Recueil de Chansons, Romances, Ariettes et Rondes

Edition du Ms. BJ Przyb. 303/83

[fol. 5r°]

Recueil de Chansons, Romances, Ariettes et Rondes

Les chansons, on le sait, ne sont que des chansons, autant rendroit la foi du papillon de flore. Faut-il etre reduit à signer sur leurs fronts ? La constance et les vœux d’un cœur qui vous adore. 1788.

[fol. 6r°] Couples (air : de Joconde)

Etre fille, avoir Tes Enfans

Ce n’est pas être sage

Vous en avez êu cependant

A la fleur de Votre age :

Le monde le dit tous les jours

Ce n’est plus un mistere

Des Ris, des Jeux et de l’Amour

N’etes-vous pas la Mere.

Romance de J. J. Rousseau

(air : Vous qui du vulgaire stupide Edivin et Emma)

Au fond d’une Sombre Vallée,

Dans l’enceinte d’un Bois

Epaix

Une humble chaumiere isolée

Cachoit l’innocence et la

Paix ;

[fol. 6v°] Là vivoit (c’est en Angletere)

Une Mere dont le désir

Etoit de laisser sur la terre

Sa fille heureuse et puis

Mourir.

2e.

La Belle Emma, par Sa

Sagesse

Faisoit languir sans le savoir

Les jeunes garçons de tendresse

Et les filles de desespoir ;

Par hazard s’offrit à la Belle

Le jeune Edvin dont le

Regard,

D’une ardeur chaste et

Mutuelle [fol. 7r°]

Sut enflamer un cœur sans

Fard.

3e.

Emma ne fut point offensée

De l’offre d’un cœur ingénu

Car il n’avoit pas de pensée

Qu’il dut cacher Sa Vertu.

Mais un pere avare et sauvage

Refuse à l’Amant ecouté

Une fille sans appanage

Qui n’a pour dot que la Beauté.

4e.

A l’autorité paternelle,

Que rien ne sauroit désarmer

Edvin ne put etre rebelle ;

Mais il ne put cesser d’aimer ; [fol. 7v°]

Le pauvre enfant passe et

Repasse,

Non chez Emma, mais tout

Autour

Surprend un coup d’œil, voit la

[...]11 Ms. mot incompréhensible : plasse ?

Qu’elle arrosoit de pleure

D’Amour.

5e.

Souvent la Nuit, au Clair de

Lune,

L’entend près de l’humble

Jardin,

Lamenter leur triste infortune ;

Jusques à l’aube du Matin.

Enfin cet état qui l’opresse [fol. 8r°]

Jamais se voir, toujours s’aimer

Dans l’insomnie et la tristesse

Acheve de la consumer.

6e.

Edvin sous les yeux de Son

Père

Languit, malade au lit de

Mort ;

Cet homme alors se desespere,

Et voudroit reparer son tort ;

C’est trop tard, le Ciel que j’implore,

Dit Edvin, va finir mes jours ;

Mais laissez-moi revoir encore

Celle que j’aimerai toujours.

7.

Emma vient le coeur plein

D’allarmes,

Auprés du lit de Son Amant,

Qui voyant perir tant de

Charmes,

Tombe sans pouls, sans

Mouvement ;

On les sépare Edvin se pâme,

Cherche des yeux sa chere

Emma,

Comme s’il vouloit rendre l’ame

Dans les bras de ce qu’il aima.

8e.

Aprés sa longue défaillance

Rendue au jour, mais sans

Espoire ;

Emma, garde un profond Silence [fol. 9r°]

Et s’en retourne vers le Soir ;

Passant le long d’un Cimetiere,

Elle entend l’Oiseau de la Nuit ;

Puis traversant une Bruyere,

Croit voir une ombre qui la suit.

9e.

Adieu, lui dit la Voix mourante

De l’ombre attachée à ses pas ;

Puis elle entend toute tremblante

La Cloche qui sonne au trepas ;

Elle arrive au toit solitaire

Frappe à la porte avec effroi ;

C’en est fait, dit-elle, ô Ma Mere

Et de mon Amant et de moi.

10.

A ces Mots au Souil de la [fol. 9v°]

Porte.

Où Sa Mere l’appelle en vain,

Dans ses bras Emma tombe

Morte,

Morte d’Amour pour

Son Edwin

Ces Amants reposent ensemble,

Morts l’un pour l’autre au

Même jour22 Ms. jours

Et la tombe à jamais rassemble

Ceux qui devoit unir l’Amour.

La prevoyante

(air … le cher objet sonnaille encor)

Vous me grondez d’un ton severe

D’avoir malgré Votre Leçon

Ce Matin dans notre Maison [10r°]

Reçu même ecouté Valere / Bis

Il reviendra ce Soir, je crois,

Ce Soir, je crois,

Mamant, mamant,

Grondez-moi pour deux fois.

2.

Le Nom d’Amour qui m’effarouge

Il me la fait si bien gouter

Qu’on jureroit à l’ecouter.

Qu’il est innocent dans Sa

Bouche / Bis

Il reviendra

3.

Il me conjure avec instance

De lui laisser prendre un

Baiser [fol. 10v°]

Me taire c’est lui refuser

Mais il n’entend pas mon

Silence

Il reviendra

4e.

Je devrois fuir ce temaire

Ne pas écouter Ses Soupirs

Mais lorsqu’on ne sent

Que plaisirs

Peut-on bien marquer Sa

Colere ?

Il reviendra

5.

En vain contre un Amant si

Tendre,

De vos leçons, je veux m’aider [fol. 11r°]

Il a l’art de persuader

Mieux que vous ne savez

Deffendre

Il reviendra

Romance de Mr. Hoffman

(Le Son de la Cloche)

Entends-tu le Son Bruïant

De l’airain retentissant,

Frappes l’air en fremissant

Il nous dit, Eleonore :

Voila des Momens perdus,

L’Echo les repete enore,

Mais ils ne sont déja plus.

2.

Vois cette onde qui s’écoule,

Vois ce Palais qui s’écroule, [fol. 11v°]

Vois ce Nuage qui roule

Le tonnerre dans ses flancs :

Le chêne orgueilleux qu’il

Frappe,

L’Eclaire qui luit et s’echappe ;

Voila l’Image du tems.

3.

Ah ! Si par aucun effort

On ne peut vaincre le Sort,

Sachons reculer la mort

En jouissant de la Vie :

Sans frayeur et sans

Remord,

Pas une Route fleurie

Descendons au Sombre bord.

4e. [fol. 12r°]

Bientot dans l’abime immense

Du Néant et du Silence,

Comme un geant qui s’avance

Le tems va Nous engloutir :

Trompons sa faux meurtriere33 Ms. meurtrieres,

Avant de mourir, Ma Chere,

Mourons cent fois de

Plaisirs.

Romance de Berquin

(air … au fond d’une Sombre Vallée)

Entend ma voix gémissante

Habitans de ces Vallons.

Guide ma marche tremblante

Qui se perd dans les

Buissons,

N’est-il pas quelques chaumieres [fol. 12v°]

Dans le fond de ce Reduit

Où je vois une lumiere,

Perces l’ombre de la Nuit.

2.

Mon fils, dit le Solitaire

Crains ce feu qui te séduit,

C’est une vapeur légere

Elle égare qui la suit.

Vient dans ma Cellule obscure,

Je t’offrirai de bon cœur

Mon pain noir, ma couche

Dure,

Mon Repos et mon bonheur.

3.

Ces accents faisoient sourire

Le voyageur attendri [fol. 13r°]

Un secret penchant l’attire

Vers le bienfaisant abri

Un toit de chaume le couvre

Et l’hermitte hospitalier

Pousse un loquet qui leur ouvre

L’humble porte du foyer.

4.

Devant lui son chien folatre

Et partage sa gaieté

Le grillon chante dans l’atre

Etincelant de Clarté :

Mais hélas rien n’a de

Charmes

Pour son hote malheureux

Rien ne peut tarir les

Larmes [fol. 13v°]

Qui s’echappent de ses

Yeux.

5.

L’hermitte voit la tristesse

Et voudroit la soulager

D’où vient l’ennuy qui te

Presse,

Dit-il, au jeune Etranger ?

Est-ce une amitié trahie ?

Est un Amour dédaigne ?

Où la misere ennemie

Qui te rend infortuné.

6.

Hélas tous les biens du

Monde

Tout peu dignes de nos vœux [fol. 14r°]

Et l’insensé qui s’y fonde

Est plus miserable qu’eux

L’amitié s’il en est une

N’est qu’un fantome imposteur

Un vent qui suit la fortune

Et s’éloigne du malheur.

7.

L’amour est plus vain encore

C’est un éclat emprunté

Un nom faux dont le decore

L’ambitieuse Beauté

On ne croit l’Amour fidel

S’il daigne quitter les Cieux

Qu’au Nid de la tourterelle

Qu’il echauffe ses feux.

8.

[fol. 14v°]

Va, crois-moi, deviens plus sage

Méprise un Sexe trompeur,

Chôle Emu de ce langage

S’embellit par sa Rougeur

Son front où la Candeur brille

Ses yeux, Sa Bouche et Son

Sein,

Font reconnoitre une fille

Dans le Charmant Pelerin.

9.

Voyez dit-elle une amante

Qui cherche en vain le Repos ;

Voyez une fille errante

Dont l’Amour cause les maux

Longtems, superbe inhumaine

Ignorant le prix d’un Cœur [fol. 15r°]

De fuir une tendre chaine

J’avois mis tout mon Bonheur.

10e.

Dans cette foule volage

Qui venoit grossir ma Cour

Raimond m’offrit son hommage

Sans m’oser parler d’Amour

Le Ciel etoit dans son ame

Le Lys qui s’ouvre au Matin

N’etoit pas pure que la flame

Que j’allumois dans Son Sein.

11e.

Sa Naissance etoit commune

Raimond sans Bien, sans

Emplois,

N’avoit qu’un Cœur pour [fol. 15v°]

Fortune

Mais ce cœur fut tout à moi

Las de mon ingratitude

Il me quitta pour toujours

Et dans une Solitude

Il alla finir Ses jours.

12e.

Maintenant desespérée

Victime, d’un fol orgueil,

Je m’en vais dans la Contrée

Qui renferma son Cercueil

Là je n’ai plus d’autre envie

Que de mourir à Ses pieds

Payant des jours de ma vie

Ceux qu’il m’a sacrifiée.

13.

[fol. 16r°]

Non, non, dit Raimond lui

Même

En la serrant dans Ses Bras

Non celui que ton cœur aime

N’a pas subi le trépas.

Regarde ô mon Angeline

Cher objet44 Ms. objets de mes Regrets

Regarde ô fille divine

Cet Amant que tu pleurois.

14.

Angeline est dans l’ivresse

Le transport coupe Sa Voix

Ah ! dit-Elle avec tendresse

Est-ce toi que je revois ?

Vivons, mourons l’un pour

L’autre, [fol. 16v°]

Il ne faut plus Nous quitter

Qu’un seul trepas soit le

Notre

Qu’aurons-Nous à regretter.

Le Siecle pastoral.

[...]55 Ms. mots illisibles.

(air.. vous qui du Vulgaire Stupide)

Precieux jours dont fut ornée

La Jeunesse de l’Univers,

Par quelle triste destinée

N’étes vous plus que dans

Nos Vers ?

Votre douceur charmante et

Pure

Cause nos Regrets Superflus ;

Telle qu’une tendre peinture

D’un aimable objet qui [fol. 17r°]

N’est plus.

2e.

La terre aussy riche que belle,

Unissoit dans ces heureux tems

Les fruits d’une Automne66 Ms. Automnes

Eternelle

Aux fleurs d’un Eternel

Printems.

Tout l’Univers etoit champetre

Tous les hommes etoient

Bergers ;

Les Noms de Sujet et de

Maitre

Leur etoient encore étrangers.

3.

Sous cette juste independance, [fol. 17v°]

Compagne de l’egalité,

Jour dans une même abondance,

Goutoient même tranquillité :

Leurs toits etoient d’épais

Feuillages,

L’ombre des Sautes leurs

Lambris ;

Les temples etoient des

Bocages,

Les Autels des Gazons

Fleuris.

4.

Ils ignoroient les arts penibles,

Et les travaux nés du Besoin ;

Des arts enjoués et paisibles

La Culture fit tout leur Soin [fol. 18r°]

La tendre et touchante harmonie

A leurs jeux doit Ses

Premiers airs ;

A leur noble et libre Genie

Appollon doit ses premiers

Vers.

5.

On ignoroit dans leurs Retraites

Les noirs chagrins, les vains

Desirs,

Les Espérances inquietes,

Les longs Remords des courts

Plaisirs :

L’interet au Sein de la terre

N’avoit point ravi les

Metaux, [fol. 18v°]

Ni soufflé le feu de la Guerre,

N’y fait de Chemin sur

Les Eaux.

6.

Les Pasteurs dans leurs

Heritages

Coulants leurs jours jusqu’au

Tombeau,

Ne connoissoient que le Rivage

Qui les avoit vus au Berceau :

Tous dans l’innocentes delices,

Unis par des Nœuds pleins

D’attraits,

Passoient leur jeunesse sans,

Vices,

Et leur Vieillesse sans [fol. 19r°]

Regret.

7e.

La Bergere aimable et fidelle

Ne se piquoit pas de savoir ;

Elle ne savoit qu’etre Belle,

Et suivre la Loi du devoir :

La fougere etoit sa toilette ;

Son miroir le Cristal des Eaux ;

La jonquille et la Violette

Etoient ses atours les plus

Beaux.

8e.

On la voyoit dans sa parure

Aussy simple que ses Brebis :

De leur toison commode et pure

Elle se fitoit des habits. [fol. 19v°]

Ô regne heureux de la Nature

Quel Dieu nous rendra les

Beaux jours !

Justice, Egalité, Droiture,

Que n’avez-vous regné toujours.

9e.

Ne peins-je point une

Chimere ?

Ce charmant Siecle a-t-il eté ?

D’un auteur temoin oculaire

En sait-on la Realité ?

J’ouvre les fastes sur cet âge :

Partout je trouve des Regrets ;

Tous ceux qui m’en offrent

L’image

Se plaignent d’etre nés [fol. 20r°]

Après.

Choix d’une Maitresse desirée

(air… je suis Lindor)

D’aimer jamais, si je fais

La folie,

Et que je sois le maitre de mon

Choix ;

Connois, Amour, cette qui sous

Tes Loix,

Pourra fixer le destin de ma vie.

2.

Je la voudrois moins Belle que

Gentille :

Trop de fardeur suit d’apres

La Beauté.

Simples attraits peignent [fol. 20v°]

La Volupté ;

Joli Minois, du feu d’amour

Petille.

3e.

Je la voudrois, moins coquette

Que tendre,

Sans etre Agnés ayant peu

De desirs ;

Sans les chercher, se livrant

Aux plaisirs.

Les augmentant en voulant

S’en deffendre.

4.

Je la voudrois sans gout pour

La parure,

Sans negliger le Soin de [fol. 21r°]

Ses appas ;

Quelque peu d’art qui ne

S’apperçoit pas

Ajoute encore au prix de

La Nature.

5.

Je la voudrois n’ayant pas

D’autre Envie,

D’autre Bonheur que Celui

De m’aimer.

Si cet objet, Amour, peut

Se trouver,

De te servir je ferai

La folie [fol. 21v°]

Le Tourtereau tué à la Chasse

(air de Gabriele de Vergi)

Cœurs purs où regnoit

L’innoçence,

Touchante image du

Bonheur,

Modele heureux de la

Constance,

Simbole ailé de la douceur !

D’un plomb que le Salpetre

Anime,

Tu reçois le coup dans tes

Flancs ;

Tu meurs, hélas ! triste

Victime

De nos cruels amusemens. [fol. 22r°]

J’ai vu… j’ai vu ta jeune

Amante,

Sensible au coup qu’on t’a

Porté,

S’eloigner d’une aile

Tremblante,

Et fuir d’un Vol précipité.

Heureuse, si la main

Cruelle,

Sous qui tu tombas

Expirant

Lent, par une atteinte

Mortelle,

Rejointe à son fidel

Amant ! [fol. 22v°]

3.

Je la suivis dans un bocage,

Où s’enivrant de ses douleurs,

Son triste et douloureux

Ramage,

A mes yeux arracha des

Pleurs :

De l’écho la Nimphe attendrie,

Repeta ses tendres accens ;

Ecoute les, ombre Cherie,

Je les retins : je te les

Rends.

4.

„Ainsi l’on l’enleve à ma

Flâme !

„Ainsy s’eteignent nos

Amours ! [fol. 23r°]

„La mort, sans respecter

Leur trame,

„A pu trancher de si beaux

Jours !

„Quel crime… peut

Etre infidele…

„Non, non, tu ne le fus

Jamais,

„Notre tendresse mutuelle

„Servoit d’exemple en nos

Forets.

5e.

„Un même jour Nous donna

L’etre ;

„D’epoux constant gages

Cheris, [fol. 23v°]

„Un même Berceau nous

Vit naitre,

„Toujours heureux, toujours

Unis.

„L’himen devoit, amour

Encore.

„Couronner nos tendres desirs,

„Quand le printems eut

Fait Eclore

„Un Sanctuaire à nos plaisirs.

6.

„De ce temoin de ma tendresse,

„De l’arbre où je reçut la

Foi,

„Entens la Voix de ma tristesse, [fol. 24r°]

„Ombre Cherie, ecoute-moi :

„Aux pleurs je consacre le

Reste

„Des jours destinés au

Bonheur :

„Tu meurs, frappé d’un

Coup funeste :

„Moi, je mourrai de ma

Douleur.

7e.

On sait qu’à leurs moitiés

Fidelles,

Dans leurs tendres engagemens,

Les innocentes tourterelles

Gardent la foi de leurs [fol. 24v°]

Sermens

Depuis ce jour, triste,

Mourante,

Elle confie à nos forets,

D’une Voix plaintive et

Touchante,

Ses pleurs, son amour,

Ses Regrets.

8.

Toi, dont le Souvenir si

Tendre

Pour jamais nourrira mon

Cœur,

Charmant oiseau, puisse

Ta cendre

Etre sensible à sa douleur ! [fol. 25r°]

Puisse-je, au gré de ma

Tendresse,

Comme toi, pour l’avoir

Chanté,

Vivre Cheri de ma Maitresse

Et mourir aussy Regretté.

Lucréce. Par M. [...]77 Ms. mot illisible Serrai

(air… l’amour m’a fait la Peinture)

Dans cette belle contrée,

Où le Tibre, en ses replis,

Roule son onde dorée,

Ma rue, au loin égarée,

Erroit parmi des débris.

2.

Le dieu des ombres légères

M’invitoit au doux Repos, [fol. 25v°]

Quand d’antiques caracteres

Suspendirent mes paupières,

Qu’alloient fermer ses pavots.

3.

C’etoit ta triste avanture

De Lucrèce et de Tarquint :

J’en ai tracé la peinture.

Puisse la Race future

Me savoir gré du Larcin.

4.

Lucrèce eut une ame tendre

Avec un cœur vertueux :

Tarquint ne put s’en défendre,

Et le défaut de s’entendre

Fit le malheur de tout deux. [fol. 26r°]

5.

Un jour, tout parfumé d’ambre,

Méditant d’heureux efforts,

Il la surprit dans sa chambre :

On n’avoit point d’antichambre,

On n’annoncoit point àlors.

6.

Lucrèce reste muette,

Mais bientot prenant un ton.

Elle court à sa Sonnette :

Il en avoit en cachette

Exprés coupé le Cordon.

7.

A ses pied[s]88 Ms. pied il tombe, il jure

Qu’il sera respectueux :

Que sa flame est vive et pure

On dit qu’en cette posture [fol. 26v°]

Un homme est bien dangereux.

8.

Tarquin devient témèraire :

Lucrèce a recours aux cris ;

Elle tombe en sa Bergere.

Le pied glisse d’ordinaire

Sur un parquet sans tapis.

9.

Auprés d’une femme aimable

Il est des torts à punir.

Je ne sais s’il fut blamable ;

Il faut être bien coupable,

Pour l’etre au Sein du plaisir.

10.

Dans le couroux qui l’enflame [fol. 27r°]

Lucrèce céde au dépit

On dit qu’elle en rendit l’ame

Dans notre Siécle, une femme

A plus de font d’esprit.

Romance de Renaud d’ASL

Comment gouter quelques Repos

Ah ! Je n’en ai pas le courage

Et mon triste cœur se soulage

Par le Souvenir de Ses Maux

Hélas dans cet age prospere

Qui semble fait pour les

Plaisirs

Je ne connus que des

Soupirs [fol. 27v°]

A quinze ans je perdis ma

Mere !

2.

Un Amant tendre et plein

D’appas

Partageoit ma peine cruelle,

La gloire au loin Soudain

L’appelle,

Il court et trouve le trepas,

Quelle ame assez forte, assez

Dure

Pourroit soutenir, ces malheurs

L’amour en vain chercha des

Pleurs

Qu’avoit epuisé la Nature. [fol. 28r°]

3e.

Ma raison fuit et dans mon

Sein

S’allume une fievre brulante

Mais bientot une Main

Savante

De mes jours eloigne la fin

Pourquoi sur la douleur extrême

La mort n’a-t-elle pas des

Droits

Hélas ! il faut mourir deux

Fois

Quand on survit à ce

Qu’on aime. [fol. 28v°]

Le nouvel an

Douze Mois sur Notre tete

Sont encore revolus,

Ami, celebrons la fête,

Nous avons un an de plus.

Pour la naissante jeunesse

Que ce beau jour a d’attraits !

A l’impuissante Vieillesse

Qu’il apprête de Regrets.

2.

Du destin la Loi Suprême

Nous condamne à d’autre maux ;

Le tems est toujours le même,

Les Ennuis seront nouveaux. [fol. 29r°]

Moissônons les fleurs ecloses ;

Et le Bandeau sur les yeux,

Prenons un chemin de Roses

Pour rejoindre nos ayeux.

3.

Hélas ! Notre tems se passe

A mesurer notre tems :

C’est en racourcir l’Espace

Que d’en compter les instans.

Quelles sont donc les merveilles,

Que nous offre un jour si beau !

Cinq ou six fetes pareilles

Vont-nous mener au tombeau.

4.

Vois-tu l’onde fugitive ? [fol. 29v°]

C’est l’image de Nos jours ;

Ni la digne, n’y la Rive

Ne peut arreter Son cours.

Là, coulant sur la Verdure,

Là, fuyant par les deserts,

Elle porte son Murmure

Dons la vaste Sein des Mers.

5.

Dans l’aurore de la Vie

Les jeux font tous nos plaisirs,

A cette heureuse folie

Succédent d’autres desirs.

Bacchus dans Notre Vieillesse

Fait oublier les amours ;

La mort vient, le charme cesse, [fol. 30r°]

Et nous dormons pour toujours.

Ariette d’Alexis et Justine

Elle l’aimoit si tendrement

Hélas ! hélas ! c’est grand dommage

Pour deux cœurs que l’Amour

Engage

Faut-il qu’amour soit un

Tourment

Tout etoit prés dans le Village

Et tout d’un coup V’lag’ des

Parens

Des Parens durs et bon mechants

Veulent rompre ce Mariage

Qu’il n’y a du plaisir avec l’amour / Bis [fol. 30v°]

Mais aussi de la peine à Son tour / Bis

2.

Nous separer, Mon cher Victor

Hélas ! hélas ! c’est bien

Dommage !

Pour deux cœurs que l’amour

Engage

Qu’est-ce donc que l’argent

Et l’or !

A son Helene en mariage

Victor apportoit le Bonheur

L’or est-il donc tout pour le

Cœur ?

L’or, fait-il seul un bon

Menage ?

Qu’il n’i a du plaisir avec l’Amour / Bis

Mais aussi.

3.

Ils parloient, ils pleuroient

Tous deux

Hélas ! hélas ! c’est grand

Dommage

Mais le chagrin de l’un tant

Le partage

Tous deux en sont moins

Malheureux.

Voila qu’un Monsieur du

Haut parage

Aussy puissant que genereux

Vient les voir et leur dit : je veux [fol. 31v°]

Que votre bonheur soit mon

Ouvrage

Qu’il n’y a du desespoir en amour / Bis

Oui, mais l’esperance à Son

Tour / Bis

4.

Helene a plus de bien que

Victor ;

Hélas ! hélas ! c’est grand

Dommage

On rompt pour ça votre

Mariage

Moi, je le renoue avec de l’or

Que l’himen tous deux vous

Engage [fol. 33r°]

Voila de l’argent, dit le bon

Monsieur :

Etre né riche et un bonheur

Mais il double quand on

Le partage

Qu’il n’y a de la peine avec

L’Amour / Bis

Le plaisir à bon aussy

Son tour / Bis

Idille de Berquin

Je le tiens ce Nid de fauvette,

Ils sont colos quatre petits

Depuis longtems que je vous

Guette [fol. 32v°]

Petits oiseaux vous voila pris

Criez, sifflez, petits rebelles

Debattez-vous ; mais c’est

En vain

Vous n’avez pas encore des

Ailes,

Pouvez-vous sortir de

Mes Mains.

2.

Mais n’entends-je pas

Leur Mere

Qui pousse des airs

Douloureux

Et n’entends-je pas leur

Pere ; [fol. 33r°]

Qui vient voltiger autour

D’eux

Et je serois assez barbare

Pour vous priver de Vos

Enfans

Non, non, que Rien ne vous

Separe

Non, les Voix, je vous les

Rends.

3.

Hélas ! Si du Sein de ma

Mere

Un mechant venoit me

Ravir,

Je le sens bien : dans Sa [fol. 33v°]

Misere

Elle n’auroit plus qu’à

Mourir

Et je saurois causer la

Peine

Les captivant dans ces

Vallons

Non, non, que Rien ne vous

Enchaine

Egayez-vous par Vos

Chansons.

4e.

Instruisez-les dans le

Boccage

A voltiger auprés de vous ; [fol. 34r°]

Qu’ils apprennent par

Vos Ramages

A former les Sons les

Plus doux,

Je viendrai la Saison

Prochaine

Vous visiter dans vos

Vallons ;

Et j’y danserai sous ce

Chene

Au bruit de Vos tendres

Chansons.

Les Souhaits

Que ne suis-je la fougere [fol. 34v°]

Où le Soir d’un beau jour,

Se repose ma Bergere

Sous la garde de l’Amour

Que ne suis-je le Zephir

Qui caresse Ses appas,

L’air que Sa bouche respire,

La fleur qui nait sous Ses

Pas.

2.

Que ne suis-je l’onde pure

Qui la recoit dans Son Sein !

Que ne suis-je la parure

Qu’elle met sortant du Bain !

Que ne suis-je la fauvette

Qu’avec plaisir elle instruit, [fol. 35r°]

Et qui sans cesse repette :

Baisez, baisez jour et Nuit.

3.

Que ne suis-je cette Glace

Où son Minois repeté,

Offre à Nos yeux une grace

Qui sourit à la Beauté !

Que ne puis-je par un Songe

Tenir Son cœur enchanté !

Que ne puis-je du Mensonge

Passer à la Verité.

4e.

Que ne suis-je l’oiseau tendre,

Dont le Ramage est si doux ! [fol. 35v°]

Qui lui-même vient l’entendre

Et mourir à Ses Genoux,

Les yeux qui m’ont donné l’Etre

M’ont fait trop ambitieux

Car enfin, je voudrois etre

Tout ce qui plait à Ses Yeux.

De J. J. Rousseau

Je l’ai planté, je l’ai vu naitre

Ce beau Rosier ; où les oiseaux

Venoient chanter sous ma

Fenetre

Perchés sur Ses jeunes Rameaux [fol. 36r°]

Petits oiseaux, troupe amoureuse

Ah ! par pitié, ne chantez pas,

L’Amant qui me rendoit heureuse

Est parti pour d’autres climats.

2.

Pour les tresors du nouveau monde

Il fuit l’Amour, brave la Mort,

Hélas ! pourquoi chercher sur l’onde

Le tresor qu’il trouvoit au port.

3.

Vous passageres hirondelles

Qui revenez chaque printems,

Oiseaux voyageurs mais fideles

Ramenez-le-moi tous les ans. [fol. 36v°]

D’Orphée et Euridice

Objet de Mon amour,

Je le demande au jour

Avant l’Aurore… / Bis

Et quand le jour s’enfuit

Ma voix pendant la Nuit

L’appelle encore … / Bis

2.

Accablé de Regrets

Je parcours des forets

La vaste enceinte …/ Bis

Touché de mon destin

Echo repete en vain, [fol. 37r°]

Ma triste plainte …/ Bis

3.

Plein de trouble et d’effroi

Que de Maux loin de toi

Mon cœur endure… / Bis

Temoin de Ma douleur

Sensible à mon Malheur

L’onde murmure … / Bis

[Sans titre] Par Bernin

Jris, Themire et Danaé

Ont en vain reçu mon hommage :

N’en doutez point, Belle Aglaé,

Jamais mon cœur ne fut volage. [fol. 37v°]

2.

Jris parle si tendrement

Mon cœur est si foible et si tendre

Que je croyois même en l’aimant

Vous voir, vous parler, vous entendre.

3.

Un Sourire engageant et doux

M’enflamma bientôt pour Themire ;

J’ygnorois qu’une autre que Vous

Put aussy finement sourire.

4.

Danaé s’offrit dans le Bain ;

Qu’on est aveugle quand on aime !

Aux lis repandus sur Son Sein

Je ne crus voir qu’Aglaé même [38r°]

Ainsy dans les plus doux plaisirs,

Je cedois à Vos seules armes ;

Mon cœur ne formoit desirs

Que par l’image de Vos charmes.

Meprise de l’amour

Un jour l’Amour quittant sa Mere

Fut bien surpris :

Il dit en voyant ma Bergere

Je vois Cypris.

Hélas ! comment se peut-il faire

Qu’elle soit là ?

J’ai laissé venus à Cythere

Et la voila. [fol. 38v°]

2.

Je ne la vis jamais plus belle

Que je la vois ;

Mais que diable y cherche-t-elle

En la Pinois ?

Il s’approche, il voit qu’on l’evite ;

Hélas ! Pourquoi ?

Pourquoi, dit-il, prendre la fuite ?

Mamant, c’est Moi.

3.

L’Amour reconnut Sa Méprise,

Il en sourit ;

Et revenu Sa Surprise

Il s’applaudit.

Ce que ce dieu fit à la Belle

Nous est caché, [fol. 39r°]

Mais depuis il cherche qu’elle

A Sa Psiché.

Couples

De plus d’une divinité

J’adore en vous l’image ;

Venus avoit moins de beauté,

Minevre etoit moins sage.

L’amour timide et retenu

Suit sans cesse vos traces ;

Vous faites aimer la Vertu

Et respecter les graces.

Quatuor de Lucile

Où peut-on être mieux …/ Bis [fol. 39v°]

Qu’au sein de Sa famille… / Bis

Tout est content, aussy joyeux,

Le cœur, l’Esprit, aussy les yeux.

Buvons }99 L’accolade concerne cette ligne et la ligne qui suit. Bis

Aimons

Comme Nos bons ayeux.

2.

Amour fatal Amour … / Bis

Qu’elle est donc ta puissance … / Bis

Si tes attraits sont des Biensfaits

Sur lui lance les traits

Fais lui sentir }Bis

Quel doux plaisir

De m’aimer à jamais. [fol. 40r°]

Couples

(air… du haut en bas)

En Vous voyant

A la beauté on rend hommage

En vous voyant

On rend hommage au vrai talent

Le gout bat des mains, mais je gage

Que les cœurs battent d’avantage

En vous voyant.

La Moisson

Lorsque l’on part pour la Moisson

Chacun appréte Sa chanson

On court, on rit au point du jour

Prés d’une Bergere Gentille [fol. 40v°]

C’est au plaisir, c’est à l’amour

Deguiser la faucille.

2.

Repandus au travers d’un champ

On les voit tous se tremoussant

Si le trouvait trop échauffant

Parfois affoiblit le courage

Baiser bien frais pris en passant

Donne cœur à l’ouvrage.

3.

Le contentement la Gaieté,

Bravent les chaleurs de l’Eté

Par l’appetit assaisonné,

Frugal repas se prend sur l’herbe

Et pour l’instant plus fortuné [fol. 41r°]

Amour garde une Gerbe.

4e.

Rions, chantons, amusons-nous

Avec ardeur travaillons tous,

Que chacun avec Son pris,

Le Soir remplisse Sa cabane

Oui dans les Moissons de Cypris

Est bien pauvre qui glane.

De l’heureux Depit

Pourriez-vous bien douter encore,

Que Celicourt soit votre Amant,

Il vous cherit, il vous adore

J’en suis sûr et voici comment.

Vous voir fait son bonheur supreme, [fol. 41v°]

Ainsy vient-il cent fois par jour

Si ce n’est pas là comme on aime

Qu’appellez vous donc de l’amour ! / Bis

2.

Si quelques fois Celicour chante,

Son ame se peint dans Ses yeux,

Sa voix s’attendrit quand il vante

Le Sort de deux cœurs amoureux.

Ainsy pour sa tendresse extreme,

Il semble implorer du Retour,

Si ce n’est pas.

3.

Celicour prend-t-il une plume

Il trace aussitôt Votre Nom,

Deux cœurs qu’un même feu consume [fol. 42r°]

Se dessinent sous Son crayon.

O jugez d’après cet embleme

De ce que prouve Celicour

Si ce n’est pas.

4.

Une fleur que Votre Main touche

Est à Ses yeux du plus grand prix,

Il presse en Secret sur sa bouche ?

Un ruban qu’il vous a surprit

Et pour vous plaire il devient même

Peintre et poète tour à tour

Si ce n’est. [fol. 42v°]

De la Partie de chasse d’Henry IV

Charmante Gabrielle

Percé de mille d’arcs

La gloire me rappelle

Aux nobles champs de Mars

Cruelle departie

Malheureux jour

Que ne suis-je sans Vie

Ou sans amour.

2.

Partagez ma couronne

Le prix de Ma Valeur

Je la tiens de Bellone

Tenez-la de mon cœur. [fol. 43r°]

Cruelle departie

Malheureux jour

C’est trop peu d’une Vie

Pour tant d’amour.

Reponse

Le printems rappelle aux armes

Coulez mes larmes

Le printems rappelle aux armes

Cruelle tourment

Grand dieu parmi tant d’allarmes

Conservez mon cher Amant. [fol. 43v°]

Au Lit de Mirthé

O lit charmant ou ma Mirthé

Dort en paix, quoique sans deffense,

Temple secret de la Beauté,

Va1010 Ms. Vas, ne crains rien de ma presence,

Je puis trouver la Volupté,

Au Sein même de l’innocence.

2.

Laisse-moi poser cette fleur

Au chevet de ma bien aimé ;

Qu’elle en respire la fraicheur ;

Et qu’une Vapeur enchantée,

Prete une nouvelle douceur

A Son haleine parfumée. [fol. 44r°]

3.

O sommeil laisse-moi jouir

Du calme heureux ou tu la plonge

Laisse mon image s’unir,

Aux tendres erreurs de ses Songes,

Et que sans avoir à rougir

Elle se plaise à leurs mensonges.

4.

Mais quel transport en ce moment

Agite son ame attendrie ?

Dieux ! pour qui ce soupir charmant

Qui meurt sur sa bouche fleurie ?

O ma Mirthé ! c’est ton amant

Qui fait la douce reverie.

5.

Que tu dois me voir amoureux [fol. 44v°]

Dans ce songe qui te caresse !

Mais un songe au gré de Ses vœux

Te peindroit-il donc ma tendresse

Lorsque moi-même je ne peux

T’en exprimer toute l’ivresse.

6.

Si jusqu’au retour du Soleil

Baigné de l’air qu’elle respire,

J’osois icy de Son Sommeil,

Partager l’aimable délire !

Si je pouvois, à Son reveil

Surprendre Son premier Sourire !

7.

Mais non : de ces vœux indiscret[s]1111 Ms. indiscret

Loin de moi l’ardeur egaré ! [fol. 45r°]

Dors, ma Mirthé, repose en paix :

Qu’en cette retraite sacrée

Tout soit pur, comme les attraits

Timide comme sa pensée.

8.

S’il m’en coute quelques soupirs

A m’arracher de ta presence,

Je n’y perds pas tous mes plaisirs !

Sans allarmer ton innocence

J’emporte avec moi mes desirs,

Et les douceurs et l’Esperance.

Le Serin

Du Serin1212 Ms. Serein qui te fait envie,

Eglé, je te fais le present [fol. 45v°]

Il fut le tribut de Lesbie

Le mêsage de Son Amant ;

Sans intimider ta Sagesse

Songe qu’un tel cadeau souvent

Dispose un cœur à la tendresse

Et menage un Engagement. / Bis

2.

Oiseau qui savez si bien plaire

Que Votre Sort me semble doux

Vous ne quitterez ma Bergere

Que de Son Sein à ses genoux :

Quelques fois d’un[e]1313 Ms. un avide conquete

Vous quitterez Ses jolis bras

Vous irez chanter sur Sa tete

Votre bonheur et ses appas. [fol. 46r°]

3.

La Nuit une enceinte importune

Doit vous mettre en captivité,

Prés d’Eglé c’est ta Loi commune,

L’on doit perdre Sa Liberté :

Mais quel sera Votre avantage

Au premier Rayon du Soleil,

Vous sortirez de l’Esclavage

Pour la baiser à Son Reveil.

4.

Que cet oiseau te soit l’image

D’un cœur qui toujours l’aimera :

Si Son naturel est sauvage

Tant de beauté le fixera.

On perd tous Ses gouts infideles

Eglé quand on connoit la Loi [fol. 46v°]

Et tous ce qui porte des ailes

Les oublie à coté de toi.

De La Rosiere de Salency

Ma barque legere

Portoit mes filets ;

L’onde la plus claire

Servoit mes projets

Soudain un tapage

A faire trembler,

O ciel faisant rage

Vient tout ebranler

Ma baraque s’engage

Et s’echappe en debirs

L’écho du Rivage [fol. 47r°]

Repousse mes cris

Colin à la Nage

S’unit à mon Sort

Et malgre l’orage

Me conduit à bord…

Ma baraque s’engage

Et s’echappe

Colin à la Nage

S’unit à mon Sort

Et malgré l’orage

Me conduit à bord.

De La Rosiere

Quel beau jour se dispose !

Qu’il promet de douceur ! / Bis [fol. 47v°]

Je recevrai la rose

Des mains de Monseigneur / Bis

Ce beau drapeau ce verd feuillage

Et ces Rameaux en fleurs

Sont le signal et le presage

De ma gloire et de Mon bonheur / Bis

L’un et l’autre est cher à mon cœur,

Tout ce que j’aime il le partage.

Encore ce Matin

Mon Pere et Colin

Sourioient

Me parloient

De cette fleur si chere ;

S’embrassoient

M’appelloient [fol. 48r°]

La Belle Rosiere

Ah ! Colin, Ah ! mon Père

Venez tous deux

Venez………… ter

Que Mon Bonheur vous rende

Heureux. / Bis

Encore ce Matin.

Romance

Julie est sans desir

C’est un bouton de Rose

Que la Nature arrose

Et dispose à s’ouvrir :

Dans son cœur sans detour

Il n’est pas jour encore [fol. 48v°]

Il n’attend pour Eclore

Qu’un Rayon de l’Amour.

2.

Menage, dieu charmant

Cet instant pour ma flame

Fais entendre à Son ame

La Voix du Sentiment

Sur Ses desirs naissans

Que ton flambeau l’Eclaire

Et prete moi pour plaire

Les traits les plus puissans.

3.

Si sensible à ma Voix,

Julie daigne m’entendre

Jamais Amant plus tendre [fol. 49r°]

N’aura subi tes Loix :

Le cœur aime à s’ouvrir

A la Reconnoissance

Quand le dieu qui l’encense

Est le dieu du plaisir. / Bis

[Sans titre]

(air… du Devin de Village)

Je vais revoir ma charmante maitresse

Adieu chateaux, grandeurs, richesse

Votre Eclat ne me tende plus

Si mes pleurs, mes soins assidus

Peuvent toucher ce que j’adore,

Je vous verrai renaitre encore

Doux momens que j’ai perdus. [fol. 49v°]

2.

Quand on sait aimer et plaire,

A-t-on besoin d’autre bien

Rends-moi ton cœur, ma Bergere,

Colin l’a rendu le sien.

3.

Mon chalumeau, ma houlette,

Soyez mes seules grandeurs,

Ma parure est ma Colette,

Mes tresors sont Ses faveurs.

4.

Que de Seigneurs d’importance,

Voudroient bien avoir Sa foi !

Malgré toute leur puissance

Ils sont moins heureux que Moi. [fol. 50r°]

D’Azemia

Ton amour, ô fille cherie !

M’a consolé de tous mes maux :

Si ton pere aime encore la Vie,

C’est pour veiller à ton repos / Bis

Ma retraite profonde !

Tu la vois sans Effrois

Je suis pour toi le Monde

Tu l’es aussy pour Moi

Tu l’es aussy seule

Tu l’es aussy pour Moi / Bis

Ton amour

Le Souvenir de mon naufrage

Vient-il m’agiter, m’agiter malgré moi [fol. 50v°]

Pour ranimer tout mon courage

J’aime à redire prés de toi, / Bis

Ma fille Azemia !

Ton amour, ô fille cherie !

M’a consolé de tous mes maux

Si ton pere aime encore la vie

C’est pour veiller à ton Repos /Quatre

Des Amours d’Eté

Mon honneur dit que serois

Coupable

Si je cherchois Guillot dans cet

Endroit ;

Mais mon cœur dit que je suis

Excusable, [fol. 51r°]

Si c’est Guillot qui d’abord m’appercoit,

Sur ce gazon, comme on est à Son

Aise ;

Puisse Guillot tourner ici Ses pas !

S’il etoit là, s’il etoit là, Theresse

Assurement tu ne dormirois pas.

2e.

Guillot, Guillot que ce nom m’interesse

Heuresement qu’on ne peut m’ecouter,

Car dans l’excés de ma vive tendresse

Je me surprends à trop le repeter,

Si l’on savoit que Guillot fut me

Plaire

Tout le hameau me feroit endever,

N’en parlons plus et pour plus [fol. 51v°]

N. Mystere

Contentons-nous, s’il se peut, d’en rever.

Romance par le Cher. de Florian

Des Bergers de Notre Vilage

Lisis fut le plus amoureux ;

Louise recut son hommage

Et partagea bientôt ses feux.

Il la demande à Sa famille,

Mais le Pere dit à Lisis :

Soyez riche autant que ma fille,

Je ne la donne qu’à ce prix. / Bis

2.

Hors son amour, et sa chaumiere

Le pauvre Lisis n’avoit rien ; [fol. 52r°]

La cabane etoit pour Sa mere

Et Louise avoit l’autre bien :

Il part, il quitte Sa patrie,

Il arrive au pays de l’or ;

Là, par une honnête industrie / Bis

3.

Lisis revient plein d’assurance,

Louise est fidelle et attend ;

Sa main sera la recompense

Des travaux d’un si tendre amant.

Il va posseder son Amie :

Mais la veille d’un jour si beau

Par une affreuse Maladie

Sa Mere est au bord du tombeau. / Bis [fol. 52v°]

4.

Lisis tremblant court à la Ville,

Il ne songe plus aux amours ;

Du Medecin le plus habile

Lisis implore le Secours.

Ma Mere va m’etre ravie ;

Dit-il : embrassant Ses genoux ;

Si votre art lui sauve la vie

Ce que je possede est à vous. / Bis

5.

Le Medecin par Sa Science

Rend la Mere aux vœux de Son fils ;

Le tresor est Sa recompense,

Plus de Louise pour Lisis ;

Un autre epouse la Bergere ;

Lisis, le voit sans murmures, [fol. 53r°]

Et l’air content, prés de Sa Mere

Il mourut et n’osa pleurer. / Bis

La Sainte Colere par M. de la Garde

(air : Lise chantoit dans la prairie.)

A peine ai-je quitté l’enfance

Que Nos Bergers me font la cour :

Mamant en vain me fait deffense

D’écouter un seul mot d’Amour,

Sur ce point souvent je friponne :

Si quelqu’un s’y prend galamment

Je gronde d’abord hautement

Mais tout bas. / Bis/ Mon cœur lui pardonne.

2.

Tous les Matins dans nos prairies

L’amour fait moissonner des fleurs. [fol. 53v°]

Aux Bergers les plus jolies

On en fait des Marques d’honneur

Toutes les fois que l’on m’en donne,

Par un air froid et nonchalant

Je deconcerte le Galant

Mais.

3.

Sur mes cheveux, mon teint, ma taille

Colin fait de tendres chansons :

Je feins de croire qu’il me raille

De mamant je suis les Leçons.

Quand pour moi sa flute raisonne

Pour ne point faire de jaloux

J’affecte un modeste courroux

Mais. [fol. 54r°]

4.

Quand tête à tête en un bocage

Je me trouve avec le Berger ;

Ses yeux, ses mains font le langage

Dont il se sert pour m’engager.

D’abord ma vertu s’en etonne

Je voudrois n’en rien ecouter

Je fais semblant de m’irriter

Mais.

5.

Il pousse si loin l’aventure

Qu’il m’oblige par Ses Efforts

A sacrifier ma parure :

Pour me soustraire à ses transports,

A grands cris j’appelle ma bonne :

Ce chiffonnage me fait peur [fol. 54v°]

Colin pousse à bout ma pudeur

Mais.

6.

Dans l’ardeur d’un feu temeraire

Par lui mon Lacet est coupé ;

Je m’efforce d’etre en colere

Et de mon Buse il est frappé.

Mais malgré les coups que je donne

Il n’en devient pas plus discret :

Je crois qu’un demon en Secret

Lui dit que (bis) mon cœur lui pardonne.

Ariette du Corsaire

On se presse toujours trop tôt

En desirant le mariage, [fol. 55r°]

C’est un mot qui plait au jeune age

Mais fille s’en repent bientôt

Et d’un air tout sot,

Dit, lorsque son choix n’est pas

Sage,

La chose ne vaut pas le Mot.

2.

Notre destin depend d’un Mot,

Mot sacré qui de nous dispose

C’est le mot qui mene à la chose,

Fille dont l’honneur est le Lot.

N’avance pas trop ;

On ne doit jamais, et pour cause

Risquer la chose avant le mot. [fol. 55v°]

3.

Mais quand on trouve ce qu’il faut

Pour être heureuse en mariage,

Dans le Mot tout plait, tout engage,

Le cœur s’en apperçoit bientôt,

Et chante tout haut

En cherissant son esclavage :

La chose vaut mieux que le mot.

Des deux Tuteurs

Oui, j’aime Adele, mais mon cœur

Ne desire que Son Bonheur,

Je veux que ce Lien,

Soit formé par elle-même ;

Satisfait, heureux si l’on m’aime

Et consolé, s’il n’en est rien [fol. 56r°]

Oui, j’aime.

De Pannard

Sous des lambris où l’or eclate,

Fouler la pourpre et l’Ecartate ;

Sur un trone dicter des Loix

C’est le plaisir des Roix.

Sur la fougere et sur l’herbette

Lise dans les yeux de Lisette

Qu’elle est sensible à Nos Soupirs

C’est le Roy des plaisirs.

2.

Quelque part que l’on se transporte

Etre entouré d’une Cohorte,

Voir des curieux jusqu’aux toits, [fol. 56v°]

C’est le plaisir des Rois.

Quand on voyage avec Silvie

N’avoir pour toute compagnie

Que les amours et les Zephirs

C’est le Roy des plaisirs.

3.

Agir et commander en maitre ;

Avec le Souffre et le Salpetre

Fortement appuyer Ses droits

C’est le plaisir des Rois.

Quand le tendre enfant nous couronne

Tenir du cœur ce qu’on nous donne

Ne rien devoir qu’aux doux Soupirs

C’est le Roy des plaisirs. [fol. 57r°]

Des plus beaux Bijoux de la vie

Parer une Beauté cherie

En charger Sa tête et Ses doigts,

C’est le plaisir des Rois.

Voir une petite fleurette

Toucher plus le cœur de Nanette

Que Pertes, Rubis et Saphirs,

C’est le Roy des plaisirs.

5.

Avec une meute bruyante

Remplie les forets d’epouvante,

Reduire des Cerf aux abois,

C’est le plaisir des Rois.

Avec une troupe choisie

Chasser à grand coup d’ambrosie [fol. 57v°]

La douleur et les vains Soupirs

C’est le Roy des plaisirs.

6.

Donner dans une grande fete

Des concerts à rompre la tête,

Où l’on entend mugir Cent Voix

C’est le plaisir des Rois.

Dans un petit Repas tranquile

Par quelque gentil Vaudeville

Du cœur exprimer les desirs

C’est le Roy des plaisirs.

Romance de J. J. Rousseau

N’est-il amour sous ton empire

Que des Rigueurs ? [fol. 58r°]

S’il faut prevoir quand on soupire

Tous les Malheurs,

Tes biens n’offrent qu’un vain délire

Aux tendres cœurs.

2.

J’aimois une jeune Bergere

Belle à ravir,

Cent Rivaux jaloux de lui plaire

Vinrent s’offrir

Que déffort il a fallu faire

Pour les bannir.

3.

J’obtins enfin par Ma Constance

Un tendre aveu,

Ce moment seul lorsque j’y pense [fol. 58v°]

Combla mon feu

Mais cette double jouissance

Dura bien peu.

4.

Un mal affreux pour une belle

Un jour la prend ;

Dieux, m’écriai-je, sauvez celle

Que j’aime tant,

Qu’elle vive laide et fidelle

Je suis content.

5.

Le Mal qui porte Son ravage

Jusques au bout,

Change1414 Ms. changes les traits de Son Visage

Mais non mon gout [fol. 59r°]

Ah ! la beauté n’est qu’une image

Le cœur est tout.

6.

Aprés tant de Maux et de larmes

J’etois en paix,

Mais il falloit d’autres allarmes

Sentir les traits

Cruel amour, pour qui tes charmes

Tout ils donc fait ?

7.

Après dix mois de Mariage

Instants trop court[s]1515 Ms. instant ?

Elle alloit me donner un gage

De mon amour

La Pasque cruelle et sauvage [fol. 59v°]

Trancha ses jours.

8.

Cette jeune et tendre Bergere

Prette à mourir

Me dit ferme-moi la paupiere

Prends ce Soupir

Garde de ma flame sincere

Le Souvenir.

9.

Oui, chaque jour, dieux que j’atteste

Je m’en souviens,

Le Souvenir chere et funeste

De ce lieu

Est le seul tresor qui me reste

C’est tout mon bien. [fol. 60r°]

Vous que jamais un amour ne blesse

D’un trait vainqueur,

Le calme et la paix sont sans cesse

Dans Votre cœur ;

Mais hélas ! vivre sans tendresse

Est-ce un Bonheur.

Le fils naturel par le Ch.er de Boufflers

O toi qui n’eus jamais dû naitre

Gage trop cher d’un fol amour,

Puisse-tu jamais ne connoitre

L’erreur qui te donna le jour ;

Que ton Enfance

Goute en Silence

Le bonheur qui pour elle est fait ; [fol. 60v°]

Et que l’Envie

Toute la Vie

Ignore et laisse ton Secret.

Ronde de Colinette à la Cour

L’amitié vive et pure

Donne icy des plaisirs vrais,

C’est la Simple Nature

Qui pour nous en fait les frais ;

Gaité franche, amour honnete

Ramenent le bon vieux tems ;

Chez nous c’est encore la fete }Bis

La fete des bonnes gens.

2.

Chez nous le Mariage [fol. 61r°]

N’est que l’accord de deux cœurs

D’un si doux Esclavage

Les Nœuds sont tissus de fleurs,

Du Bonheur on est au faite

Sitôt qu’on a des enfans ;

En famille on fait la fete } Bis

La fete des bonnes gens.

3.

La Bergere Severè

Prend gaiment le Verre en main ;

L’amour au fond du Verre

Se glisse et passe en son Sein ;

Pour l’amant qu’elle conquête !

Tous deux en sont plus charmans

L’amour embellit la fete [fol. 61v°] } Bis

La fete de bonnes gens.

4.

Par des grands airs tragiques

A la Ville on attendrit ;

Par des concerts rustiques

Au Village on rejouit ;

Sans vous fatiguer la tête

Par des accords trop savans

Venez tous rire à la fete } Bis

La fête des bonnes gens.

Romance de deux Tuteurs

L’amitié des Nœuds les plus doux

Unit notre paisible enfance

Nos jeux peignoient sans defiance [fol. 62r°]

Les Soins touchans de deux Epoux.

On s’accoutume au Badinage,

Le Sentiment croit avec l’age,

Sait-on quand on est sans detour,

Que l’amitié devient amour ?

2.

Ah ! je l’appris, mais de mon cœur

L’amour s’etoit rendu le Maitre,

Avant de s’y faire connoitre,

Il en etoit déjà le Vainqueur.

Et quand il fit jour dans notre ame

Nous brulions de la même flame

Ah ! ce n’est pas pour un seul jour

Que l’amitié devient amour. [fol. 62v°]

Ariette de Felix

Non je ne serai point ingrat !

Non, dut-il m’en couter la vie,

Hé bien je me ferai Soldat,

Depuis longtems j’en ai l’envie

Sans lui je n’existerois pas…

Enfant abandonné de la Nature

Entiere…….

C’est lui qui me prit dans ses bras

Qui me porta dans Sa chaumiere,

Qui conduisit Mes premiers pas,

Sans lui verrois-je la lumiere ?

Sans lui je n’existeroit pas ;

Et je seduirois Sa fille ! [fol. 63r°]

Je troublerois Sa famille !

Dans le Sein de ce Vieillard,

J’en foncerois le poignard !

Non, dut-il m’en couter la Vie.

Non je ne serai point ingrat,

Hé bien je me ferai Soldat,

Depuis longtems j’en ai l’envie

Mais la quitter ! ma douce amie !

Non, dut-il m’en couter la vie,

Non je ne serai point ingrat,

Hé bien ! je me ferai Soldat,

Depuis longtems j’en ai l’envie.

Ariette de Felix

Il faut que je les quitte, [fol. 63v°]

Ces lieux si cheris de mon cœur

Ces lieux que ma Therese habite

Ne sont plus rien pour mon bonheur

Demain ils feroient mon supplice

Demain ils feroient mon tourment,

Je l’y chercherois vraiment.

Ô sort ! qui de mes jeunes ans

Ne me fûtes jamais propice,

Je vous pardonnois l’injustice

Qui me priva de mes Parens !

Mais quand il faut que je les quitte

Ces lieux qui faisoient mon bonheur

Ces lieux que ma Therese habite.

Contre Vos coups mon cœur s’irrite

Je vous accuse de Rigueur. [fol. 64r°]

Il faut, il faut.

L’heureuse Erreur

La bonne foi fut ma chimere

N’ai-je donc cheri qu’une erreur :

O dieux ! laissez-moi mon bonheur :

Je ne veux point que l’on m’eclaire

S’il faut que l’amour soit trompeur,

Que l’amitié soit un mensonge,

Faites encore durer le Songe,

Et laissez la Nuit dans mon cœur.

2.

Que dis-je ? hélas ! brisons les chaines

Qui peuvent couter de Soupirs,

Et defendons-nous des plaisirs, [fol. 64v°]

Quelque fois si Voisins des peines.

Mais pourquoi veux-je me sauver

D’une erreur qui m’est aussi chere ?

Rendors-toi, rendors-toi Glycere,

Pour être heureuse, il faut rever.

A l’Oreiller de Glicere

Revele tes Secrets au jour

Oreiller foulé par Glicere,

Duvet, plumage de l’amour

Ou des Colombes de Sa Mere.

2.

Ne me dis pas ce que l’on voit

Quand sa main, quand Zephire en trouve

Le Lit heureux qui la reçoit [fol. 65r°]

Où l’heureux Voile qui la couvre.

3.

Ne me dis pas ce que l’on ressent

Quand sa bouche voluptueuse

Baise le tissu1616 Ms. tissus caressant

Qui presse la plume amoureuse.

4.

Va, quand l’amour à tes portraits

Preteroit Sa touche divine

Tous les appas que tu peindrois

Vaudroient-ils ceux que je devine.

5.

Dis-moi plutôt, dis-moi comment

Et combien de fois ta Maitresse [fol. 65v°]

Repete ces doux Noms d’amant

Et de plaisir et de tendresse.

6.

Dis-moi plutôt combien de pleurs

Baignant le lit qui le decore,

Quand par hazard j’orne de fleurs

Le Sein de Sophie et d’Aglaure.

7.

L’autre jour j’obtins un baiser

Elle me dit : tu vois je t’aime !

Tu peux, mais garde-toi d’oser

Et deffend-moi contre toi-même.

8.

Ivre d’Amour et de desir

Je respectai Son innocence ; [fol. 66r°]

Je n’ay perdu que le plaisir

Et je conservé l’Esperance.

9.

Un baiser charmans, adieux,

Tu la vis bientôt solitaire

Attendre sur un lit oiseux

Un pavot doux et salutaire

10.

Tu la vis, fortuné cousin,

Helas ! dis mois soupiroit-elle ?

Sentois tu palpiter Son Sein

Emprisonné sous la dentelle1717 Ms. dentelles.

11e.

La beauté seule entre deux draps

Est moins timide et plus emûe [fol. 66v°]

Son ame ainsy que Ses appas

Entre deux draps est presque elûe.

12.

Mille autres, oreiller charmant

O tes Secrets peuvent pretendre

Mais crois-moi, dans ce peuple amant

Le plus aimable est le plus tendre.

13.

Hélas ! tu ne m’as jamais vu

Puisse-tu quelque jour m’entendre !

Peut-être mon Nom t’est connu

Ma Glicere a pu te l’apprendre.

14.

Oh ! quand pourrais-je près de toi

Dans mes bras la voir moins farouche [fol. 67r°]

Me peindre le[s]1818 Ms. le doux effrois

Et se rassurer sur ma bouche ?

15.

Hier, je lui serre la Main :

Son œil s’anime, elle soupire ;

Puis elle dit, reviens demain…

Rougit, se tait et se retire.

16.

Dieux ! en croirai-je un doux espoir

Est-ce mon bonheur qu’elle annonce

Cher oreiller, j’irai ce Soir

Prés de toi chercher sa reponse.

Il faut aimer par le Ch. De Parny

(air. De la Romance d’Alexis et d’Alix)

Vous qui de l’amoureuse ivresse [fol. 67v°]

Fuyez la Loi ;

Approchez-vous belle jeunesse

Ecoutez-moi.

Votre cœur a beau se deffendre

De s’enflammer

Le moment vient, il faut se rendre

Il faut aimer.

2.

Hier au Bois ma chere Annette

Prenoit le frais :

Elle chantoit, sur Sa musette,

N’aimons jamais :

M’approchant alors par derriere

Sans me nommer,

Je dis : vous vous trompez ma chere [fol. 68r°]

Il faut aimer.

3.

En rougissant la pastourelle

Me repondit :

D’amour la fleche est trop cruelle

On me l’a dit.

A treize ans le cœur est trop tendre

Pour s’enflammer

C’est à Vingt ans qu’il faut se rendre

Pour mieux aimer.

4.

Lors je lui dis : la Beauté passe

Comme une fleur ;

Un Souffle bien souvent l’efface

Dans sa fraicheur ; [fol. 68v°]

Rien ne peut, quand elle est fletrie,

La ranimer

C’est quand on est jeune et jolie,

Qu’il faut aimer.

5.

Belle amie, à si douce atteinte

Cedez un peu.

Cet amour dont Vous avez crainte

N’est rien qu’un jeu1919 Ms. jeux.

Annette soupire et commence

A s’allarmer.

Mes Ses Yeux m’avoient dit d’avance :

Il faut aimer.

6.

L’air etoit frais, l’instant propice, [fol. 69r°]

Le Bois touffu ;

Annette fuit, le pied lui glisse

Tout est perdu.

L’amour la couvrant de son aile

Sçut l’animer.

Helas ! je vois trop, me dit-elle,

Qu’il faut aimer.

7.

Les oiseaux temoins de l’affaire

Se baissoient mieux ;

L’onde plus tard qu’à l’ordinaire

Quittoit ces lieux :

Les Roses s’empressoient d’éclorre

Pour embaumer,

Et l’echo repetoit encore.

Il faut aimer.

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