux reconnoitre Votre Complaisance que vous avez eu pour Moi et de pouvoir à Votre Necessité, de que j’aurai reçu Mon Argent, vous serez la premiere à qui je ferai du bien. Et si je savois que je vous trouvasse disposé de partir avec Moi, il n’y a rien que je ne fasse pour Vous. Si vous m’aimez, trouvez-vous à sept heures aujourd’hui chez vous, nous dirons [fol. 19r] nos Sentimens là dessus je suis.
44. Ces Messieurs sont partis d’ici satisfaits et contens des plaisirs qu’ils ont eu ici. Je les ai reconduis jusqu’à Nancy et M., ils m’ont encore chargé avant de partir de vous faire des Complimens à tous lorsque je vous ecrirai, et vous assurer qu’en quittant Paris qu’ils n’avoient regretté que Vous. Je m’acquite de ma Commission si je la vois que M. Scipion fut encore à Paris, je lui ecrirai que Dessinateur me remette toujours pour l’execution du Plan qu’il vaudroit avoir du tems, s’il y est, je vous prie de lui dire, en lui faisant mes Complimens. Je souhaite que vous vous amusiez toujours bien, que vous m'aimiez toujours et que vous me croyez avec toute l’amitié que vous me connoissez.
45. Votre Merite aussi bien que Votre qualité vous rendent si recommandable et si necessaire à vos Amis qui sont toujours en etat de vous importuner. Cette Lettre vous prouvera cette Verité par la priere que je vous fais d’aider de Votre Protection celui qui en est le porteur. C’est un gentilhomme de Merite que Vous ne serez pas faché d’avoir obligé et qui n’en sera pas ingrat non plus que. [fol. 19v]
46. Tout ce qui vient de Votre part m’est fort agreable et particulierement les personnes de qualité et de Merite comme me paroit le gentilhomme que vous en avez envoyé et, en effet, il est tres honnette homme. Toutes ces Manieres m’ont extremement plu, principalement etant venu de Votre Recommandation à la quelle je tacherai de rejoindre par mes Services, j’espere qu’ils ne vous seront pas desagreables par ce qu’ils seront utiles et auront effet que vous vous promettez de votre Amitié. Je travaillerai autant que je pourrois à son Avancement et je ne doute pas que je ne reussisse en mon dessein. Je vous en ecrirai les Succès et j’employerai le peu que j'ai de Credit pour le Contentement de Votre Ami pour vous faire connoitre que je suis toujours sans reserve.
47. Je souhaiterois que vous eussiez tous le[s]5656 Ms. le jours des Commendemens à me donner pour vous pouvoir rendre à toute heure de Nouvelles preuves de mon obeissance. J’ai executé heureusement ceux dont il vous a plû de m’honorer, ce qui me fait croire que vous ne me laisserez pas long tems inutile, sans me donner quelque sorte d’employe où je puisse trouver plus de Satisfaction, y trouvant plus de peine à le faire reussir.
48. Je ne pretens pas que les remerciemens, que je vous fais de la faveur dont il vous a plu m’honorer, passent dans Votre Opinion pour recon[fol. 20r]noissance. Je me revanche seulement de Votre Civilité par ce devoir, en attendant de rencontrer quelque Occasion où je puisse vous temoigner par des Services plutot que par des paroles que je sois.
49. Je suis dans toutes les peines du Monde comment je dois repondre, je ne dis pas à tant de bienfaits, mais à une bonté qui n’a point semblable. Il est certain que le Silence me serviroit mieux que d’entreprendre d’exprimer combien je vous dois reconnoissance, mais ce seroit aussi peut etre m’exposer à passer pour Insensible, si je ne parlois apres avoir eté si genereusement obligé que je ne l’oublierai jamais. J’en conserverai le Souvenir assez vivement pour faire voir que c’est ma mauvaise fortunne et non pas ma Volonté qui m’empeche de vous faire connoitre par des effets que je suis.
50. Votre Remerciment vaut infiniment plus que tout ce que j’ai jamais eu à faire pour Votre Service et ainsi vous me faites plus de Confusion que le plaisir de faire valoir jusqu’à ce point les choses qui ne meritent pas seulement que vous y pensiez. Laissez vos Complimens et des Reconnoissances, je ne veux, s’il vous plait, que l’honneur de Votre Amitié et pour m’y conserver, je ferai toujours tout ce qui sera en mon pouvoir et que vous pouvez entendre d’une personne qui est avec toute la Sincerité et passion possible. [fol. 20v]
51. Voici les fetes qui approchent, c’est la Coutume en ces jours là de souhaiter d’heureux Succès à Ses Amis et de les feliciter, et cette Coutume m’est tellement privilegié que ce seroit choquer les droits de l’Amitié si on negligoit un devoir qui n’est pas simplement fondé sur les Maximes de la civilité, mais sur les principes de la Religion. Je prends de là Occasion de vous souhaiter un heureux Commencement d’année. J’avance un peu sur la saison, mais l’impatience est juste et vous pardonerez bien à une precipitation causée par le desir ardent de vous plaire et de vous temoigner la part que je prends à vos Interes et vos prosperités. Vos Satisfactions ne seront jamais si entieres que le desir que j’ai de vous temoigner toujours que je suis du fond de mon Ame.
52. N’avoir plus que trois jours de cette année M., c’est pour moi une obligation secrete ou plutot un Commendement exprès de vous souhaiter l’année où nous allons entrer seconde en benedictions et en prosperités. C’est le Motif de ma Lettre aussi bien que le desir de vous feliciter et de vous prier de me faire l’honneur de vous souvenir toujours de Moi. Je ne rempli[s]5757 Ms. rempli ma Lettre ni de Vœux, ni de prieres, ni de souhaits. C’est assez M. de vous avoir dit en general que je vous desire tous les biens et toutes les satisfactions qui peuvent combler vos desirs, et vous rendre heureux que je suis parfaitement.
53. Je serois coupable au dernier point si dans ce Commencement d’année [fol. 21r] où d’un Commun Accord tous les hommes se rendent l'un à l'autre de nouveaux temoignages de devoir et d’Amitié, je ne manquais à m’en acquiter envers Celui à qui j’ai apres […]5858 Ms. forme incompréhensible. les premieres Obligations. Recevez, je vous soupplie, mes respects et agreez que je vous consacre tous les Mouvemens d’un Cœur qui ne vit que par vous, et qui doit à vos exemples et à la bonne education, que vous lui avez donné5959 Ms. donner
tous les bons sentimens dont il se sent capable.
54. Comme il n’y a personne qui vous estime plus que Moi, croyez aussi qu’il n’y a personne qui prenne plus de part à votre heureux Mariage. Vous avez parfaitement bien choisi. Je souhaite qu’on puisse dire que vous avez choisi la Meilleure part et que6060 Ms. et que et que de vos deux Cœurs, il ne s’en fasse qu’un. Si cela arrive, vous aurez des Successeurs qui seront autant les heritiers de vos Vertus que de vos biens. Prenez garde sur tout que le changement d’Etat ne me fasse perdre ce que j’estime infiniment. C’est Votre Amitié que vous ne pouvez refuser à l’empressement que j’ai d’etre toute ma Vie.
55. Je vous presente les Vœux que je fais pour l’heureux Succès de Votre Voyage. Je prie Dieu qu’il lui plaise de vous conduire d’un Ail qui vous fasse franchir toutes les difficultés qui pourroient empecher l’accomplissement de vos Desseins. En attendant que j’ai le bonheur de vous revoir, je vous souplie de vous souvenir quelquefois de Celui qui vous suit de pensée [fol. 21v] et qui vous souhaite6161 Ms. souhaites toutes les prosperités imaginables etant.
56. Je vous remercie tres humblement des Souhaits que vous faites pour l’heureux Succès de mon Voyage et la bonté que vous me temoignez en cette occasion. Je ferais de pareils Vœux pour la Conservation de Votre Santé et des prosperités qui vous arrivent. Conservez-moi vos bonnes graces et me tenez toujours pour.
57. La Joye que je recois de vos prosperités m’oblige à vous ecrire ces lignes comme un temoignage de l’Obeissance que je vous dois et pour un gage de l’inclination qui me fait prendre part aux bonheurs qui vous arrivent. J’espere que ces paroles ne vous seront pas desagreables de la part d’une personne qui voudroit vous montrer par des effets qu’il [a]6262 Ms. il entierement entierement.
58. La part que vous prenez à ma fortunne m’oblige infiniment. C’est une Marque de Votre Amitié qui paroit dans toutes les Occasions qui me sont favorables, mais je suis fort confus de ne vous avoir jamais rendu aucun Service qu’il ait merité. Peut-etre serai-je plus heureux à l’avenir et pour [...]6363 Mot incompréhensible : bors ?, je vous montrerai en effet.
59. Plus vous en avez temoignez d’Amitié, plus Votre Silence m’inquie[fol. 22r]te. Je ne sais à quoi l’imputer, je crains tantot qu’il ne soit l’effet de quelque Indisposition et tantot de quelque autre Empechement dont, pourtant, je ne saurois croire qu’aucun de nous soit la Cause, car outre que je ne puis vous accuser de negligence, je n’ai de mon Coté rien à me reprocher, qui merite la peine que j’endure. Rassurez-moi donc, je vous soupplie, par des Nouvelles promesses. Tirez-moi de l’Incertitude où je suis et ne faites pas souffrir mille Maux à celui qui vous souhaite tous les biens à la fois, puisque vous savez que je suis.
60. Les Nouvelles de Votre Promotion à la charge que vous souhaitiez il y a long tems, me rendent si content et si satisfait que je ne saurois vous exprimer qu’une partie de la joye qui m’en revient. Je ne me mets point en peine de vous la persuader par un long discours. Votre Merite et notre Amitié vous le temoigneront beaucoup mieux que ma plume, elle vous fera seulement Souvenir à present que je suis toujours.
61. Je vous suis bien obligé de l’honneur de Votre Souvenir et de l’Interet que vous prenez à ma Santé. Je voudrois qu’elle vous peut etre utile et que je puisse trouver les occasions de reconnoitre l’Affection que vous me temoignez, en vous faisant voir que je suis. [fol. 22v]
62. Je vous suis trop redevable pour diffuser plus long tems à m’informer de l’etat de Votre Santé. Quoique je sache que vous etes toujours occupée d’affaires importantes, je veux pourtant bien croire que ma Lettre ne vous importunera pas autrement, je compte en cela sur Votre bonté ordinaire et sur l’amitié que vous m’avez toujours temoignez. Je serois un ingrat si au hazard de vous incommoder, je ne vous informois pas quelquefois de mes Sentimens. J’ai d’ailleurs besoin de Votre Conseil par rapport du Dessein que j’ai pris d’aller passer quelque jours à Venise où, d’ailleurs, je n’ai pas resolu de faire un long sejour. Je vous prie d’avoir la bonté de me donner Conseil sur ce Voyage. Je ne saurois prendre plus justement mes Mesures qu’en m’attachant inviolablement à tout ce que vous voudrez bien me prescrire.
63. C’en est fait Mad. et je ne vous croirai de ma Vie quoi apres etre partie, sans me dire Adieu, vous voudriez que je comptasse encore beaucoup sur Votre Amour. Non l’on aime point sur tout quand on a tant de facilité à se quitter. Voyez-vous que j’en fasse de meme quand il me faut aller seulement à trois lieus d’ici, je suis trois semaines à penser et toutes mes affaires pourroient bien se perdre avant que j’emprisse la resolution. Il faut meme que ce soit vous qui me le com[fol. 23r]mandiez absolument, si vous voulez que j’y aille [...]6464 Forme incompréhensible : ati ?aci ? Mad., c’est comme cela qu’il faut aimer et non pas comme vous faites.
64. Si je suis partie sans vous dire Adieu, c’est une Marque que je vous aime plus que vous ne pensez. Je vous ai voulu epargner la peine qui devance une Cruelle Separation et je me la suis voulu epargner à moi meme. D’ailleurs j’ai cru que l’on ne s’en aimoit pas mieux pour faire paroitre plus de foiblesse. Croyez-moi, toutes les apparences ne sont bonnes qu’à ceux qui ont envie de se tromper. Mais pour moi qui vous estime beaucoup et qui ait dessein de vous estimer toujours, je vous dirai que je suis bien aisé que vous m’en croyez sur ma parole.
65. L’Inquietude où je suis sur ce que M. Michel vous dit hier et la part que j’y prends, fait que je vous ecris ce billet, pour savoir s’il ne vous est rien arrivé depuis, car vous savez que rien ne me touche plus que ce qui vous regarde et il me fait d’autant plus peine que c’est Moi qui en suis Cause Innocente. Moi qui cependant n’ai cherchoit jusqu’à present que l’Occasion de vous prouver mon Amour et mon Attachement [fol. 23v] pour Vous. Vous le saviez vous-meme que le premier jour que je vous vis, rien ne fut capable de parer les fleches envenimés que vos yeux lancerent dans mon Cœur et, depuis ce tems, mon seul but a toujours eté de pouvoir vous plaire. Je ne sais si j[’ai]6565 Ms. je ai reussis, ayez un peu de retour car non seulement je vous laisse Maitresse absolu de ce qui me regarde, c'est à dire de ma Personne, mais encore de tous ce que je possede, si vous avez besoin de quelque chose, demandez le Moi sans façon et je jugerai de là, si vous aimez celui qui a l’honneur de se dire à vos genoux. Un Mot de reponce force le bonheur de celui qui l’attend unir une Impatience mortelle […]6666 Ms. mot incompréhensible.
.
66. Cousin
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ay appris le lieu de Votre demeure à Paris, cette Nouvelle m’a eté d’autant plus agreable que j’en profeterai dans peu de tems pour avoir l’honneur de vous y aller rendre mes devoirs tres humbles et renouveller avec Vous une Amitié qui me tient plus à Cœur que toute chose du Monde. Je vais partir aux [fol. 24r] premiers jours pour Metz où je ne dois pas faire, selon toute apparence, long Sejour et de là, j’irai à Paris. Je me fais une Joye de vous y voir, de meme que Votre Aimable Compagnon de Voyage à qui je vous prie de dire bien des choses de ma part, j’ai l’honneur d’etre avec les Sentimens les plus respectueux.
67. Monsigneur
Vous m’avez sans doute voulu jetter dans un embaras sensible, me faisant voir que dans l’esperence seulement des obligations que je ne manquerai pas d’avoir toute ma Vie. Vous avez la bonté de vous donner tant de peines pour me rendre un si important Service. J’avoue que vous y aviez fort bien reussi et que je me serois trouvé tout court sans l’esperence que j’ai que Vous ne vous tiendrez pas aux Expressions bornées des Lettres, et que Vous voudrez bien vous attendre à toutes autres choses quand j’aurai l’honneur d’etre plus particulierement connu de Vous. L’honneur d’etre sur Vos Ordres M. et l’envie de profiter de Vos salutaires avis me donnent une Impatience melée d’une joye si forte de m’y soumettre le plustot qu’elle m’a totalement changée aux yeux de tout le Monde, me laissant admirer toute l’etendue de Votre bonté [fol. 24v] qui, non content de m’avoir fait sentir6767 Ms. sentire toute la force de ses bienfaits, veux bien encore me faire connoitre le prix de ses precieux Conseils, son charge comme Vous me voyez, je n’ai rien autre chose à dire sinon que toute ma Vie ne me donnera pas. Je crois assez du tenis de vous en remercier dignement, mais si l’Obeissance à vos Ordres, la Docilité à vos Leçons, une Condescendance entiere à vos volontés peuvent vous developper en quelque partie le fond de mon Cœur, mon affaire est faite sans d’y reussir. J’attende avec Impatience des Ordres plus decisifs de mon Pere, pour pouvoir commencer le plus tot qu’il me sera possible de vous faire voir en effet que j’ai l’honneur d’etre. Pardonnez si j’ai fait quelques fautes le Tems des Exercices pressa.
68. Monseigneur
Le Brevet d’Aide de Camp que Votre Excellence a eu6868 Ms. eut la bonté d’envoyer par les Mains de mon Pere et dont elle m’a accordé le Titre, m’a fait un honneur si grand que je ne puis assez m’attendre pour vous en marquer ma parfaite Reconnoissance, mais j’ose m’assurer que Vous daignerez me passer mon peu de Capacité, Vos bontés etant audessus des Termes que mon d’Experience me peu permettra. [fol. 25r] Je me borne donc à un Respectueux Remerciment qui provint d’un Cœur de plus sinceres. Daignez me permettre M. que je vous fasse la priere de me laisser encore quelque Tems ici, pour me rendre plus digne du grade dont il vous a plut m’honorer et me meriter par là l’honneur que vous avez daignez faire.
69. L’autre
Je n[’ai] pas6969 Ms. ne pas assez de Termes pour vous exprimer combien je vous suis redevable de l’attention que vous avez eu de mettre en Mains de mon Pere. Le brevet d’aide de Camp dont vous daignez m’honorer du Titre, vous esperez aparement M. que je serois en meme de vous en marquer un jour toute ma Reconnoissance, mais pour ne point vous tromper dans vos esperences qui sont trop flateuses pour Moi, faites-moi la grace de me laisser encore quelque tems à l’Academie pour me rendre plus digne de meriter la Continuation de vos bontés et de vous prouver que je serai toujours avec les Sentimens de la plus vrai Reconnoissance et du profond Respect7070 Ms. respecte
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70. Il est certain que c’est un peu tard que je repond à la Lettre que vous eut la bonté de m’ecrire avec des felicitations au Sujet de l’Année presente qui commencoit, alors [fol. 25v] je ne le fais cependant pas avec noms de Sincerité et d’affection, ayant une parfaite Reconnoissance pour Votre cher Souvenir à mon egard. Soyez, je vous prie, tres persuadé que Personne ne peut vous souhaiter plus de bien que Moi et que je saisirai toujours, avec beaucoup de plaisir, toutes les Occasions par les quelles je pourrois vous procurer que je suis avec un attachement inviolable.
71. Permettez Madame que par ces peu de lignes pleines d’un respect le plus profond, j’ai l’honneur de vous exprimer les Sentimens d’un Cœur qui vous adore et brule pour Vous d’un passion la plus violente. La seule grace que je vous demende Mad. de ne point douter de la Sincerité de Sentimens de Celui qui se faira un honneur particulier et un plaisir infini de dire à jamais. Votre [...]7171 Mot incompréhensible. Amant et tres fidele Serviteur.
72. Madame
Oserois-je vous protester Mad. que de toutes les belles personnes que j’ai vu dans ma Vie, je n’en ai jamais vu qui fassent douées si eminemment comme [fol. 26r] vous l’etes, de toutes les perfections de l’ame et du Corps, ces Sentimens que vous inspirez sans doute à tous ceux qui ont l’honneur de vous voir, partent de ma part du Sanctuaire de la Sincerité et ne s’effaceront jamais, quel mortel pourroit etre plus heureux que Moi, si vous daigniez Mad. m’accorder la grace de pouvoir vous les exprimer de vive Voix, le plaisir de vous admirer mettroit le combler à ma Satisfaction et je m’etudierois constamment à pouvoir vous convaincre de l’estime la plus distinguée et la plus respectueuse avec la quelle j’ai l’honneur d’etre.
73. M.
Vous aprendrez sans doute avec la douleur la plus vive et la plus etendue le malheur dont nous sommes menacés par la Maladie dangereuse dont Votre chere Pere est attaqué depuis quelques jours. Vous n’avez d’autre partie à prendre qu’à partir en toute diligence pour vous rendre ici. Je crois que cela derangera le Voyage d’Italie et le Sejour que vous devez faire à Paris, mais Votre Devoir et Votre Interet l’exigent et Necessité et doivent vous partir à ne pas balancer un Moment. [fol. 26v] La mortelle douleur dont je suis navré m’empeche de vous ecrire plus ou long. Je me flatte que vous n’hesiterez pas à suivre les Conseils d’une Mere si affligée qui vous aime et vous aimera tendrement.
74. Monsieur
Je profite de mon Sejour à N. pour vous temoigner combien je suis sensible à toutes les Politesses que j’ai eu l’honneur de recevoir de Vous, les marques d’Amitié que Vous et Mada. avez bien voulu me donner me tiennent si fort à Cœur que notre Separation me cause une peine inexprimable, je tache cependant de me la rendre un peu plus supportable par l’espoir que j’ay de renouveller dans quelques tems une Connoissance qui m’est aussi chere que la Votre. Mon Voyage jusqu'à present n’a pas eté des plus tranquilles, puisque j’ai deja eté attaqué plusieurs fois par des Voleurs des Mains des quels je me suis cependant tiré heureusement à l’aide de mes Pistolets. Je vous prie de presenter mes respects tres humbles à Madame [fol. 27r] Derigny, en lui temoignant quel deplaisir me cause son absence et la Joye que je ressens d’avance de pouvoir dans peu lui marquer de Vive Voix de meme qu’à Vous le profond respect avec le quel j’ai l’honneur d’etre et serai toute ma Vie.
75. M.
Quoique je ne doute pas que mon Pere ne vous ait instruit de mon retour en Pologne, je me crois cependant obligé de vous en informer, pour vous reiterer en meme tems les Sentimens de respect que j’ay pour vous. Je vous dirai que je suis parti de Paris, le 11 du Mois, avec le chagrin de me separer de mon Cousin passant par Luneville, Mr. se sont joints à Moi pour faire Voyage ensemble. Nous sommes arrivée à Prague, le 20 du Courant et nous en repartirons le 3 ou 5 de ce Mois. J’espere Mr. que mon Arrivée sur les frontiers aura le bonheur de vous trouver chez vous, pour vous assurer de vive Voix du respectueux attachement avec le quel j’ai l’honneur d’etre.
76. Madame
L’interet que vous prenez à tout ce qui [fol. 27v] vous regarde me force à vous reiterer mes Sentimens de respect et de Reconnaissance que j’ay pour Vous. Je vous dirai Mad. que j’ai fait heureusement mon Voyage depuis Paris jusqu’à Luneville et trois Comtes se sont joints à nous. Lieu de leur Residence oridinaire, nous avons sejourné à Prague trois ou quatre jours et je ne saurois vous exprimer toutes les beautés qu’on y remarque. Les Eglises y sont tres riches, les Colleges des Jesuites y surpassent meme tout ce qu’il y a audessus de Paris et de magnifique. En un Mot, je crois avoir trouvé plus qu’un Paris à Prague. Le Louvre serviroit d’Offices aux Chateauses d’ici, les Tuilleries de bosquet, les Rues renfermeront les places de Victoire et le Vendome. L’Eglise de Sainte Sulptice et de Notre Dame ne feroit pas meme le Sanctuaire de la Cathedrale. La Petites[se]7272 Ms. petites se regne ici dans le Siege meme de la grosiereté. Le paysan y est plus gentil que le petit Maitre de Paris et il n’est paysan que par le Nom. Les Nobles elevés dans la Campagne donneroient des Saisons sur la maniere de vivre aux Ephistions de la Cour. Le simple Ecclesiastique recoit les honneurs qu’on [fol. 28r] accorde qu’avec regret en France aux Eveques. Vive le Pays, vivent les habitans, mais, au milieu de tout cet appareil, je ne laisse pas que de penser à la France par ce que vous y etes. Ce seul endroit suffit pour me rendre Prague seulement supportable. Heureux si en vous se joignant m’etoit permit de vous dire de Vive Voix que Ville Paris vaut mieux que Prague quand l’auroit meme Paris pour Faubourg. C’est alors que je vous dirois plus que je ne l’ai dit jusqu'à present que je suis.
77. M.
Je suis parti de Paris avec regret parce que j’y ai quitté M., ami fidelle, sincere, à qui je dois une Reconoissance des plus parfaits, je m’approche de Cracovie avec plaisir dans l’esperence de vous presenter mes Respects et de me dedomager de la perte que je viens de faire à Paris. Vous aviez trop de bonté pour Moi, puisque je me flatte que vous m’accorderez votre Amitié qui me tiendra toujours, Lieu de la plus douce Consolation dans mes deplaisirs, vous y joindrez encore la grace de me faire savoir où je dois me rendre pour rejoindre mon Pere. Tout cela m’engagera [fol. 28v] à doubler ma Reconnaissance et à vivre toujours dans les Sentimens de Consideration et de Respect.
78. Il n’est rien de si aimable que Vos Obligeantes Expressions et il n’est rien de si sincere que les Sentimens de Votre Cœur pour Moi, à tant de bontés, il m’est presque impossible de Vous repondre suffisement. Cependant, comme j’ay l’honneur de vous assurer de la plus parfaite reconnaissance de ma part, je vous prie d’etre persuadé que personne ne vous aime et ne Vous estime plus que Moi, comme celui qui est avec beaucoup de Tendresse et un Attachement inviolable. [fol. 29r]
Des Enigmes7373 On garde exprès les erreurs qui suivent.
Ce qui est devant Mon Sieur sert à Madame, [autre]7474 Ms. otre qui est devant Madame, sert à Mon Sieur et tous les deux utilisés pour le Mariage. C’est un M.
Une Demoisselle dit à un Mon Sieur : allons nous en coucher, nous ferons ce que vous saviez bien, nous mettrons7575 Ms. metterons poille conte poille et le petit principal au milieu. C’est l’oeuil.
Je suis une plaisante chose qui est cinq à six pouces de long. Je suis à peu pres gros comme le tras, doux au toucher, le petit bout rouge pret à se fourer dans son trou. C’est un Toppe.
Je suis une plaisante chose qui est sept à huit pouces de long et plus une fille me remuet et plus je deviens gros. C’est un fuseau.
Madame a envoy[é]7676 Ms. envoya chercher Monsieur. M. vient, fait sa reverence, leve la chemise bandé, tire son Coup debandé, fait sa reverence et s’en va. C’est un Chirugien.
J’ai brulé sur les Secrets. J’ai parcourré toute la Terre et souvent je passe au delà de Mer. C’est la Sire d’Espagne.
Je suis une plaisante chose qui est environs six à sept pouces de long. Quand je pende, je suis hors d’employé et quand on veut se servir de Moi, alors une Main feminin me prendre, me secouer et me badine, me conduisa dans un fende fort humide, ainsi que mon fidele guide comme dans mon naturel reduit là j’entrens autant que l’on me pouce et apres mainte et mainte secousse, si l’on me retire dehors, je suis tout mouillée et si l’on ne peut [fol. 30r] me permettre en usage, alors ce grand bruit au Menage. Aux Vous qui lisez le detail de mon savoir faire, si vous me devinez, vous pouvez sans Mystere me nommer, car de moi vous vous etes servis. C’est un hochet.